Leur grève se poursuit à Tizi Ouzou et Constantine Les greffiers dénoncent le harcèlement des procureurs Par : Samir LESLOUS/Souheïla B., Liberté, 23 février 2011 “Il nous menace de nous placer tous sous mandat de dépôt illico presto si on ne rejoint pas nos postes, il a même dépêché des policiers pour nous forcer à rejoindre la salle d'audience”, nous raconte à la fois coléreuse et tremblante une greffière entourée par de nombreux collègues devant l'entrée principale du tribunal de Tizi Ouzou où ils tenaient un énième sit-in. Celui qui tenait ces propos n'est autre qu'un procureur de la République dont le comportement semble plutôt renforcer la détermination à poursuivre ce mouvement de grève et surseoir même au service minimum assuré jusque-là dans l'intérêt du citoyen, disent en chœur les greffiers qui, malgré le temps pluvieux, étaient tous là pour étaler à celui qui veut bien les entendre leur misère socioprofessionnelle ou ce qu'ils s'accordent à qualifier de “véritable monde carcéral où le règlement intérieur ressemble beaucoup plus à un code pénal appliqué non pas avec rigueur mais avec mépris et humiliation”. “Nous faisons partie d'une catégorie socioprofessionnelle qui vit en marge, sinon à contre-courant, de l'évolution sociale en général et celle de l'institution judiciaire en particulier”, tance un autre greffier. Leurs salaires varient entre 17 000 DA et 22 000 DA, même pour certains d'entre eux qui ont cumulé 25 et 38 ans de service. “De quoi s'offrir une misère et de belles dettes”, ironise un autre greffier non sans ajouter, avec sérieux cette fois, que ces salaires dignes de “l'esclavagisme” sont loin de refléter le travail accompli au quotidien. à chacun son expérience et à chacun son service mais à tout le monde le même lot de stress et d'efforts non récompensés. “Ça m'arrive souvent d'assurer des audiences jusqu'à minuit, sinon, tard dans la soirée et durant les jours fériés, sans bénéficier non seulement de la moindre prime mais sans la moindre considération puisque le lendemain il suffit d'arriver 5 minutes en retard pour être lourdement sanctionné.” Les témoignages des greffiers sont nombreux, désolants aussi choquants les uns que les autres, et c'est cette face cachée de la vie socioprofessionnelle qui a fait sortir cette catégorie de fonctionnaires de la justice de leur mutisme pour réclamer avec force un statut qui pourra leur assurer une dignité et un minimum de décence. Par ailleurs, les greffiers exerçant au niveau des tribunaux relevant de la cour de Constantine ont poursuivi hier leur mouvement de débrayage. Du coup, plusieurs affaires programmées ont été reportées à une date ultérieure. Les grévistes ont bloqué hier l'accès du tribunal pénal de Constantine, empêchant ainsi les citoyens et les avocats de rejoindre les salles d'audience. Pour leur part, les robes noires ont observé un mouvement de protestation en signe de solidarité avec les greffiers. Les greffiers n'ont pas manqué de dénoncer les mesures disciplinaires prises par le procureur général à leur encontre.