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«Les dernières mesures vont compliquer davantage la tâche des négociateurs»
L'éclairage de l'économiste Hocine Amer Yahia
Publié dans Le Midi Libre le 10 - 08 - 2009

Après les vives «inquiétudes» suscitées par les nouvelles dispositions de la loi de finances complémentaire 2009 auprès des organisations patronales qui les ont dénoncées, voilà que ces mêmes dispositions vont «compliquer» davantage la tâche des négociateurs en prévision de l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) d'où le risque de voir le processus «perdurer» davantage. C'est du moins ce qu'affirme, dans cet entretien, l'économiste et professeur d'université, Hocine Amer Yahia. L'économiste affirme qu'en plus de «freiner» le processus d'adhésion à l'OMC, les récentes mesures contenues dans la LFC 2009 vont, aussi, porter préjudice au développement économique national dans son ensemble. Par les mesures décidées, le message est clair, on semble vouloir mettre entre parenthèses l'OMC.
Après les vives «inquiétudes» suscitées par les nouvelles dispositions de la loi de finances complémentaire 2009 auprès des organisations patronales qui les ont dénoncées, voilà que ces mêmes dispositions vont «compliquer» davantage la tâche des négociateurs en prévision de l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) d'où le risque de voir le processus «perdurer» davantage. C'est du moins ce qu'affirme, dans cet entretien, l'économiste et professeur d'université, Hocine Amer Yahia. L'économiste affirme qu'en plus de «freiner» le processus d'adhésion à l'OMC, les récentes mesures contenues dans la LFC 2009 vont, aussi, porter préjudice au développement économique national dans son ensemble. Par les mesures décidées, le message est clair, on semble vouloir mettre entre parenthèses l'OMC.
Midi Libre : Après 10 rounds de discussions entre l'Algérie et l'Organisation mondiale de commerce, les négociations n'avancent pas beaucoup. Quelles en sont les raisons ?
Hocine Amer Yahia : L'Algérie devait encore répondre à certaines questions. Il y a aussi les problèmes liés au cycle de Doha qui ont accaparé l'OMC. Est venue ensuite s'ajouter la crise financière internationale qui a mis dans la «gêne» toutes les organisations internationales, comme la Banque Mondiale ou le FMI, qui prônent le libéralisme.
Il y a tout un tas de facteurs qui justifient cela, en plus du fait que l'Algérie, tirant profit de cette situation de marasme, elle laisse entrevoir, aujourd'hui qu'elle n'est pas pressée pour s'intégrer à cet espace économique mondiale.
Chaque nouvelle mesure économique introduite dans le dispositif législatif et réglementaire algérien, que l'on jugera discriminatoire ou protectionniste, va susciter une nouvelle série de questions. Aussi, le processus de négociation risque-t-il de perdurer davantage en raison des dernières mesures décidées par le gouvernement.
L'OMC estime qu'il reste un travail «substantiel» à accomplir concernant notamment les entreprises publiques, les prix sur les hydrocarbures, le régime de taxation et les subventions à l'exportation. L'Algérie n'en a-t-elle pas fait assez, selon vous?
Il est probable que les dernières mesures prises, que l'on peut interpréter de diverses façons (protection, discrimination, obstacles au commerce), vont compliquer davantage la tâche des négociateurs alors qu'il y a un peu plus d'une année on pensait être tout près du but et que même la question du prix du gaz ne représentait plus un obstacle majeur.
Les questions tarifaires étaient pratiquement réglées ainsi que l'adaptation de la législation économique nationale ou encore la question des subventions agricoles. S'agissant des subventions à l'exportation, ce n'est qu'un faux problème ou plutôt une question qui a toujours été mal approchée ou mal présentée. En vérité, il n'y a pas en Algérie de subventions à l'exportation comme il en existe dans certains pays.
Les quelques mesures concernant notamment le transport des marchandises sont encadrées par un carcan bureaucratique qui fait fuir les plus téméraires. Malgré la volonté et les efforts des organismes chargés de la promotion des exportations, tout le monde sait que chez nous l'acte d'exportation est plus sinueux que celui de l'importation. Concernant les entreprises publiques, l'OMC n'interdit pas leur existence, elle s'oppose seulement au monopole.
Il faut signaler aussi que l'Algérie a signé en 2002, l'accord d'association avec l'UE, ce qui a permis de déblayer suffisamment le terrain et même d'avoir la promesse d'un soutien de cette institution pour une adhésion à l'OMC.
