Comme pour Hisham Sharabi, la guerre des six jours a eu une profonde influence sur la destinée du chercheur palestinien Edward Saïd (1935/2003). Sa pensée iconoclaste et sa plume prophétique en font l'un des esprits les plus libres et les plus éclairés de son temps. Comme pour Hisham Sharabi, la guerre des six jours a eu une profonde influence sur la destinée du chercheur palestinien Edward Saïd (1935/2003). Sa pensée iconoclaste et sa plume prophétique en font l'un des esprits les plus libres et les plus éclairés de son temps. «Mon autobiographie, A contre-voie, décrit les mondes étranges et contradictoires dans lesquels j'ai grandi et donne une idée des influences que j'ai subies au cours de ma jeunesse en Palestine, en Egypte et au Liban. Mais ce récit s'arrête avant le début de mon engagement politique, qui commence en 1967, après la guerre de six jours. L'Orientalisme est bien plus proche des tumultes de l'histoire contemporaine. Il s'ouvre sur une description, écrite en 1975, de la guerre civile au Liban qui s'achèvera en 1990. Et pourtant la violence et les bains de sang continuent jusqu'à ce jour. Le processus de paix lancé à Oslo a échoué, la seconde Intifada a éclaté, et les Palestiniens subissent de terribles souffrances en Cisjordanie réoccupée comme dans la bande de Gaza. » écrit-il dans les colonnes du Monde diplomatique de Septembre 2003 , dans une réflexion intitulée « L'humanisme dernier rempart contre la Barbarie ». Sa plume étonnamment prophétique comme celle de la plupart de ses compatriotes n'a pas peu compté pour éclairer les consciences trop souvent embrouillées du monde occidental dès qu' il s'agit des réalités du Moyen-Orient. Décédé le 24 septembre 2003 d'une leucémie qu'il combattait courageusement depuis 10 ans, Edward Saïd enseignait la littérature anglaise comparée à l'Université Columbia de New-York. Esprit ouvert et brillant penseur il a écrit de nombreux ouvrages consacrés, notamment, au conflit du Proche-Orient. « Briser les chaînes de l'esprit » Membre du Conseil national palestinien depuis la fin des années 1970, il en avait démissionné, comme Mahmoud Darwich, par opposition aux méthodes de la direction de l'OLP. Mécontent des accords d'Oslo, il était toutefois partisan d'un échange continu avec les forces progressistes israéliennes, et combattait fermement toute forme d'exclusivisme négateur. « Briser les chaînes de l'esprit» était clairement son objectif. Son champ de réflexion audacieux englobe les idées de tous les penseurs de la planète et de toutes les périodes historiques. Dépassant l'étroit carcan des idéologies, le penseur palestinien s'intéresse à l'homme dans son universalité. « Ce n'est pas un hasard si j'ai montré que l'orientalisme et l'antisémitisme moderne ont des racines communes. Pour tout intellectuel indépendant, élaborer des modèles de rechange aux dogmes étroits et simplificateurs fondés sur l'hostilité mutuelle qui prévalent au Proche-Orient et ailleurs depuis trop longtemps constitue donc une nécessité vitale.» écrit-il encore dans le même article. Avec un humour pétillant, Edward Saïd souligne qu'aujourd'hui le monde globalisé s'acharne à une standardisation de tous les domaines de l'esprit, ce que notamment Goethe avait combattu. «Humaniste œuvrant dans le domaine de la littérature, je suis assez vieux pour avoir reçu, il y a quarante ans, un enseignement en littérature comparée dont les idées fondatrices remontent à l'Allemagne de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. (…) Pour les jeunes de la génération actuelle, la philologie évoque une science aussi antique que surannée, alors qu'elle est la plus fondamentale et la plus créatrice des méthodes d'interprétation. L'exemple le plus admirable en est l'intérêt de Goethe pour l'islam et en particulier pour le poète Hafiz - cette passion dévorante l'amènera à écrire le West-östlicher Diwan et influencera ses idées sur la Weltliteratur (littérature du monde), l'étude de toutes les littératures du monde comme une symphonie totale que l'on pourrait comprendre théoriquement comme préservant l'individualité de chaque œuvre sans pour autant perdre de vue l'ensemble. » ajoute-t-il. Edward Saïd était également un musicologue reconnu. «La Palestine n'a pas disparu mais elle perd tous les jours un peu de sa terre» Réfléchissant et agissant sans relâche pour la cause palestinienne, il constate amèrement que « la Palestine n'a pas disparu , elle perd tous les jours un peu de sa terre». En 1998, participant au tournage d'un documentaire sur la Palestine, il décrit avec précision les spoliations quotidiennes de terres effectuées par les colons israéliens, selon un processus colonialiste classique s'apparentant aux ravages provoqués en Algérie par l'application du Senatus Consulte (1863) et de la loi Warnier (1873) visant à exproprier les Algériens de leurs terres ancestrales. « Il est essentiel de ne pas sous-estimer le dommage ainsi causé, la violence qui marque ainsi nos vies, les malheurs qui en résultent.(…)Rien n'est comparable au sentiment de triste impuissance que l'on éprouve en entendant un vieil homme de trente-cinq ans qui, quinze ans durant, a travaillé en Israël à la journée, clandestinement, afin de mettre de côté de quoi construire une petite maison pour sa famille et qui, un jour, découvre cette maison en ruine, rasée, avec tout ce qu'elle contenait, par un bulldozer israélien. Et si vous lui demandez pourquoi - car, après tout, la terre était à lui , vous apprendrez qu'il n'y a pas eu d'avertissement : un papier transmis, le lendemain, par un soldat israélien, affirme simplement que l'homme n'avait pas eu de permis de construire. Et pour cause : les autorités israéliennes refusent systématiquement aux Arabes le permis de construire sur leur terre. Les Juifs peuvent construire, mais jamais les Palestiniens. C'est de l'apartheid pur et simple.» Edward Saïd, qui intervenait régulièrement dans les colonnes du Monde Diplomatique, est l'auteur d'un ensemble de contributions dont la grande liberté d'esprit apporte au lecteur ample matière à réflexion. Une riche bibliographie Edward Saïd a notamment écrit : « l'humanisme, dernier rempart contre la barbarie», septembre 2003, «L'autre Amérique», mars 2003, «Barenboïm brise le tabou Wagner», octobre 2001, «Albert Camus, ou l'inconscient colonial», novembre 2000, «Ma rencontre avec Jean-Paul Sartre», septembre 2000, «La trahison des intellectuels», août 1999, «Israël-Palestine, une troisième voie», août 1998, «La Palestine n'a pas disparu», mai 1998, «Victimes consentantes», novembre 1994. Ses essais en langue française sont : A contre-voie. Mémoires, 2002. Culture et impérialisme, 2000, Israël-Palestine, l'égalité ou rien, 1999, L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident, 1997, Des intellectuels et du Pouvoir, 1996, Nationalisme, Colonialisme et littérature, 1995.Il est l'auteur d'une œuvre monumentale en langue anglaise : Beginnings : Intention and Method. 1975. The Question of Palestine, 1979. Orientalism. 1980, (réédition de Orientalism, 1978, Covering Islam : How the Media and the Experts Determine How We See the Rest of the World, 1981, The World, the Text, and the Critic, 1983. After the Last Sky : Palestinian Lives, 1986, Blaming the Victims : Spurious Scholarship and the Palestinian Question,1988, Nationalism, Colonialism, and Literature, 1990. Culture and Imperialism, 1993, Representations of the Intellectual : The 1993 Reith Lectures, 1994, The Politics of Dispossession : The Struggle for Palestinian Self-Determination, 1969-1994, 1994. Peace and Its Discontents : Essays on Palestine in the Middle East Peace Process, 1995, The Pen and the Sword : Conversations with David Barsamian, 1994, Out of Place : A Memoir,1999. The End of the Peace Process : Oslo and After, 2000, Reflections on Exile and Other Essays. 2000, Reflections on Exile : and Other Literary and Cultural Essays, 2001, Unholy Wars : Afghanistan, America and International Terrorism, 2002, Culture and Resistance :Conversation With Edward W. Saïd, 2003.Edward Saïd a inspiré de nombreux écrits, notamment, «Un homme à part», par Gilles Perrault, mai 2002 et «Edward Said, témoin et Cassandre», par Eric Rouleau, avril 1996. K. T. «Mon autobiographie, A contre-voie, décrit les mondes étranges et contradictoires dans lesquels j'ai grandi et donne une idée des influences que j'ai subies au cours de ma jeunesse en Palestine, en Egypte et au Liban. Mais ce récit s'arrête avant le début de mon engagement politique, qui commence en 1967, après la guerre de six jours. L'Orientalisme est bien plus proche des tumultes de l'histoire contemporaine. Il s'ouvre sur une description, écrite en 1975, de la guerre civile au Liban qui s'achèvera en 1990. Et pourtant la violence et les bains de sang continuent jusqu'à ce jour. Le processus de paix lancé à Oslo a échoué, la seconde Intifada a éclaté, et les Palestiniens subissent de terribles souffrances en Cisjordanie réoccupée comme dans la bande de Gaza. » écrit-il dans les colonnes du Monde diplomatique de Septembre 2003 , dans une réflexion intitulée « L'humanisme dernier rempart contre la Barbarie ». Sa plume étonnamment prophétique comme celle de la plupart de ses compatriotes n'a pas peu compté pour éclairer les consciences trop souvent embrouillées du monde occidental dès qu' il s'agit des réalités du Moyen-Orient. Décédé le 24 septembre 2003 d'une leucémie qu'il combattait courageusement depuis 10 ans, Edward Saïd enseignait la littérature anglaise comparée à l'Université Columbia de New-York. Esprit ouvert et brillant penseur il a écrit de nombreux ouvrages consacrés, notamment, au conflit du Proche-Orient. « Briser les chaînes de l'esprit » Membre du Conseil national palestinien depuis la fin des années 1970, il en avait démissionné, comme Mahmoud Darwich, par opposition aux méthodes de la direction de l'OLP. Mécontent des accords d'Oslo, il était toutefois partisan d'un échange continu avec les forces progressistes israéliennes, et combattait fermement toute forme d'exclusivisme négateur. « Briser les chaînes de l'esprit» était clairement son objectif. Son champ de réflexion audacieux englobe les idées de tous les penseurs de la planète et de toutes les périodes historiques. Dépassant l'étroit carcan des idéologies, le penseur palestinien s'intéresse à l'homme dans son universalité. « Ce n'est pas un hasard si j'ai montré que l'orientalisme et l'antisémitisme moderne ont des racines communes. Pour tout intellectuel indépendant, élaborer des modèles de rechange aux dogmes étroits et simplificateurs fondés sur l'hostilité mutuelle qui prévalent au Proche-Orient et ailleurs depuis trop longtemps constitue donc une nécessité vitale.» écrit-il encore dans le même article. Avec un humour pétillant, Edward Saïd souligne qu'aujourd'hui le monde globalisé s'acharne à une standardisation de tous les domaines de l'esprit, ce que notamment Goethe avait combattu. «Humaniste œuvrant dans le domaine de la littérature, je suis assez vieux pour avoir reçu, il y a quarante ans, un enseignement en littérature comparée dont les idées fondatrices remontent à l'Allemagne de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. (…) Pour les jeunes de la génération actuelle, la philologie évoque une science aussi antique que surannée, alors qu'elle est la plus fondamentale et la plus créatrice des méthodes d'interprétation. L'exemple le plus admirable en est l'intérêt de Goethe pour l'islam et en particulier pour le poète Hafiz - cette passion dévorante l'amènera à écrire le West-östlicher Diwan et influencera ses idées sur la Weltliteratur (littérature du monde), l'étude de toutes les littératures du monde comme une symphonie totale que l'on pourrait comprendre théoriquement comme préservant l'individualité de chaque œuvre sans pour autant perdre de vue l'ensemble. » ajoute-t-il. Edward Saïd était également un musicologue reconnu. «La Palestine n'a pas