Abdelhamid Mehri a adressé une mise au point à tous ceux qui ont vite interprété son appel au changement comme étant une initiative susceptible de venir à la rescousse du régime de Bouteflika. Selon lui, l'idée du changement implique nécessairement la disqualification du système politique en place et non pas seulement celle des personnes. Presque un mois après avoir lancé son initiative pour le changement du régime, Abdelhamid Mehri est revenu à la charge pour apporter quelques clarifications sur le débat et la «polémique» suscités par la lettre qu'il a adressée au chef de l'Etat. D'emblée, l'ancien secrétaire général du FLN dément les informations selon lesquelles il aurait rencontré Abdelaziz Bouteflika dans le sillage de son initiative. «Je n'ai pas rencontré Bouteflika. Si je viens à le faire, cela se fera en plein jour et publiquement», a précisé Mehri, à l'occasion d'une conférence de presse qu'il a animée, hier, au siège du FFS à Alger. Autre clarification apportée par Mehri est liée à une éventuelle «alliance entre lui et le leader du FFS, Hocine Aït Ahmed» pour venir au secours du chef de l'Etat, comme cela a été rapporté dans les milieux médiatiques. «C'est une comédie. Cette analyse est totalement fausse», a déclaré Abdelhamid Mehri. «Ce n'est ni moi ni Aït Ahmed qui allons sauver le régime», a-t-il fait savoir, non sans rappeler ses positions antérieures. «Je tiens à ce que mes positions soient claires et publiques. Je crois que les questions d'intérêt général n'ont pas de secret et se règlent devant l'opinion publique», a encore ajouté le conférencier. Sur sa lancée et en vieux routier de la vie politique, Abdelhamid Mehri a pris le soin de rappeler que «l'exigence du changement n'est pas une accusation portée contre une personne ou une institution ou plutôt des règlements de comptes avec quiconque. Le changement du système, du pouvoir, est une grande responsabilité nationale. Il s'agit par contre d'avoir une approche globale et profonde de la situation loin des surenchères ou des complaisances». Interrogé sur les échos politiques qu'a suscités sa démarche pour le changement du régime politique contenue dans la lettre adressée aux décideurs, le 19 février dernier, Abdelhamid Mehri a affirmé que «pour le moment, il n'y a pas de signaux visibles en réaction au contenu de la lettre. Cette initiative a tenté de rassembler des idées proposées sur la scène». La seule réponse notable à la démarche de Mehri est celle du chef historique du FFS, Hocine Aït Ahmed. «Bien évidement, j'ai noté avec une grande fierté le soutien du frère Hocine Aït Ahmed», a souligné l'ancien secrétaire général du FLN. S'agissant de l'appréciation réservée à sa démarche par les tenants du pouvoir, Abdelhamid Mehri a tenu à souligner que le sentiment et la nécessité du changement du système politique existent partout, même au sein du pouvoir. «Le sentiment du changement est général et il existe aussi chez des frères au pouvoir. Cependant, il y a des différences de points de vue et d'approches comme c'est le cas chez l'opposition par ailleurs», a-t-il estimé. En effet, qui sont ces courants favorables au changement au sein du régime ? Y a-t-il des divergences entre les différentes composantes de ce même régime ? Pour étayer son propos, le conférencier s'appuie sur les propositions faites notamment par le MSP et les déclarations de l'actuel secrétaire général du parti du FLN, Abdelaziz Belkhadem. «Ce sont des indices de l'acceptation de l'idée du changement», a noté Mehri. Fidèle à son analyse sur le système politique algérien, qu'il connaît parfaitement par ailleurs, Abdelhamid Mehri a refusé de parler en termes de clans. «Le système du pouvoir contient effectivement plusieurs fractions, l'armée, la Présidence, mais je dis que ce système n'est plus valable pour diriger le pays.» Et d'ajouter : «Le débat sur l'armée, Bouteflika ou les équilibres entre eux ne m'intéresse pas. Parce que cela reviendrait à rentrer dans la logique du système, alors que nous voulons un changement radical. Et il ne suffit pas de changer les personnes pour que le régime change», a jugé le conférencier, en faisant le parallèle avec l'exemple de Chadli Benjdid en 1992 dont le départ n'a pas forcément entraîné le changement du régime politique. «Certains veulent justement nous faire vendre cette recette maintenant de changer les personnes. Le changement du système passe nécessairement par le changement des fondements de gouvernance», a-t-il noté. En somme, la sortie médiatique de l'ancien patron du FLN permettrait sans doute d'aider à éclairer une démarche de changement du système dans un champ politique confus. Hacen Ouali ===================================================== Plaidoyer de Mehri pour un changement «Pacifique et radical» du régime «Ce système n'est plus capable de gérer les affaires du pays» El Watan le 16.03.11 | Le changement du système de pouvoir est pour Abdelhamid Mehri une grande question nationale. Elle ne se règle pas au bout d'une négociation entre deux personnes. «Le changement pacifique sera le résultat des efforts conjugués de toutes les forces politiques et des compétences populaires. Cette dynamique sociale définira, une fois aboutie, la nature et l'étendue du changement. Ce n'est pas une affaire d'entente entre un nombre restreint de personnes. Tout le monde est concerné, pas d'exclusion», a-t-il expliqué hier lors d'une conférence de presse au siège du FFS, à Alger. La revendication du changement de régime n'est, selon lui, dirigée contre personne, parti, institution ou génération précise. «Ce n'est pas non plus une opposition à ceux qui assument les responsabilités du pouvoir ou un règlement de comptes personnel avec quiconque », a-t-il précisé, plaidant pour «une analyse critique et objective» de la marche de l'Algérie depuis l'indépendance. «Il y a un sentiment général sur la volonté de changer le régime. Cela existe même chez ceux qui sont au pouvoir. Mais les avis sont divergents sur la nature de ce changement», a-t-il analysé. Evoquer «la chute» du régime est, selon lui, contre-productif. «Car elle ne permet pas une période de construction. Il ne s'agit pas du départ d'une personne ou d'une institution. Au début des années 1990, des voix s'étaient élevées pour exiger la démission de Chadli. Chadli est parti et le régime est resté. Certains appellent au changement du régime avec le même esprit de ceux qui sont au pouvoir», a-t-il argué. Aussi, Mehri ne demandera pas à Bouteflika de partir. Il est plutôt attaché à une philosophie de changement graduel. La lettre qui l'a adressée au chef de l'Etat, «par égard dû à la fonction», à la mi-févier dernier est porteuse d'une méthodologie pour fédérer les initiatives politiques. Et là, tout le monde doit s'y mettre : économistes, personnalités politiques, historiens, journalistes, jeunes… «Chacun doit faire des propositions. A cet effet, des groupes doivent se constituer partout. Il faut créer des débats. Ceux qui gardent le silence doivent parler. On doit écouter tous les avis et ouvrir un débat national et démocratique sur la forme de changement que le peuple acceptera», a-t-il préconisé. Il est, selon lui, important d'écouter l'opinion des catégories sociales marginalisées en ce sens que la société doit se réapproprier le droit de réagir aux affaires liées à l'intérêt public, comme la lutte contre la corruption. La démarche de changement défendue par Mehri s'appuie donc sur la société, les partis et les personnalités ainsi que le pouvoir. Le président de la République est donc une partie dans cette dynamique. «Mais il ne représente pas cette partie qui fait ou qui dicte le changement», a-t-il appuyé. Il a expliqué que le rôle des services du renseignement (DRS) sera défini, à la faveur de ce changement, à travers une vision collective. «Je refuse d'entrer dans la logique du système actuel et préfère parler de lui en tant qu'ensemble. Ce système n'est, à mon avis, plus capable de gérer les affaires du pays. Depuis l'indépendance, le régime n'a pas tenu compte des textes. Il y a les textes et il y a la pratique. Celle-ci est parfois est plus importante», a-t-il noté. Il a cité l'exemple du refus des autorités d'agréer de nouveaux partis depuis 1999 (arrivée de Bouteflika au pouvoir). Décision qualifiée d'illégale et d'anticonstitutionnelle. «C'est la preuve que le régime peut violer la Constitution sans avoir à en rendre des comptes», a-t-il relevé, évoquant, dans la foulée, l'échec de la stratégie économique du pays qui n'est assumée par personne. Dans la missive adressée au chef de l'Etat, Abdelhamid Mehri a proposé des actions pour lancer les réformes devant aboutir au changement du régime. Il s'agit, d'abord, de supprimer les obstacles qui entravent la liberté d'expression, ensuite, de multiplier les initiatives populaires soutenant la demande de changement pacifique et, enfin, d'organiser une concertation large avec les forces politiques pour préparer un congrès national général. Ce congrès ouvert devra définir la feuille de route du changement politique dans le pays. «Cela doit être traité avec la plus grande franchise, transparence et profondeur loin des surenchères verbales et de toute complaisance ou suivisme», a-t-il dit. Fayçal Métaoui Lectures: