Maudit soit l'homme qui se confie à la passion et qui détourne son cœur de l'Eternel ! Il est comme un misérable dans le désert, et il ne voit point arriver le bonheur. Monsieur le Président de la République, C'est dans une situation, très préoccupante, voire angoissante à plus d'un titre, que Je me permets Monsieur le Président, de vous écrire cette lettre afin de vous entretenir d'un problème, qui existe depuis plus de deux décennies et, qui à ce jour n'est toujours pas résolu, à savoir l'injustice que trainent les victimes de la première violence, les internés des camps du Sud, un sujet qui, aujourd'hui, n'est toujours pas résolu. Je me permets par cette lettre, de prendre un peu de votre temps en vous demandant de ne pas vous arrêtez en route, lisez cette lettre jusqu'au bout s'il vous reste quelques ilots de force, et même si vous ne partagez pas mon opinion, surtout ne la jetez pas, elle est trop importante pour moi qui m'adresse à vous à titre de Porte-parole du Comité de Défense des Internés des Camps du Sud. Je vais pouvoir vous exposer globalement et dans le détail ce pourquoi je vous écris, et compte tenu de l'importance que revêt pour moi cette requête je me permets de vous l'adresser sous couvert de l'opinion publique, afin qu'elle ne s'égare pas. Ma lettre ouverte, n'a pas pour but de vous offusquer, elle a simplement pour but de vous interpeller sur certains égarements auxquels vous ne prêtez pas attention, -involontairement ou non, peu importe-, avant qu'il ne soit trop tard. En effet, malgré les textes récents tel que la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, après avoir subi l'enfer des camps de la mort, les personnes injustement livrées à la radioactivité nucléaire, bactériologique et chimique, ceux que j'appelle à juste titre les irradiés de la république, et que je qualifie de martyrs de la folie mégalomane et du génie malfaisant des janvièristes qui impunément, nous ont volé une tranche de notre liberté, détruit notre santé et avec notre vie. Monsieur le Président, laissez-vous instruire par la médiocratie de ceux qui vous ont précédé et que cela vous serve d'exemple à ne pas suivre. Pourquoi n'avoir pas montré l'exemple en agissant avec justice et droiture, en marchant dans l'humilité, après notre irradiation par les « fous de la démocratie », nous avons été radiés de la charte dite pour la paix et la réconciliation nationale par ses rédacteurs, pourquoi ? Je vous l'accorde, Monsieur le Président, il vous fallait du temps et beaucoup d'argent. Mais nous avons perdu inutilement beaucoup de temps, Quant à l'argent, vous qui participez à la gestion du « portefeuille national » vous savez mieux que moi que nous en avons; peut-être devriez-vous consacrer moins d'argent à la répression et aux dépenses de prestige, et un peu plus à la lutte contre l'injustice et la corruption. Comment se fait-il que dans notre société dite moderne et présumée démocratique, il existe encore une des formes les plus cruelles d'exclusion ? Ne vous êtes-vous jamais posé la question pour vous rendre compte qu'il se trouve que des hommes de qualité, des hommes intègres que la méchanceté a en partie détruit. Des hommes qui ont servi le pays et le peuple. D'entre ces hommes, certains ont été terrassés par un cancer, laissant veuves et orphelins dans un monde impitoyable, les autres, bien que livrés à un état d'abandon inqualifiable sans précèdent, continue à servir humblement et honnêtement leur pays. Monsieur le Président, pour qu'il y ait un climat de confiance et de sérénité, il vous faut nous rendre justice. Le pardon et la réconciliation ne se décrète pas, ce pays a tant souffert, aujourd'hui nous pouvons, nous ses enfants lui donner la possibilité de se relever. La réconciliation et le pardon c'est ce dont nous avons besoin, mais en aucun cas au détriment de la vérité. Je suis convaincu que nous rendre justice, permettra aux Algériens de se réconcilier les uns les autres. Vous savez que d'aucuns ont longtemps laissé la jalousie, la haine, la rancune, le mensonge, la manipulation, la corruption et l'esprit de vengeance dominer dans notre pays. Aujourd'hui, nous avons la possibilité d'écrire l'Histoire, qu'avez-vous fait ? Avez-vous suivre les traces de Ben M'Hidi et Abane Ramdane ? Non vous aviez continué à ignorer les dénis de droits et le sacrifice d'une tranche de citoyens dont le seul