En tout état de cause, ce procès ne pouvait avoir lieu en raison de la grève qui avait paralysé Paris ce jour-là, avait fait valoir le président. En matière de renvoi, Malika Matoub n'en est pas à son coup d'essai. Elle avait déjà fait renvoyer sine die le procès qui devait juger les présumés assassins de Lounès Matoub en décembre 2000 à Tizi Ouzou. A l'époque, elle avait fait connaître sa position bien avant le jour du procès alors que, cette fois, rien ne laissait prévoir cette attitude qui a été précédée d'une certaine agitation. Le 23 avril, Malika publiait sur un site internet une déclaration posthume dans laquelle elle faisait parler feu Lounès. Dans cette lettre, elle promettait, une nouvelle fois, des révélations, “un document exhaustif”, pour le 13 mai. Convoqué pour 13h30, le spectre du Rebelle devait “hanter les accusateurs de sa mère et de sa sœur”. Information prise auprès du tribunal, la mère n'est pas concernée par le procès. Mis en ligne sur le même site et émanant de la même source, un deuxième document daté du 12 mai était précédé d'un chapeau annonçant l'absence de Nordine Aït Hamouda au procès. Annonce d'autant plus surprenante que c'est un Aït Hamouda à l'aise et incisif que l'on a vu, samedi 10 mai, dans une salle pleine à craquer, animer un débat public auquel ont participé des représentants de la fondation de Malika Matoub. De fait, présent à l'audience, Aït Hamouda paraissait déçu par le renvoi au 22 janvier 2004 du procès, alors que Malika Matoub affichait, mardi, une mine triste et sage qui tranchait avec la véhémence des accusations qu'elle lançait sur les antennes de la radio que l'on peut encore écouter sur Internet : “J'ai des preuves tangibles et j'invite les responsables du RCD à m'attaquer en justice ou bien à se présenter devant les tribunaux ! (…) J'accuse Saïd Sadi et Nordine Aït Hamouda d'être derrière l'assassinat de Lounès Matoub. Et je le redis une deuxième fois. J'accuse Saïd Sadi, Nordine Aït Hamouda d'être derrière l'assassinat de Lounès ! (…) Quant au RCD, je dis et je le redirai une deuxième fois, nous avons un dossier qui est ficelé. Je réitère ce que j'ai dit : le RCD est impliqué dans l'assassinat de Matoub Lounès. Je le réitère encore une fois !” Aujourd'hui, dans la déclaration posthume diffusée par la fondation de Malika Matoub, ni “les structures ni le RCD en tant que parti” ne sont mis en cause. Et dans un tract récemment diffusé à Tizi Ouzou, seuls deux dirigeants aimablement qualifiés de “traîtres” sont ciblés. Se posant comme victime, tout en déversant des tombereaux d'injures, les appels de Malika à se mobiliser derrière elle en “Kabylie, en Algérie, en France et dans le monde”, même en invoquant Lounès, n'ont pas rencontré grand écho. Est-ce une réponse au livre de Nordine Aït Hamouda et de Djaffar Benmesbah dans lequel les auteurs s'étonnent de l'oubli en cours de route de certains accusés, depuis qu'ils sont opposés à leur parti, que Malika implique de nouveau, Khalida Messaoudi et Amara Benyounès dans la déclaration du 12 mai ? Mais ce retour à d'anciennes positions n'apporte toujours pas les preuves maintes fois annoncées et sans cesse différées. Et le public semble lassé de ce feuilleton sans élément nouveau qui tourne en rond. L'on finit même par se demander : à qui profitent ces prolongations perpétuelles ? Enfin, pourquoi Malika Matoub a pris pour avocat Me Collard qui, il y a peu, défendait le général Aussaresses, le plus grand tortionnaire durant la Guerre d'Algérie et qui se revendique comme tel ? Ce choix dans un procès qui l'oppose à Nordine Aït Hamouda, fils du colonel Amirouche, laisse perplexe. De son vivant, Lounès Matoub qui avait eu à se défendre contre Ferhat M'henni, pour diffamation au sujet de son enlèvement par le GIA, devant la même juridiction, avait tout simplement fait appel à son frère, Me Francis Martin. C. P.