Ecrit par Sana Harb Vendredi, 14 Décembre 2012 07:45 In Maghreb Emergent Cheikh Abdessalam Yassine, fondateur et chef spirituel du mouvement islamiste Al Adl wal Ihsane (Justice et bienfaisance) est décédé influent au Maroc, est décédé jeudi à Rabat à l'âge de 84 ans. C'est un des plus anciens et des plus fermes opposants au système monarchique au Maroc qui s'en va et qui sera enterré ce vendredi à Rabat. On s'attend à une importante présence des fidèles et des sympathisants du mouvement qui est resté en marge du jeu politique officiel alors que son influence au sein de la société est très forte. Le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane s'est déplacé le jour même de l'annonce du décès au domicile familial du défunt pour présenter ses condoléances et il compte assister, ce vendredi, aux funérailles qui auront lieu à la mosquée Sunna, à Rabat. Le mouvement « Justice et bienfaisance » islamiste et non violent conteste la stature de Commandeur des croyants au roi, ce dernier étant réduit à une réalité politique et non religieuse. C'est ce qui en a fait pour la monarchie un de ses plus redoutables adversaires. Ancien inspecteur de l'enseignement, Cheikh Yassine, a acquis une notoriété politique en publiant en 1974, un an après avoir fondé Al Adl Wal Ihsane, sa fameuse lettre ouverte au Roi, « l'islam où le déluge ». C'est un des premières contestations de la monarchie au nom de la religion, domaine où seul des militants de gauche et d'extrême-gauche s'étaient aventurés. Il en payera le prix. Il sera emprisonné et interné en hôpital psychiatrique sous Hassan II durant ce qu'il est convenu au Maroc d'appeler les « années de plomb ». A la fin des années 80, il est place en résidence surveillée et le restera jusqu'en 2000. « Les islamistes, soupape de sécurité du régime... » La participation des militants d'Al Adl Wal Ihsane au mouvement du 20 février au coté des militants de gauche avait donné un grand poids à la contestation des jeunes dans la foulée du printemps arabe. Al Adl Wal Ihsane s'en est retiré par la suite dans ce qui est apparu pour les militants de gauche marocain une marque « d'opportunisme politique ». Selon eux, le retrait est motivé par une volonté de ne pas gêner le gouvernement du PJD alors que sur le fond Al Adl Wal Ihsane estimait que les réformes constitutionnelles annoncées par le roi Mohamed VI sont loin d'être suffisante. La fille de Cheikh Yassine, Nadia Yassine, avait estimé que les « promesses du discours royal sont insuffisantes car elles ne remettent pas en cause la prééminence de la monarchie ». Pour les militants de gauche marocains « l'opportunisme » politique est d'autant plus évident que dans une lettre adressé à Benkirane, un des dirigeants du mouvement, Abdellah Chibani, l'avertissait vertement : « Ne capitule pas devant le Makhzen . Sois sûr qu'ils ne te laisseront jamais dépasser les lignes rouges qui protègent leur domination et leur pillage des biens du peuple. » Abdellah Chibani qui est aussi l'époux de fille de Cheikh Yassine avait même affirmé qu'aujourd'hui « la soupape de sécurité du régime, c'est un gouvernement islamiste, mais un jour, dans deux, trois ans, cela ne suffira peut-être plus. » Al Adl Wal Ihsane s'est refusé, jusque-là, à se transformer en parti politique préférant une action sociale et religieuse qui lui a donné une grande influence.