«Partez, Monsieur le Président» El Watan le 22.01.14 Avec quelques journalistes qu'il a invités à l'occasion de son 86e anniversaire, en son domicile, Yacef Saâdi n'y est pas allé avec le dos de la cuillère, assenant ses vérités à propos du travestissement de l'histoire en se basant sur le dernier ouvrage de Zohra Drif, «truffé de mensonges» selon lui, et qu'il faudra mettre au compte de la falsification de l'histoire. Selon Yacef, qui s'est procuré des documents inédits provenant des archives françaises, «certaines vérités vont surprendre», faisant allusion à une lettre adressée par Zohra Drif à Hassiba Ben Bouali qui se trouvait dans une cache à La Casbah avec ses compagnons Ali La Pointe, Bouhamidi (17 ans) et Petit Omar (13 ans) le neveu de Saâdi, dans laquelle Zohra supplie Hassiba de se rendre aux généraux «qui ne lui feront pas le moindre mal». Comment Zohra Drif a-t-elle pu connaître l'endroit où s'étaient repliés les quatre et pourquoi s'était-elle adressée à Hassiba seulement en négligeant les autres, s'est interrogé Yacef, qui ne doute pas de la position compromettante de Zohra Drif par rapport à l'ennemi. «Une trahison», a-t-il lâché, suggérant qu'elle a livré Ali La Pointe à la soldatesque française. Yacef signale que Zohra était incarcérée avec lui, avant d'être transférée vers un autre lieu. L'ancien chef de la Zone autonome s'est par ailleurs offusqué du fait que Zohra le désigne par «Si l'kho» dans ses mémoires alors «que je m'appelle Yacef Saâdi, qui l'a sauvée d'une mort certaine» et quelle n'a jamais figuré parmi les condamnés à mort. «Je veux tout simplement rétablir certaines vérités. