Dorée, croustillante mielleuse et sirupeuse, elle se retrouve sur toutes les tables des jeûneurs du mois de ramadhan. La zlabia puisque c'est d'elle qu'il s'agit trône sur les «meidas» ramadhanesques lors des longues veillées avant de s'eclipser, reprendre des forces pour revenir encore plus en beauté l'année d'après. Dorée, croustillante mielleuse et sirupeuse, elle se retrouve sur toutes les tables des jeûneurs du mois de ramadhan. La zlabia puisque c'est d'elle qu'il s'agit trône sur les «meidas» ramadhanesques lors des longues veillées avant de s'eclipser, reprendre des forces pour revenir encore plus en beauté l'année d'après. La consommation de certaines pâtisseries spécifiques aux soirées ramadanesques semble avoir donné naissance à un commerce particulièrement juteux durant le mois saint et dont les aspects, tout comme les produits finissent par céder la place, doucement, à d'autres envies qui dureront l'espace d'un mois. «Zlabya, ktayef, basboussa, khobz el bey» et autres douceurs d'un mois qui régnent sans partage sur les tables des soirées ramadanesques. Ces confiseries sont en effet incontournables durant le mois de ramadhan. Qui en effet n'en consomme pas ou s'il n'en mange pas lui-même qui n'en achète pas pour la meida des veillées ou simplement pour le plaisir des yeux ? Sur toutes les tables algériennes, pendant les soirées ramadanesques, ces douceurs sont présentes en force. Elles se retrouvent aussi dans les endroits publics où ces pâtisseries sont spécialement prisées par les noctambules. Cependant il faut préciser que les consommations diffèrent d'un endroit à un autre. On trouve d'un côté des pâtisseries plus ou moins populaires et de l'autre d'autres pâtisseries bien plus coûteuses. Reste au client à choisir sa destination, quoique cette dernière soit souvent prédéterminée par un gâteau qui ne quitte la table algéroises que pour des «causes majeures» : maladie où moyens limités d'une famille démunie. La «zlabya» est la reine incontestée des veillées algéroises, elle fait le bonheur des plus gourmands. Elle attire tout le monde par ses formes et ses couleurs du soleil, en plus de réjouir le regard elle promet d'indiciples plaisirs à venir aux jeûneurs, qui n'hésitent pas à mettre la main à la poche pour la voir trôner sur leurs tables. Origines d'un gateau aux couleurs du soleil... Zlabya décortiqué donne «j'ai un problème» ou «zella-bya», selon les propos de l'un des premiers maîtres dans la confection de ce gâteau faisant partie de l'une des quelques grandes familles connues par la confection de la «zlabya» à Boufarik, à savoir Ami Achour Aksil qui nous narrera l'avènement de cette trouvaille culinaire qqui serait due à un accident. L'histoire de ce gâteau, gorgé de miel et dédié au mois de ramadhan, a commencé, en effet, par un problème vécu à Grenade par un modeste marchand de beignets du vieux quartier populaire d'El Baycine. Les faits remontent à une date improbable d'avant la Reconquises de 1492. Cette vieille Casbah historique survit encore avec ses petits restaurants, ses ruelles et les nombreuses « teytrias » (salons de thé) qui perpétuent, jusqu'à nos jours, le pittoresque d'une longue tradition maure. Par un matin comme les autres, les habitants d'El Baycine sont surpris par la fermeture du marchand de beignets. Il a disparu depuis la veille dans de mystérieuses circonstances alors qu'il n'est pas dans ses habitudes d'abandonner ses clients. La fermeture dure trois jours de suite. C'est l'inquiétude générale au sujet de ce sympathique voisin dont l'absence se fait cruellement ressentir par les enfants privés de leurs beignets du matin avant la medersa (l'heure de l'école). En fait, notre pâtissier a été arrêté en compagnie d'une bande de copains, pour tapage nocturne. Après une soirée arrosée, les fêtards grenadins ont continué leur nouba dans les rues de la ville à une heure avancée de la nuit. La capitale andalouse était, à l'époque, une ville strictement policée, surveillée, éclairée avec des habitants méticuleux pour leur sécurité et leur bien-être. La paix était bien assurée par la milice du prince de l'Ahlambra. A sa libération, au troisième jour, notre malheureux pâtissier découvre l'ampleur du désastre. La pâte préparée pour les beignets est dans un piteux état le levain ayant trop pris. Mais avant de se résoudre à la jeter, ce qui est une grave injure à l'encontre de la nourriture, il tente une petite expérience en coulant une louche de cette préparation dans l'huile frémissante. Après cuisson, il en goûte un morceau qu'il juge franchement immangeable. Il trempe alors la préparation dans du miel chauffé, et voici que naît un nouveau gâteau sans nom. Ce sera cette «zlabya» qui sera appréciée jusqu'à être adoptée, principalement en Algérie comme dans tout le Maghreb, au Moyen-Orient et… le sous-continent indien où elle se nomme aussi «zlabya ». Sachant que l'odeur et la saveur du sucré ont une grande force attractive au mois de ramadhan, le succès de la zlabya est pleinement assuré, grâce à son effet de faire remonter le taux de glycémie qui nous accable en fin de journée. Longue vie à cette délicieuse survivance de l'âge d'or andalou. Il y a plusieurs autres versions à ce sujet. Selon l'une d'elles zlabia serait d'origine turque alors que selon une autre cette friandise s'appelait d'abord «zeriabia» en faisant allusion à son supposé créateur Zyriab un grand musicien irakien. Enfin certains confirment que le mot zlabya vient de «zela-bia» qui signifie «j'ai un problème». Mais contrairement à la première version de ami Achour, on raconte qu'une maîtresse de maison, prise à l'improviste par des invités, leur confectionna un gâteau traditionnel mais elle rata sa pâte qui sera trop liquide. A bout de nerfs elle se plaint à son mari «zela-bya». Contrainte d'improviser elle prit un entonnoir et fit couler la pâte dans une poêle à frire en faisant des figures géométriques. Le produit obtenu fut un délice. ces deux versions affirment que la fameuse zlabya a fait donc son apparition à partir d'un problème, d'où son nom. Gâteau indissociable des veillées algéroises Malgré la disponibilité de plusieurs variété de gâteaux traditionnels, orientales notamment syriens et libanais: chamia, lemsakar, el bedaoui, el malkfouf el helou, el basboussa, kalb-ellouz, el-samssa et d'autres confiseries tout aussi sirupeuses venues du Moyen-Orient, de Tunisie ou du Maroc, le consommateur algérien reste incontestablement très attaché à cette gourmandise : zlabya la considérant comme une liaison entre tradition, passé et présent. Un gateau qui trône sur presque toutes les tables ramadanesques des Algérois, une table pliant sous le poids de plats et de gâteaux que l'on touchera à peine à la rupture du jeûne. Invoquant l'excuse des bienfaits du sucre après une journée de privations, des pères et mères de famille se précipitent pour l'achat de ces friandises qui se retrouvent ensuite la plupart des temps dans les poubelles. Fatima une jeune dame rencontrée à la place des Martyrs chez l'un de ces commerçants connus pour la bonne qualité de ses gâteaux notamment sa zlabya nous dira : «il est vrai que parfois nous touchons à peine à la zlabya après la rupture du jeûne mais nous ne pouvons nous passer d'elle pour une veillée du ramadan». D'autres personnes interrogées nous diront : «Avec toutes les maladies et les malaises menaçant la personne par l'abus de nourriture au ftour et dans la soirée avec la consommation de trop de sucreries, ce genre de gourmandises est conseillée à des quantités modérées et qui ne doivent pas être quotidiennes.» D'ailleurs vu le prix exagéré de ce gâteau et ses différentes variétés spécial-ramadan, le consommateur algérien avec l'envolée des prix, n'arrive souvent pas à pouvoir acheter, du moins quotidiennement, la zlabya autrefois censée être gâteau des pauvres. «Personnellement je n'achète de la zlabya que le premier jour du ramadhan pour que le mois s'écoule dans la paix et le bonheur. J'en achète aussi pour recevoir un invité, le reste du temps je préfère m'en abstenir et faire face aux dépenses plus urgentes», nous dira une dame avec amertume. Boufarik ou le berceau de la zlabya Chaque ramadhan la ville de Boufarik subit une véritable métamorphose. En effet, une grande agitation règne dans les rues qui deviennent très animées avec l'ouverture de nouveaux locaux commerciaux et bien entendu avec ce produit très prisé : la zlabia. Certains confectionneurs ont même transformé leurs maisons en échoppes pour ce mois sacré, pas question de rater l'unique occasion de perpétuer une vieille tradition familiale mais aussi de se remplir les poches. Avec l'afflux massif des clients en provenance des différents coins du pays, que ce soit pour la consommer ou pour la revendre, il en résulte une circulation urbaine infernale que les services de l'ordre, soumis à rude épreuve, parviennent cependant à réglementer. C'est dire que le commerce de la zlabia devient lors du mois sacré si prospère que le nombre de vendeurs s'accroît au fil des années. Les familles qui s'illustrent comme les pionniers de cette confiserie sont celles des Aksil, des Chenoun et des Khemis qui perpétuent cette vieille tradition culinaire depuis l'époque coloniale vers 1886 dans un quartier de Boufarik appelé Ksari. On apprendra que les Aksil, les Oukil et les Chenoun (liés par alliance et par le sang) se regroupaient, chaque année, pendant le mois de ramadhan pour pouvoir satisfaire les commandes des clients. La zlabia, cette friandise appréciée par tous, est faite pourtant d'ingrédients très simples (semoule, levure et sel). On saura aussi que la raison de toute la renommée de la zlabia de Boufarik remonte à la période de la guerre de Libération nationale parce qu'elle était transportée par les Aksil aux moudjahidine et aux prisonniers écroués à la prison Serkadji. Aujourd'hui, la zlabya est connue partout et elle est appréciée par tous, même à l'étranger. Elle est produite maintenant en France par les frères Aksil Hamza et El Hadi au lieu dit Rubis près de Lille, non loin des frontières belges, nous dira fièrement un membre de la famille Aksil. La demande est très importante par les Algérois qui ne peuvent y résister pendant le mois sacré. Par contre, les Blidéens ont tendance à préférer la fine zlabya tunisienne. Boufarikoise ou tunisienne... pour tous les goûts Contrairement à ce qui se dit, la zlabya est un héritage algérien et non tunisien, transmis de génération en génération. Ce que nous avons également appris au cours de notre périple au royaume de la gourmandise, c'est qu'à Boufarik rares sont les foyers qui ne savent pas faire ce délice et d'ailleurs même les grands commerçants de ce gâteau, le préparent toujours chez eux et l'apportent ensuite dans leurs magasins pour le vendre sous le prétexte «que cette pâtisserie pour avoir son goût inimitable doit être préparée dans la cuisine du foyer, seul cet endroit chaleureux peut lui transmettre toutes ses saveurs et permet la participation de plusieurs membres d'une même famille. En fait c'est une question de tour de main, de participation et d'amour familial», nous explique khalti Hlima, de Boufarik. Cette vieille dame a appris à faire la zlabya avec sa maman, khalti Hlima nous affirme, quant à elle, que c'est une femme qui a inventé ce gâteau. Fin des patissiers occasionnels du mois de ramadhan ? Après quelques jours du mois sacré du Ramadan, la vente des pâtisseries orientales, dont la zlabya, est soumise à de nouvelles dispositions. Le ministère du Commerce avait il y a déjà quelques années, définit les conditions d'exercice de l'activité de préparation et de commercialisation de ces plaisirs gustatifs. Il a été reporté par la presse algérienne que l'exercice de cette activité «est soumis à l'inscription au registre du commerce sous le code n° 501- 205 de la nomenclature des activités économiques soumises à l'inscription à ce registre». En conséquence, tout commerçant ayant l'intention de changer d'activité, à titre temporaire ou définitif, en vue de l'exercice de cette activité durant le mois de Ramadan, est tenu de procéder à la «modification préalable de son registre du commerce». Faute de quoi, il fera l'objet, selon la même source, «de sanctions administratives et pénales prévues et ce, pour l'exercice d'une activité commerciale illégale». Fini donc le temps où n'importe quel commerçant, qu'il soit vendeur de textile, boulanger ou garagiste, pouvait changer d'activité simplement et vendre ce type de pâtisseries orientales dans son local. Aux oubliettes du temps, ces cohues devant n'importe quel étal de vendeur de zlabya, à quelques minutes de la rupture du jeûne et même avant ? Il semble que oui. Le gouvernement cherche ainsi à mettre de l'ordre dans cette corporation, l'assainir et la contraindre au respect de la réglementation en vigueur. Ainsi, les activités commerciales seront identifiées et clarifiées. Une mesure salutaire de prime abord. Il n'y aura plus de vendeurs occasionnels de la réputée zlabya de Boufarik et autre tunisienne, aux variantes multiples. Moins de risque donc pour la santé et l'hygiène dans des locaux qui servaient à la vente d'autres produits. A ce sujet, le ministère du Commerce avait appelé l'ensemble des intervenants dans ce domaine à veiller au respect des conditions d'hygiène des locaux commerciaux, du personnel, des équipements utilisés et des ustensiles pour la préparation, ainsi que l'utilisation d'emballage adéquats. Il s'agit d'offrir des produits sains ne présentant aucun risque pour la santé des consommateurs, pour les pouvoirs publics, qui recommandent également de «ne pas laisser à l'air libre l'huile déjà utilisée et de la renouveler entièrement au lieu d'en rajouter durant les étapes de cuisson». Les consommateurs inconditionnels de la «benna» de Boufarik, ne la trouvent plus comme les années précédentes, du moins aussi facilement et partout, à chaque coin de rue. Il leur faut cette année effectuer de longs trajets, ce qui n'est pas chose aisée pour les jeûneurs algérois dont la patience n'est pas la principale vertu. Le mieux encore est de tisser de bonnes relations avec les commerçants permanents, devenus les fournisseurs exclusifs de ces douceurs mielleuses. Il faut surtout pouvoir trouver ces commerçants dont le nombre s'est réduit ces dernières années. Une restriction qui s'explique aussi par la hausse du prix de vente de la «zlabya» d'une année à l'autre, cette année jusqu'à 200DA pour la zlabya «originale» de Boufarik réservée exclusivement aux clients les plus fidèles, un phénomène devenu récurrent et qui s'explique par la flambée, au niveau mondial, des cours des matières premières, les dysfonctionnements du marché national et la spéculation. Des prix qui ont plus que triplé ces dernières années. Dans ce contexte, même les commerçants permanents commencent à fermer boutique. Le désarroi des «zlabyistes» occasionnels... Plusieurs commerçants occasionnels profitent du mois de ramadhan pour renflouer leurs finances, des jeunes chomeurs attendent également ce mois pour faire de la zlabya, ce qui leur permet de survivre les autres mois de l'année ; c'est le cas de beaucoup de personnes de tous âges ayant appris ce métier de père en fils et qui n'ont que ce mois pour faire le plein pour toute une année. C'est le cas de Ami Mouloud résidant à Bab El-Oued où il possède un petit kiosque dans lequel il propose sa spécialité durant le mois sacré «mon père m'a appris à confectionner la zlabia dès mon plus jeune âge. Originaires de Boufarik et ayant des liens de parenté avec la famille Chenoun, connue pour sa zlabia, nous nous étions installés à La Casbah d'Alger avant de venir à Bab El-Oued», nous dira-t-il. «Moi je ne travaille que durant le mois de ramadhan et avec des clients fidèles qui reconnaissent la qualité de ma zlabya. Avec les centaines de pâtissiers traditionnels implantés un peu partout à Bab El-Oued et ses alentours, je ne peux pas travailler le reste de l'année». D'autres commerçants tenant le reste de l'année de petits restaurants, des fast-food et autres pizzérias se reconvertissent en «zlabyistes» durant le mois de ramadhan et «pâtissent donc de cette loi puisqu'ils voient leur rentabilité baisser pendant le mois de ramadhan étant donné qu'ils n'ouvrent pas le jour et parfois pas aussi en soirée, du moins pour une grande partie d'entre eux. Ils se demandent comment l'Etat a pu les pénaliser ainsi en instaurant cette loi ?!!», nous dira Mohamed un jeune gérant de fast-food au 1er-Mai, qui trouve du mal à assumer les dépenses de ce mois, lui qui «demeure sans travail durant tout le mois de jeûne, alors que les charges de son petit local restent les mêmes», nous avoue-t-il». «Avant je transformais mon fast-food en petite pâtisserie traditionnelle pour la