In page facebook de Mouloud Idir Réflexion de Sadri Khiari: Un marxiste tunisien sérieux et solide que les prétendus marxistes du monde dit arabe et d'ailleurs devraient écouter : Je n'ai jamais autant espéré me tromper ! Est-il encore possible d'espérer que la ligne du Front populaire soit redressée avant qu'il ne soit trop tard ? Je crains fort que non. L'orientation qu'il emprunte avec de plus en plus de précipitation depuis ce qu'il faut bien appeler le coup d'Etat militaire en Egypte est à la fois aventuriste et « droitière ». Je répète que je n'ai aucune sympathie pour la politique suivie par Ennahdha sans croire pour autant que ce parti agit en despote. En période révolutionnaire, je ne fétichise pas non plus la légitimité électorale. Je suis par ailleurs convaincu qu'Ennahdha a beaucoup perdu du soutien populaire – déjà fragile – exprimé lors des élections à la Constituante. Mais je ne crois pas non plus que le rapport de forces soit dès à présent en faveur de ceux qui, avec raison, souhaitent un approfondissement du processus révolutionnaire entamé le 17 décembre 2010. Ce n'est d'ailleurs visiblement plus l'objectif du Front populaire. Ce qu'il veut, c'est « dégager » la Troïka du pouvoir, coûte que coûte. Depuis l'assassinat de Chokri Belaïd, le Front populaire a multiplié les propositions d'alliances, dans des formules qui se sont de plus en plus concentrées sur le « dégagement » de la Troïka et qui le rapproche inéluctablement de Nida Tounes. Aujourd'hui, pressé plus que jamais d'être à l'initiative et d'occuper le centre de la scène politique, il annonce un énième plan, gauchisto-droitier, censé regrouper tous les opposants à Ennahdha pour dissoudre l'assemblée constituante, confier la rédaction de la constitution à un groupe d'experts (et non pas à une nouvelle assemblée constituante ! Sans doute le peuple n'est-il pas assez « mûr » pour qu'on lui confie à nouveau l'élection des constituants...) et la formation d'un nouveau gouvernement, sans Ennahdha de toute évidence. Les autres points du plan sont de l'ordre de la pure démagogie : quelles mesures d'urgences sociales est-il possible de prendre et de mettre en œuvre sous la direction d'un nouveau gouvernement de consensus avec des adeptes du néo-libéralisme, surtout quand on précise que ce gouvernement devra abroger les accords qui battent en brèche la souveraineté économique de la Tunisie ? Il n'est guère étonnant de ce point de vue que pour la réalisation de cette alliance anti-Ennahdha, l'une des premières organisations consultées est l'UTICA ! Mais admettons que se réalise effectivement ce large front désormais souhaité par le Front populaire. Dans les rapports de forces réels et non dans ceux que fantasmes peut-être certains, à quelles conditions pourrait-il être aujourd'hui capable de renverser Ennahdha ? A la condition, bien sûr, d'avoir rallié Nida Tounes, à la condition aussi d'avoir ralliée (dans les coulisses) une frange non-négligeable des réseaux RCD-istes, du Ministère de l'Intérieur et, pourquoi pas, de notre fameuse « Armée républicaine ». C'est-à-dire, on s'en doute, avec un blanc-seing de certaines « parties » étrangères. J'ignore si toutes ces sphères politiques considèrent actuellement qu'il est de leurs intérêts de virer Ennahdha sans préavis. Si c'était effectivement le cas et qu'une telle alliance se constituait, le Front populaire a-t-il la naïveté de croire qu'il serait encore à l'initiative ? Croit-il que la révolution aura fait un pas en avant ? Certainement pas. Le Front populaire explosera et une partie de ses militants et cadres sera absorbée par l'appareil d'Etat tandis que les revendications populaires seront renvoyées aux Calendes grecques. Bravo !