Extrait d'un article paru sur Jeune Afrique en 2005 …Lorsque Madani Mezrag parle – il s'exprime dans un français presque parfait -, on a du mal à voir en lui un tueur. Certes, cet islamiste radical n'a jamais renoncé à son idéal. « Nos idées vont finir par triompher en Algérie. Je suis convaincu à 100 % que le courant islamique va dominer la société. » Certes, son regard est encore dur, ses yeux perçants et son verbe toujours tranchant. Mais sa voix reste douce, incroyablement douce pour un homme qui a autant de morts sur la conscience qu'il y a de poils dans sa barbe. Madani Mezrag, un assassin qui s'assume ? « Oui, j'ai tué de mes propres mains », avoue-t-il sans la moindre gêne. Son premier assassinat ? Mezrag le raconte d'une voix dépourvue d'émotion. « C'était en 1993, dans la région de Jijel, au cours d'une embuscade dressée contre un convoi militaire. Le jeune militaire agonisait encore lorsque j'ai arraché le Kalachnikov de ses mains. J'ai gardé cette arme pendant plusieurs années, mais je l'ai toujours détestée. Pourquoi ? Parce qu'elle m'a toujours rappelé les râles de ce militaire au moment où il rendait l'âme. » Ce n'est pas la seule fois que cet homme tuera de ses propres mains. Un haut responsable de l'armée raconte volontiers que Madani Mezrag a éborgné un soldat avec une fourche avant de le découper en morceaux. Madani Mezrag assume tout, les morts et la lutte armée contre l'Etat algérien, mais fait le distinguo entre l'AIS et les GIA (Groupes islamiques armés), responsables de massacres collectifs et de tueries aussi barbares qu'inhumaines. « L'AIS, l'organisation que j'ai dirigée, ne s'est jamais attaquée aux civils », prétend-il. Mais, une fois la guerre déclenchée, tous les moyens sont bons. Tous, y compris les assassinats individuels, les attaques contre l'armée, la police et la gendarmerie, les faux barrages, la liquidation des éléments soupçonnés de collaboration avec le pouvoir, les vols, les rackets, les pillages. Tous les moyens, insiste-t-il. La guerre entre les deux camps est si impitoyable que les prisonniers n'échappent pas à la vindicte des hommes de Madani Mezrag. « Les prisonniers étaient systématiquement tués, raconte-t-il. Bien sûr, sur le plan humain cela me touchait mais, en tant que chef de guerre, je ne devais pas m'encombrer d'états d'âme. Il fallait tuer ou être tué. » *Le titre est de nous. D.B