crime, est d'être en majorité des fils de Chouhada et de moudjahidine. Monsieur le Président, n'oubliez pas qu'en tant que Chef de l'Etat, vous avez des droits, mais aussi et surtout des devoirs. Ceux qui vous ont précédé à un moment de leur parcours ont oublié cela, ils ont même bafoué le droit du peuple, et cela a été le début du dérapage. Je sais, ce n'est pas évident pour un homme de gouverner un pays où la jalousie, la haine, l'hypocrisie, la corruption, l'orgueil, le vol, toutes ces choses que nous connaissons dans notre pays, mais, je sais aussi que l'homme qui craint Dieu et qui désire lui plaire à tous égards, ne peut tomber dans ces pièges à condition qu'il soit à l'écoute de Dieu et non de ceux qui se proclament de sages conseillers. Cet homme-là, n'aura aucune raison d'avoir peur sauf s'il se laisse « avaler » par des gens mal intentionnés ou s'il place sa confiance en lui-même. D'ailleurs il est dit » Maudit soit l'homme qui se confie à la passion et qui détourne son cœur de l'Eternel ! Il est comme un misérable dans le désert, et il ne voit point arriver le bonheur. Je sais bien que lors de nombreuses tragédies qui se sont abattues sur l'Algérie, vous n'étiez pas là, cependant la question des internés des camps de la honte, prouve à l'évidence que quatorze ans après votre « intronisation », vous n'êtes jamais allé à la rencontre du pays profond pour toucher du doigt les réalités douloureuses du pays, c'est du mépris envers nous, alors que vous ne vous vous êtes pas gêné d'accorder beaucoup de considération aux auteurs de l'injustice qui ont détruit notre vie, c'est pourquoi je vous accuse vous, Monsieur le Président de la République, chef de l'Etat, Commandant des forces armées, Représentant officiel de la révolution, défenseur des droits de l'homme, et surtout Chef suprême de la Magistrature, d'avoir permis l'exclusion de milliers de victimes innocentes d'un crime ignominieux contre l'humanité, des milliers de citoyens ont étés, et demeurent sciemment ignorés, pourquoi ? Qu'attends voulu dissimuler en occultant la question des internés des camps de la honte, est-ce les essais nucléaires effectués après l'indépendance au Sahara, par l'effet d'une clause secrète contenue dans les Accords d'Evian, qui relève de la haute trahison ? Est-ce pour cacher au peuple algérien qu'une bonne partie du Sahara est fortement irradiée pour très longtemps ? Nous sommes les témoins de cette odieuse page de l'histoire, et rien ne pourra m'empêcher d'écrire cette page, -c'est déjà fait- et de faire connaitre au Tribunal du Monde, le méprisable crime dont nous fumes victimes, Il est temps pour que soient rétablies dont leurs droits légitimes, les victimes de l'arbitraire. Ils sont des milliers qui aujourd'hui souffrent hélas de cette maladie contagieuse : le mépris et l'exclusion. Monsieur le Président de la République, la situation des déportés est dramatique, et davantage à bien des égards celles des veuves et des orphelins de mes Co-internés qu'un cancer a ravi aux siens. Depuis huit ans, on assiste, bon gré mal gré à un festival de langue de bois qui obscurcit à loisir la question de la bonne gouvernance dont vous vous êtes fait le chantre. Nous assistons de manière démagogique à un conte édifiant et manichéen. Vous vous êtes englué dans un magma de confusions avec la psychologie du bazar qui règne actuellement dans notre pays. Vous avez promis une Charte pour la paix et la réconciliation nationale, c'est notre exclusion et la personnalisation du pouvoir qui nous est servie sur le plateau par vos affidés et porte-flingues de tous genres, profiteurs devant l'éternel, qui nous ressassent à la va-vite les progrès accomplis par la dite farce. Monsieur le Président, en se gardant de tout amalgame et de toute stigmatisation, reconnaissez que nombreuses sont les promesses encore en berne, le changement prôné est malheureusement dans le sens négatif. Quant aux personnes « caméléons » qui vous entourent et qui régionalisent votre pouvoir, elles peuvent continuer –aux yeux de celles et ceux qui veulent bien continuer à les croire- à se draper dans l'indignation irresponsable, pour traiter des questions politiques et de réconciliation nationale, brûlantes et complexes. Votre pouvoir ne saurait à lui seul inspirer une politique d'Etat qui doit prendre en compte, par définition tous les intérêts en cause et assurer le