On estime également que c'est au pays prétendant à l'adhésion de donner le « rythme» aux pourparlers. Peut-on comprendre qu'il n'y a pas de volonté politique de la partie algérienne ?
Le développement économique de ces deux dernières années (notamment par rapport à la facture des importations qui a grimpé) a poussé nos autorités à prendre des mesures en réagissant un peu à la hussarde, sans calculer les effets. Or, les raisons de l'expansion des importations sont à chercher ailleurs : faible production nationale, absence d'intégration agro-industrielle, programme de relance (augmentation vertigineuse des importations de biens d'équipements notamment de TP, pénurie de ciment et de sable qui fait flamber les prix), etc. Par les mesures décidées, le message est clair, on semble vouloir mettre entre parenthèses l'OMC. C'est une erreur ! Même si la crise financière internationale offre bien des raisons.
Pour l'OMC, le prix domestique du gaz pose problème, mais l'Algérie refuse de céder sur cette question. Pensez-vous que les négociations sont dans l'impasse ?
Je crois que le problème ne se situe pas à ce niveau. L'Algérie a démontré maintes fois son instabilité juridique, ennemi n°1 des investisseurs, qui est l'opposé du principe cardinal qui régit l'OMC. Le blocage réside à ce niveau.
L'Algérie pourra-t-elle accéder à l'OMC sans céder sur ce point?
Oui, car la négociation est globale et bilatérale à la fois. Elle peut toujours aboutir à un compromis.
En janvier dernier, les membres de l'OMC avaient appelé à en finir avec une négociation qui n'a que trop duré. Est-il dans l'intérêt de l'Algérie de faire encore durer les négociations et quelles sont les conséquences d'un processus d'adhésion trop long ?
La Chine se développe à l'international grâce à l'OMC. Pendant ce temps, nous passons le plus clair de notre temps à compter nos sous (réserves de change, dette extérieure…), comme le ferait une vieille arrière-grand-mère. Plus le temps passe, plus les choses vont se corser. Nous sommes les derniers à négocier notre adhésion à l'OMC ; on ne veut pas en finir une bonne fois pour toutes avec notre spécificité qui, jusque-là n'a rien prouvé. Pour apprendre à nager, il faut se jeter à l'eau ; c'est ce qui nous manque je crois. A ma connaissance, l'OMC n'a jamais mis un pays en faillite, c'est tout le contraire qui est attendu.
Les nouvelles mesures apportées par la loi de finances complémentaire 2009 que d'aucuns n'hésitent pas à qualifier d'impopulaires, notamment en termes de restriction de l'investissement et du commerce, ne risquent-elles pas de compromettre cette adhésion ?
Il est tout à fait clair que ces mesures administratives sont contraignantes et contraires aux règles qui régissent l'économie de marché et, comme telles, elles peuvent freiner le processus d'adhésion à l'OMC et en même temps porter préjudice au développement économique national dans son ensemble.
Mais, au même titre que les mesures prises par le passé, comme le capital de sociétés d'importation ou le paiement par chèque, on reviendra sans doute dessus dans si peu de temps, soit à la prochaine loi de finances.
Midi Libre : Après 10 rounds de discussions entre l'Algérie et l'Organisation mondiale de commerce, les négociations n'avancent pas beaucoup. Quelles en sont les raisons ?
Hocine Amer Yahia : L'Algérie devait encore répondre à certaines questions. Il y a aussi les problèmes liés au cycle de Doha qui ont accaparé l'OMC. Est venue ensuite s'ajouter la crise financière internationale qui a mis dans la «gêne» toutes les organisations internationales, comme la Banque Mondiale ou le FMI, qui prônent le libéralisme.
Il y a tout un tas de facteurs qui justifient cela, en plus du fait que l'Algérie, tirant profit de cette situation de marasme, elle laisse entrevoir, aujourd'hui qu'elle n'est pas pressée pour s'intégrer à cet espace économique mondiale.
Chaque nouvelle mesure économique introduite dans le dispositif législatif et réglementaire algérien, que l'on jugera discriminatoire ou protectionniste, va susciter une nouvelle série de questions. Aussi, le processus de négociation risque-t-il de perdurer davantage en raison des dernières mesures décidées par le gouvernement.
L'OMC estime qu'il reste un travail «substantiel» à accomplir concernant notamment les entreprises publiques, les prix sur les hydrocarbures, le régime de taxation et les subventions à l'exportation. L'Algérie n'en a-t-elle pas fait assez, selon vous?
