Le printemps berbère a été un moment historique dans la mesure où il y a un avant et un après 20 avril. En effet, l'irruption des citoyens dans le champ public allait ébranler le système autoritaire et ouvrir de nouveaux horizons pour le combat démocratique en Algérie. S'inscrivant d'emblée dans une perspective nationale et moderne, le pouvoir échoua dans toutes ses tentatives de présenter le mouvement comme une velléité sécessionniste. Portée par la revendication identitaire, linguistique et culturelle, une dynamique sans précédent s'est développée sous l'impulsion de l'université de Tizi-Ouzou. En quelques semaines elle s'étendra à plusieurs régions du pays. Elle libérera les individus, les espaces et les initiatives. Trois phénomènes retiennent l'attention. Le premier a trait à cette soudaine auto-organisation de la société à travers des comités autonomes en rupture avec les structures d'encadrement autoritaire du pouvoir, à savoir le FLN et ses organisations de masses. Le second est la réappropriation de l'espace public. La rue, les édifices et autres infrastructures sont quasiment arrachées des griffes de la dictature pour servir désormais la cause citoyenne. Le troisième phénomène est l'apparition d'une technologie de lutte. Les citoyens faisaient preuve au quotidien d'une grande ingéniosité en matière de formes et de moyens d'expression. C'est dans une même dynamique qu'on militait et qu'on inventait le militantisme. Une situation véritablement révolutionnaire. Rupture avec l'ordre ancien côtoyait la convergence dans l'ordre nouveau comme ce fut le cas en 1954. Le printemps berbère vient prolonger l'épopée libératrice des fondateurs de l'Algérie indépendante. Nous sommes là au cœur de l'esprit d'avril 80. Revenir aujourd'hui à cet esprit est un impératif face à l'impasse intégrale dans laquelle se trouve actuellement notre pays. Il doit désormais imprégner nos réflexions et nos démarches si on veut éviter de nouveaux drames.