confection, essentiellement, de zlabya et de kalb-ellouz pour ne pas rester au chômage durant le mois de ramadhan», ajoute-t-il. Ces spécialités finissent pourtant par disparaître dès la fin du mois saint et chacun reprend son activité normale. Entre-temps, les clients auront, sans doute, d'autres furieuses envies à satisfaire. La consommation de certaines pâtisseries spécifiques aux soirées ramadanesques semble avoir donné naissance à un commerce particulièrement juteux durant le mois saint et dont les aspects, tout comme les produits finissent par céder la place, doucement, à d'autres envies qui dureront l'espace d'un mois. «Zlabya, ktayef, basboussa, khobz el bey» et autres douceurs d'un mois qui régnent sans partage sur les tables des soirées ramadanesques. Ces confiseries sont en effet incontournables durant le mois de ramadhan. Qui en effet n'en consomme pas ou s'il n'en mange pas lui-même qui n'en achète pas pour la meida des veillées ou simplement pour le plaisir des yeux ? Sur toutes les tables algériennes, pendant les soirées ramadanesques, ces douceurs sont présentes en force. Elles se retrouvent aussi dans les endroits publics où ces pâtisseries sont spécialement prisées par les noctambules. Cependant il faut préciser que les consommations diffèrent d'un endroit à un autre. On trouve d'un côté des pâtisseries plus ou moins populaires et de l'autre d'autres pâtisseries bien plus coûteuses. Reste au client à choisir sa destination, quoique cette dernière soit souvent prédéterminée par un gâteau qui ne quitte la table algéroises que pour des «causes majeures» : maladie où moyens limités d'une famille démunie. La «zlabya» est la reine incontestée des veillées algéroises, elle fait le bonheur des plus gourmands. Elle attire tout le monde par ses formes et ses couleurs du soleil, en plus de réjouir le regard elle promet d'indiciples plaisirs à venir aux jeûneurs, qui n'hésitent pas à mettre la main à la poche pour la voir trôner sur leurs tables. Origines d'un gateau aux couleurs du soleil... Zlabya décortiqué donne «j'ai un problème» ou «zella-bya», selon les propos de l'un des premiers maîtres dans la confection de ce gâteau faisant partie de l'une des quelques grandes familles connues par la confection de la «zlabya» à Boufarik, à savoir Ami Achour Aksil qui nous narrera l'avènement de cette trouvaille culinaire qqui serait due à un accident. L'histoire de ce gâteau, gorgé de miel et dédié au mois de ramadhan, a commencé, en effet, par un problème vécu à Grenade par un modeste marchand de beignets du vieux quartier populaire d'El Baycine. Les faits remontent à une date improbable d'avant la Reconquises de 1492. Cette vieille Casbah historique survit encore avec ses petits restaurants, ses ruelles et les nombreuses « teytrias » (salons de thé) qui perpétuent, jusqu'à nos jours, le pittoresque d'une longue tradition maure. Par un matin comme les autres, les habitants d'El Baycine sont surpris par la fermeture du marchand de beignets. Il a disparu depuis la veille dans de mystérieuses circonstances alors qu'il n'est pas dans ses habitudes d'abandonner ses clients. La fermeture dure trois jours de suite. C'est l'inquiétude générale au sujet de ce sympathique voisin dont l'absence se fait cruellement ressentir par les enfants privés de leurs beignets du matin avant la medersa (l'heure de l'école). En fait, notre pâtissier a été arrêté en compagnie d'une bande de copains, pour tapage nocturne. Après une soirée arrosée, les fêtards grenadins ont continué leur nouba dans les rues de la ville à une heure avancée de la nuit. La capitale andalouse était, à l'époque, une ville strictement policée, surveillée, éclairée avec des habitants méticuleux pour leur sécurité et leur bien-être. La paix était bien assurée par la milice du prince de l'Ahlambra. A sa libération, au troisième jour, notre malheureux pâtissier découvre l'ampleur du désastre. La pâte préparée pour les beignets est dans un piteux état le levain ayant trop pris. Mais avant de se résoudre à la jeter, ce qui est une grave injure à l'encontre de la nourriture, il tente une petite expérience en coulant une louche de cette préparation dans l'huile frémissante. Après cuisson, il en goûte un morceau qu'il juge franchement immangeable. Il trempe alors la préparation dans du miel chauffé, et voici que naît un nouveau gâteau sans nom. Ce sera cette «zlabya» qui sera appréciée jusqu'à être adoptée, principalement en Algérie comme dans tout le Maghreb, au Moyen-Orient et… le sous-continent indien où elle se nomme aussi «zlabya ». Sachant que l'odeur et la saveur du sucré ont une grande force attractive au mois de ramadhan, le succès de la zlabya est pleinement assuré, grâce à son effet de faire remonter le taux de glycémie qui nous accable en fin de journée. Longue vie à cette délicieuse survivance de l'âge d'or andalou. Il y a plusieurs autres versions à ce sujet. Selon l'une d'elles zlabia serait d'origine turque alors que selon une autre cette friandise s'appelait d'abord «zeriabia» en faisant allusion à son supposé créateur Zyriab un grand musicien irakien. Enfin certains confirment que le mot zlabya vient de «zela-bia» qui signifie «j'ai un problème». Mais contrairement à la première version de ami Achour, on raconte qu'une maîtresse de maison, prise à l'improviste par des invités, leur confectionna un gâteau traditionnel mais elle rata sa pâte qui sera trop liquide. A bout de nerfs elle se plaint à son mari «zela-bya». Contrainte d'improviser elle prit un entonnoir et fit couler la pâte dans une poêle à frire en faisant des figures géométriques. Le produit obtenu fut un délice. ces deux versions affirment que la fameuse zlabya a fait donc son apparition à partir d'un problème, d'où son nom. Gâteau indissociable des veillées algéroises Malgré la disponibilité de plusieurs variété de gâteaux traditionnels, orientales notamment syriens et libanais: chamia, lemsakar, el bedaoui, el malkfouf el helou, el basboussa, kalb-ellouz, el-samssa et d'autres confiseries tout aussi sirupeuses venues du Moyen-Orient, de Tunisie ou du Maroc, le consommateur algérien reste incontestablement très attaché à cette gourmandise : zlabya la considérant comme une liaison entre tradition, passé et présent. Un gateau qui trône sur presque toutes les tables ramadanesques des Algérois, une table pliant sous le poids de plats et de gâteaux que l'on touchera à peine à la rupture du jeûne. Invoquant l'excuse des bienfaits du sucre après une journée de privations, des pères et mères de famille se précipitent pour l'achat de ces friandises qui se retrouvent ensuite la plupart des temps dans les poubelles. Fatima une jeune dame rencontrée à la place des Martyrs chez l'un de ces commerçants connus pour la bonne qualité de ses gâteaux notamment sa zlabya nous dira : «il est vrai que parfois nous touchons à peine à la zlabya après la rupture du jeûne mais nous ne pouvons nous passer d'elle pour une veillée du ramadan». D'autres personnes interrogées nous diront : «Avec toutes les maladies et les malaises menaçant la personne par l'abus de nourriture au ftour et dans la soirée avec la consommation de trop de sucreries, ce genre de gourmandises est conseillée à des quantités modérées et qui ne doivent pas être quotidiennes.» D'ailleurs vu le prix exagéré de ce gâteau et ses différentes variétés spécial-ramadan, le consommateur algérien avec l'envolée des prix, n'arrive souvent pas à pouvoir acheter, du moins quotidiennement, la zlabya autrefois censée être gâteau des pauvres. «Personnellement je n'achète de la zlabya que le premier jour du ramadhan pour que le mois s'écoule dans la paix et le bonheur. J'en achète aussi pour recevoir un invité, le reste du temps je préfère m'en abstenir et faire face aux dépenses plus urgentes», nous dira une dame avec amertume. Boufarik ou le berceau de la zlabya Chaque ramadhan la ville de Boufarik subit une véritable métamorphose. En effet, une grande agitation règne dans les rues qui deviennent très animées avec l'ouverture de nouveaux locaux commerciaux et bien entendu avec ce produit très prisé : la zlabia. Certains confectionneurs ont même transformé leurs maisons en échoppes pour ce mois sacré, pas question de rater l'unique occasion de perpétuer une vieille tradition familiale mais aussi de se remplir les poches. Avec l'afflux massif des clients en provenance des différents coins du pays, que ce soit pour la consommer ou pour la revendre, il en résulte une circulation urbaine infernale que les services de l'ordre, soumis à rude épreuve, parviennent cependant à réglementer. C'est dire que le commerce de la zlabia devient lors du mois sacré si prospère que le nombre de vendeurs s'accroît au fil des années. Les familles qui s'illustrent comme les pionniers de cette confiserie sont celles des Aksil, des Chenoun et des Khemis qui perpétuent cette vieille tradition culinaire depuis l'époque coloniale vers 1886 dans un quartier de Boufarik appelé Ksari. On apprendra que les Aksil, les Oukil et les Chenoun (liés par alliance et par le sang) se regroupaient, chaque année, pendant le mois de ramadhan pour pouvoir satisfaire les commandes des clients. La zlabia, cette friandise appréciée par tous, est faite pourtant d'ingrédients très simples (semoule, levure et sel). On saura aussi que la raison de toute la renommée de la zlabia de Boufarik remonte à la période de la guerre de Libération nationale parce qu'elle était transportée par les Aksil aux moudjahidine et aux prisonniers écroués à la prison Serkadji. Aujourd'hui, la zlabya est connue partout et elle est appréciée par tous, même à l'étranger. Elle est produite maintenant en France par les frères Aksil Hamza et El Hadi au lieu dit Rubis près de Lille, non loin des frontières belges, nous dira fièrement un membre de la famille Aksil. La demande est très importante par les Algérois qui ne peuvent y résister pendant le mois sacré. Par contre, les Blidéens ont tendance à préférer la fine zlabya tunisienne. Boufarikoise ou tunisienne... pour tous les goûts Contrairement à ce qui se dit, la zlabya est un héritage algérien et non tunisien, transmis de génération en génération. Ce que nous avons également appris au cours de notre périple au royaume de la gourmandise, c'est qu'à Boufarik rares sont les foyers qui ne savent pas faire ce délice et d'ailleurs même les grands commerçants de ce gâteau, le préparent toujours chez eux et l'apportent ensuite dans leurs magasins pour le vendre sous le prétexte «que cette pâtisserie pour avoir son goût inimitable doit être préparée dans la cuisine du foyer, seul cet endroit chaleureux peut lui transmettre toutes ses saveurs et permet la participation de plusieurs membres d'une même famille. En fait c'est une question de tour de main, de participation et d'amour familial», nous explique khalti Hlima, de Boufarik. Cette vieille dame a appris à faire la zlabya avec sa maman, khalti Hlima nous affirme, quant à elle, que c'est une femme qui a inventé ce gâteau. Fin des patissiers occasionnels du mois de ramadhan ? Après quelques jours du mois sacré du Ramadan, la vente des pâtisseries orientales, dont la zlabya, est soumise à de nouvelles dispositions. Le ministère du Commerce avait il y a déjà quelques années, définit les conditions d'exercice de l'activité de préparation et de commercialisation de ces plaisirs gustatifs. Il a été reporté par la presse algérienne que l'exercice de cette activité «est soumis à l'inscription au registre du commerce sous le code n° 501- 205 de la nomenclature des activités économiques soumises à l'inscription à ce registre». En conséquence, tout commerçant ayant l'intention de changer d'activité, à titre temporaire ou définitif, en vue de l'exercice de cette activité durant le mois de Ramadan, est tenu de procéder à la «modification préalable de son registre du commerce». Faute de quoi, il fera l'objet, selon la même source, «de sanctions administratives et pénales prévues et ce, pour l'exercice d'une activité commerciale illégale». Fini donc le temps où n'importe quel commerçant, qu'il soit vendeur de textile, boulanger ou garagiste, pouvait changer d'activité simplement et vendre ce type de pâtisseries orientales dans son local. Aux oubliettes du temps, ces cohues devant n'importe quel étal de vendeur de zlabya, à quelques minutes de la rupture du jeûne et même avant ? Il semble que oui. Le gouvernement cherche ainsi à mettre de l'ordre dans cette corporation, l'assainir et la contraindre au respect de la réglementation en vigueur. Ainsi, les activités commerciales seront identifiées et clarifiées. Une