respect de la loi. C'est la logique d'une république démocratique et égalitaire. Nous savons tous qu'on ne nait pas dictateur, on le devient. Les tyrans séduisent d'abord avant de décevoir. J'ai l'impression, ce n'est qu'une impression, elle n'engage que moi, que vous surfez sur le désordre, le désespoir et l'humiliation d'une partie du peuple. Je tiens à vous le dire, que la prétendue opposition ne trompe plus personne au contraire, Faites comprendre à vos porte-manteaux réunis dans des associations politiques -ou autres- d'opportunistes à l'image de la Commission Nationale Consultative de Promotion et de Protection des Droits de l'Homme de cesser leurs pilonnages qui n'ont plus d'effets à nos oreilles. On n'y fait plus attention. On entend des associations, mais, jamais elles n'ont pu tenir un raisonnement cohérent. Tous des profiteurs, leurs discours se font plus péremptoires quand la nature des convictions devient floue, leurs paroles par compensation se font plus tranchante. La violence reptilienne de leurs expressions vient pallier, en somme, la fragilité du contenu. Du coup, leurs discours politico-démagogues s'exténuent, leurs jugements tombent à plat, leur verbe est haut mais, mais il ne correspond plus à rien. Ces associations oublient que dans le sous-sol de la misère sociale, des réalités autres sont en germination, des paroles et des dissidences fusent. L'étrange hiatus entre le bavardage courant et les nouvelles réalités signalent en creux l'énormité du changement de mentalité. Monsieur le Président de la République, sachez que si cette politique stigmatisante, d'exclusion et régionaliste ne change pas, d'autres révoltes peuvent émerger et, au sens strict, prendre la main. Dans les faits, le pays se porte mal quand bien même de menus progrès tangibles sont à noter. « Les installés » de l'ancien monde, « démocrates » autoproclamés et toute une horde de nouveaux riches, de compradores et autres « baggara » analphabètes, qui n'ont rien en commun, sinon leurs insatiables instincts budgétivores qui s'accrochent à leur bout de gras. Ils réemploient des concepts démonétisés. Ils campent obstinément dans cet ancien théâtre où ils ont encore leur strapontin. Tout à la hâte de prouver qu'ils existent, soucieux de « se pousser le col » comme on dit. Ils jugent avec autorité au lieu de penser ne serait-ce qu'une seconde. Monsieur le Président de la République, vous ne pouvez plus restaurer notre tissu social, et réactiver un corpus de valeurs sans lesquelles la nation du Million et demi-million de martyr est vouée au naufrage ? Ma question principale est celle-là, comment tout ceci s'est-il détraqué ? Qu'est-ce qui fut englouti au début de cette république des plus prometteuses ? Faire abstraction de ces quelques menus progrès serait être d'une mauvaise foi de ma part, j'en conviens. Mais, cette face ensoleillée ne saurait faire oublier la face sombre de votre régime. L'effroi qu'il nous communique encore à distance me laisse profondément perplexe, et soucieux pour la Patrie de mes ancêtres. Monsieur le Président de la République, c'est une vertigineuse litanie, une respiration coupée. Oserais-je dire, et sans faire de phrase, que je ne pensais pas que le changement serait si bouleversant pour ne plus faire rêver. J'aimerais trouver les mots, le verbe, la phrase, le ton, la force de dire pourquoi je m'afflige décidemment de la désespérance des victimes du goulag algérien, une désillusion et un désespoir, devenu pour moi qui porte sur mes épaule le lourd fardeau de la question des irradiés de la république, un gaz toxique que je respire tous les jours. J'avoue que j'ai naïvement cru que la population algérienne allait être rassemblée par vous et autour de vous. Regrettablement hélas, Elle est plus divisée que par le passé. Vous les politiciens, pouvoir comme opposition, vous avez démonté pièce après pièce le chapiteau national. Alors qu'il vous revenait de dresser un chapiteau national durable qui s'appelle : démocratie. Monsieur le Président de la République j'ose espérer que dans le meilleur du monde, le Bon Dieu guidera l'Algérie et son peuple vers la prospérité dans l'équité sociale et l'ethnique. Aurai-je eu raison d'écrire cette lettre ouverte ? L'avenir nous le dira. Alger le 16 Juillet 2013 Nourredine BELMOUHOUB Défenseur des droits de l'homme Porte-parole des internés des Camps de la Honte.