Il est probable que les dernières mesures prises, que l'on peut interpréter de diverses façons (protection, discrimination, obstacles au commerce), vont compliquer davantage la tâche des négociateurs alors qu'il y a un peu plus d'une année on pensait être tout près du but et que même la question du prix du gaz ne représentait plus un obstacle majeur.
Les questions tarifaires étaient pratiquement réglées ainsi que l'adaptation de la législation économique nationale ou encore la question des subventions agricoles. S'agissant des subventions à l'exportation, ce n'est qu'un faux problème ou plutôt une question qui a toujours été mal approchée ou mal présentée. En vérité, il n'y a pas en Algérie de subventions à l'exportation comme il en existe dans certains pays.
Les quelques mesures concernant notamment le transport des marchandises sont encadrées par un carcan bureaucratique qui fait fuir les plus téméraires. Malgré la volonté et les efforts des organismes chargés de la promotion des exportations, tout le monde sait que chez nous l'acte d'exportation est plus sinueux que celui de l'importation. Concernant les entreprises publiques, l'OMC n'interdit pas leur existence, elle s'oppose seulement au monopole.
Il faut signaler aussi que l'Algérie a signé en 2002, l'accord d'association avec l'UE, ce qui a permis de déblayer suffisamment le terrain et même d'avoir la promesse d'un soutien de cette institution pour une adhésion à l'OMC.
On estime également que c'est au pays prétendant à l'adhésion de donner le « rythme» aux pourparlers. Peut-on comprendre qu'il n'y a pas de volonté politique de la partie algérienne ?
Le développement économique de ces deux dernières années (notamment par rapport à la facture des importations qui a grimpé) a poussé nos autorités à prendre des mesures en réagissant un peu à la hussarde, sans calculer les effets. Or, les raisons de l'expansion des importations sont à chercher ailleurs : faible production nationale, absence d'intégration agro-industrielle, programme de relance (augmentation vertigineuse des importations de biens d'équipements notamment de TP, pénurie de ciment et de sable qui fait flamber les prix), etc. Par les mesures décidées, le message est clair, on semble vouloir mettre entre parenthèses l'OMC. C'est une erreur ! Même si la crise financière internationale offre bien des raisons.
Pour l'OMC, le prix domestique du gaz pose problème, mais l'Algérie refuse de céder sur cette question. Pensez-vous que les négociations sont dans l'impasse ?
Je crois que le problème ne se situe pas à ce niveau. L'Algérie a démontré maintes fois son instabilité juridique, ennemi n°1 des investisseurs, qui est l'opposé du principe cardinal qui régit l'OMC. Le blocage réside à ce niveau.
L'Algérie pourra-t-elle accéder à l'OMC sans céder sur ce point?
Oui, car la négociation est globale et bilatérale à la fois. Elle peut toujours aboutir à un compromis.
En janvier dernier, les membres de l'OMC avaient appelé à en finir avec une négociation qui n'a que trop duré. Est-il dans l'intérêt de l'Algérie de faire encore durer les négociations et quelles sont les conséquences d'un processus d'adhésion trop long ?
La Chine se développe à l'international grâce à l'OMC. Pendant ce temps, nous passons le plus clair de notre temps à compter nos sous (réserves de change, dette extérieure…), comme le ferait une vieille arrière-grand-mère. Plus le temps passe, plus les choses vont se corser. Nous sommes les derniers à négocier notre adhésion à l'OMC ; on ne veut pas en finir une bonne fois pour toutes avec notre spécificité qui, jusque-là n'a rien prouvé. Pour apprendre à nager, il faut se jeter à l'eau ; c'est ce qui nous manque je crois. A ma connaissance, l'OMC n'a jamais mis un pays en faillite, c'est tout le contraire qui est attendu.
Les nouvelles mesures apportées par la loi de finances complémentaire 2009 que d'aucuns n'hésitent pas à qualifier d'impopulaires, notamment en termes de restriction de l'investissement et du commerce, ne risquent-elles pas de compromettre cette adhésion ?
Il est tout à fait clair que ces mesures administratives sont contraignantes et contraires aux règles qui régissent l'économie de marché et, comme telles, elles peuvent freiner le processus d'adhésion à l'OMC et en même temps porter préjudice au développement économique national dans son ensemble.
Mais, au même titre que les mesures prises par le passé, comme le capital de sociétés d'importation ou le paiement par chèque, on reviendra sans doute dessus dans si peu de temps, soit à la prochaine loi de finances.


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