mesure salutaire de prime abord. Il n'y aura plus de vendeurs occasionnels de la réputée zlabya de Boufarik et autre tunisienne, aux variantes multiples. Moins de risque donc pour la santé et l'hygiène dans des locaux qui servaient à la vente d'autres produits. A ce sujet, le ministère du Commerce avait appelé l'ensemble des intervenants dans ce domaine à veiller au respect des conditions d'hygiène des locaux commerciaux, du personnel, des équipements utilisés et des ustensiles pour la préparation, ainsi que l'utilisation d'emballage adéquats. Il s'agit d'offrir des produits sains ne présentant aucun risque pour la santé des consommateurs, pour les pouvoirs publics, qui recommandent également de «ne pas laisser à l'air libre l'huile déjà utilisée et de la renouveler entièrement au lieu d'en rajouter durant les étapes de cuisson». Les consommateurs inconditionnels de la «benna» de Boufarik, ne la trouvent plus comme les années précédentes, du moins aussi facilement et partout, à chaque coin de rue. Il leur faut cette année effectuer de longs trajets, ce qui n'est pas chose aisée pour les jeûneurs algérois dont la patience n'est pas la principale vertu. Le mieux encore est de tisser de bonnes relations avec les commerçants permanents, devenus les fournisseurs exclusifs de ces douceurs mielleuses. Il faut surtout pouvoir trouver ces commerçants dont le nombre s'est réduit ces dernières années. Une restriction qui s'explique aussi par la hausse du prix de vente de la «zlabya» d'une année à l'autre, cette année jusqu'à 200DA pour la zlabya «originale» de Boufarik réservée exclusivement aux clients les plus fidèles, un phénomène devenu récurrent et qui s'explique par la flambée, au niveau mondial, des cours des matières premières, les dysfonctionnements du marché national et la spéculation. Des prix qui ont plus que triplé ces dernières années. Dans ce contexte, même les commerçants permanents commencent à fermer boutique. Le désarroi des «zlabyistes» occasionnels... Plusieurs commerçants occasionnels profitent du mois de ramadhan pour renflouer leurs finances, des jeunes chomeurs attendent également ce mois pour faire de la zlabya, ce qui leur permet de survivre les autres mois de l'année ; c'est le cas de beaucoup de personnes de tous âges ayant appris ce métier de père en fils et qui n'ont que ce mois pour faire le plein pour toute une année. C'est le cas de Ami Mouloud résidant à Bab El-Oued où il possède un petit kiosque dans lequel il propose sa spécialité durant le mois sacré «mon père m'a appris à confectionner la zlabia dès mon plus jeune âge. Originaires de Boufarik et ayant des liens de parenté avec la famille Chenoun, connue pour sa zlabia, nous nous étions installés à La Casbah d'Alger avant de venir à Bab El-Oued», nous dira-t-il. «Moi je ne travaille que durant le mois de ramadhan et avec des clients fidèles qui reconnaissent la qualité de ma zlabya. Avec les centaines de pâtissiers traditionnels implantés un peu partout à Bab El-Oued et ses alentours, je ne peux pas travailler le reste de l'année». D'autres commerçants tenant le reste de l'année de petits restaurants, des fast-food et autres pizzérias se reconvertissent en «zlabyistes» durant le mois de ramadhan et «pâtissent donc de cette loi puisqu'ils voient leur rentabilité baisser pendant le mois de ramadhan étant donné qu'ils n'ouvrent pas le jour et parfois pas aussi en soirée, du moins pour une grande partie d'entre eux. Ils se demandent comment l'Etat a pu les pénaliser ainsi en instaurant cette loi ?!!», nous dira Mohamed un jeune gérant de fast-food au 1er-Mai, qui trouve du mal à assumer les dépenses de ce mois, lui qui «demeure sans travail durant tout le mois de jeûne, alors que les charges de son petit local restent les mêmes», nous avoue-t-il». «Avant je transformais mon fast-food en petite pâtisserie traditionnelle pour la confection, essentiellement, de zlabya et de kalb-ellouz pour ne pas rester au chômage durant le mois de ramadhan», ajoute-t-il. Ces spécialités finissent pourtant par disparaître dès la fin du mois saint et chacun reprend son activité normale. Entre-temps, les clients auront, sans doute, d'autres furieuses envies à satisfaire.