Qu'y a-t-il de pire que d'entendre les gémissements de douleur d'un malade et ne pas réagir ? Qu'y a-t-il de plus révoltant que de laisser mourir quelqu'un sans avoir au moins tenté de le sauver ? C'est pourtant l'attitude qu'observent les pouvoirs publics face aux malades cancéreux. Insoutenable, le mot est faible pour désigner la situation de désarroi et de laisser-aller dont sont victimes des milliers de cas atteints par cette sourde et douloureuse maladie. Dans un pays où les pétrodollars pleuvent comme une averse de janvier sur le Trésor public, les malades sont voués à quémander un rendez-vous afin d'arracher leur droit à être soignés. Loin des cliniques parisiennes ou genevoises réservées aux seuls nantis et privilégiés du pouvoir, l'Algérien moyen reçoit dans son pays les soins qu'il peut. Ne sommes-nous pas tous égaux devant la souffrance ? Il est honteux de constater que l'Algérie qui compte la manne pétrolière ne daigne pas regarder l'Algérie des laissés-pour-compte. Est-il encore possible d'espérer dans un pays où même l'accès aux soins est soit une affaire de piston, soit de chance. Quel est donc ce système de santé qui condamne le malade avant de lui procurer aide et assistance. Il ne faut pas porter une blouse blanche pour savoir que le cancer est une maladie qui évolue très vite et nécessite une prise en charge aussi rapide et efficace afin d'éviter le pire. Comment alors expliquer que des malades obtiennent des rendez-vous, uniquement pour consultation, une année après leur demande et ne commencent le traitement que deux mois plus tard. Accéder aux soins à la radiothérapie ou la chimiothérapie devient ainsi un privilège pour des malades rongés par l'angoisse et dont le corps est déjà très éprouvé. ça n'a point d'autre qualificatif que de la non-assistance à personne en danger. Il s'agit bel et bien d'un mépris du peuple qui tend à s'exprimer sous différents visages. Un Etat digne et respectueux du droit est conscient de la valeur humaine et ne met pas la santé de son peuple en danger. Alors que la réforme du système de santé tient sous d'autres cieux le sommet des préoccupations des gouvernants, en Algérie, on continue dans le rafistolage. Il est inconcevable de ne compter que sur le Centre Pierre et Marie Curie pour répondre à des milliers de malades en attente de soins et venant de tout le territoire national. Face à tant de douleur, les pouvoirs publics renvoient à un lendemain incertain la réalisation de nouveaux centres de lutte contre le cancer, alors que les rangs des malades sont renforcés chaque année par 40 000 nouveaux cas. Si la souffrance use l'espoir, notre système de santé le tue. Nadjia Bouaricha