disparu mais elle perd tous les jours un peu de sa terre» Réfléchissant et agissant sans relâche pour la cause palestinienne, il constate amèrement que « la Palestine n'a pas disparu , elle perd tous les jours un peu de sa terre». En 1998, participant au tournage d'un documentaire sur la Palestine, il décrit avec précision les spoliations quotidiennes de terres effectuées par les colons israéliens, selon un processus colonialiste classique s'apparentant aux ravages provoqués en Algérie par l'application du Senatus Consulte (1863) et de la loi Warnier (1873) visant à exproprier les Algériens de leurs terres ancestrales. « Il est essentiel de ne pas sous-estimer le dommage ainsi causé, la violence qui marque ainsi nos vies, les malheurs qui en résultent.(…)Rien n'est comparable au sentiment de triste impuissance que l'on éprouve en entendant un vieil homme de trente-cinq ans qui, quinze ans durant, a travaillé en Israël à la journée, clandestinement, afin de mettre de côté de quoi construire une petite maison pour sa famille et qui, un jour, découvre cette maison en ruine, rasée, avec tout ce qu'elle contenait, par un bulldozer israélien. Et si vous lui demandez pourquoi - car, après tout, la terre était à lui , vous apprendrez qu'il n'y a pas eu d'avertissement : un papier transmis, le lendemain, par un soldat israélien, affirme simplement que l'homme n'avait pas eu de permis de construire. Et pour cause : les autorités israéliennes refusent systématiquement aux Arabes le permis de construire sur leur terre. Les Juifs peuvent construire, mais jamais les Palestiniens. C'est de l'apartheid pur et simple.» Edward Saïd, qui intervenait régulièrement dans les colonnes du Monde Diplomatique, est l'auteur d'un ensemble de contributions dont la grande liberté d'esprit apporte au lecteur ample matière à réflexion. Une riche bibliographie Edward Saïd a notamment écrit : « l'humanisme, dernier rempart contre la barbarie», septembre 2003, «L'autre Amérique», mars 2003, «Barenboïm brise le tabou Wagner», octobre 2001, «Albert Camus, ou l'inconscient colonial», novembre 2000, «Ma rencontre avec Jean-Paul Sartre», septembre 2000, «La trahison des intellectuels», août 1999, «Israël-Palestine, une troisième voie», août 1998, «La Palestine n'a pas disparu», mai 1998, «Victimes consentantes», novembre 1994. Ses essais en langue française sont : A contre-voie. Mémoires, 2002. Culture et impérialisme, 2000, Israël-Palestine, l'égalité ou rien, 1999, L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident, 1997, Des intellectuels et du Pouvoir, 1996, Nationalisme, Colonialisme et littérature, 1995.Il est l'auteur d'une œuvre monumentale en langue anglaise : Beginnings : Intention and Method. 1975. The Question of Palestine, 1979. Orientalism. 1980, (réédition de Orientalism, 1978, Covering Islam : How the Media and the Experts Determine How We See the Rest of the World, 1981, The World, the Text, and the Critic, 1983. After the Last Sky : Palestinian Lives, 1986, Blaming the Victims : Spurious Scholarship and the Palestinian Question,1988, Nationalism, Colonialism, and Literature, 1990. Culture and Imperialism, 1993, Representations of the Intellectual : The 1993 Reith Lectures, 1994, The Politics of Dispossession : The Struggle for Palestinian Self-Determination, 1969-1994, 1994. Peace and Its Discontents : Essays on Palestine in the Middle East Peace Process, 1995, The Pen and the Sword : Conversations with David Barsamian, 1994, Out of Place : A Memoir,1999. The End of the Peace Process : Oslo and After, 2000, Reflections on Exile and Other Essays. 2000, Reflections on Exile : and Other Literary and Cultural Essays, 2001, Unholy Wars : Afghanistan, America and International Terrorism, 2002, Culture and Resistance :Conversation With Edward W. Saïd, 2003.Edward Saïd a inspiré de nombreux écrits, notamment, «Un homme à part», par Gilles Perrault, mai 2002 et «Edward Said, témoin et Cassandre», par Eric Rouleau, avril 1996. K. T.