Hachemi BOUKHALFA, a été arrêté arbitrairement le 9 janvier 2011 par des agents du DRS et a subi pendant une semaine de graves tortures avant d'être relâché. A ce jour, il n'a pu saisir la justice algérienne et se voit en conséquence dans l'obligation de s'adresser aux instances onusiennes. Agé de 40 ans, il réside à Ouargla où il commerce des voitures d'occasion. Le 9 janvier 2011, vers dix heures du matin, M. Boukhalfa se trouvait devant son domicile en compagnie de plusieurs membres de sa famille ainsi que de proches qui habitent dans le voisinage. Six ou sept individus en tenue civile et armés sont arrivés sur les lieux à bord de deux véhicules et l'ont embarqué de force vers une destination inconnue. Ils ne se sont pas identifiés, n'ont pas présenté un mandat de justice et n'ont donné aucun motif pour justifier l'arrestation. Ce n'est que dans le véhicule qu'ils ont affirmé être des agents du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS). Ils lui ont baissé la tête pour l'empêcher de voir où ils allaient et ont prétendu qu'il était accusé de terrorisme et du meurtre de trois personnes. Ce n'est qu'après sa libération que M. Boukhalfa a appris qu'il avait été détenu à la caserne militaire du DRS dans le quartier de Tazegrart, à Ouargla. Une fois arrivé à la caserne, il a été interrogé et accusé de terrorisme, du meurtre de trois personnes et de posséder une kalachnikov. M. Boukhalfa a nié toutes ces accusations. Il a alors été soumis à des actes de torture pendant huit jours, menés par plusieurs agents qui agissaient à visage découvert. Il a subi le supplice du chiffon et a été violemment battu à plusieurs reprises avec un bâton sur différentes parties du corps. Pendant plusieurs jours, il a été maintenu allongé sur le dos et menotté ; il était nu et souffrait du froid. Les humiliations sont allées jusqu'à le forcer à manger des excréments humains directement puisés dans les toilettes. Le cinquième jour de sa détention au secret, il a été projeté dans des escaliers et s'est cassé la cheville. Sous la torture, M. Boukhalfa a déclaré détenir une arme. Il a donc été emmené à son domicile qui a été fouillé ; n'ayant rien trouvé, les agents ont alors arrêté sa mère qui a été interrogée à son tour pendant plusieurs heures à la caserne du DRS. Le 17 janvier 2011 vers 16 heures, après huit jours de détention au secret, les agents du DRS l'ont jeté, blessé et épuisé, devant la porte de son domicile, sans aucun égard pour sa cheville fracturée et l'état déplorable dans lequel il se trouvait. Dès le lendemain de sa libération, M. Boukhalfa s'est rendu au service de médecine légale de l'hôpital de Ouargla prétextant une agression dans la rue. Il a été examiné par un médecin légiste qui a constaté les sévices subis et lui a délivré un certificat médical; il a également pris des photos des séquelles de tortures visibles sur certaines parties de son corps. Il s'est alors adressé au Procureur de la République du tribunal de Ouargla pour l'informer et déposer une plainte contre les agents du DRS pour les tortures subies pendant sa détention ; ce dernier l'a renvoyé sans lui accorder la moindre attention. Devant l'inaction du parquet M. Boukhalfa a déposé le 12 avril 2011 une plainte auprès du Ministère de la Justice. En novembre 2011, il s'est adressé de nouveau au Procureur de la République afin de lui rappeler ses démarches entamées depuis janvier ; celui-ci lui affirme alors textuellement « Je te donne un conseil, imagine que c'était un rêve. Je ne peux rien faire pour toi, car il s'agit de la Sécurité Militaire. » En décembre 2011, M. Boukhalfa a dénoncé avec courage dans une vidéo qu'il a postée sur youtube les injustices dont il a été victime et du refus de la justice algérienne de donner suite à ses plaintes, vidéo disponible à l'adresse : http://www.youtube.com/watch?v=MEBMw1u9CQE. Constatant que les démarches entreprises au niveau des autorités judiciaires algériennes sont restées vaines, M. Boukhalfa ne voit d'autre possibilité de faire valoir ses droits qu'en s'adressant au Comité contre la torture qu'il a saisi par le dépôt d'une plainte individuelle comme le lui permet l'article 22 de la Convention des Nations Unies contre la torture ratifiée par l'Algérie. Cette affaire met une nouvelle fois à nu les graves dysfonctionnements de la justice algérienne tout en confirmant que la torture continue d'être pratiquée de manière courante en Algérie. Malgré les divers engagements pris par les autorités, force est de constater qu'un climat d'impunité continue de régner permettant aux agents des services de sécurité de torturer sans craindre de poursuites. Cette nouvelle affaire révèle de surcroît l'absence flagrante d'indépendance de la justice algérienne qui reste assujettie à l'exécutif, en particulier quand il s'agit de prendre des mesures contre les agents du DRS. Par cette plainte individuelle, le Comité des Nations Unies contre la torture est prié de constater que l'Algérie a violé la Convention ratifiée le 12 septembre 1989 et d'enjoindre aux autorités algériennes d'entreprendre une enquête approfondie et diligente sur les sévices subis par Hachemi Boukhalfa et de lui rendre compte des résultats de celle-ci dans les délais les plus brefs. Le comité onusien est également prié d'appeler les autorités à engager des poursuites pénales contre les personnes responsables des actes de torture infligées à M. Hachemi Boukhalfa, de les traduire en justice et de les punir d'une peine adéquate à la gravité du crime commis et enfin de lui offrir une réparation appropriée.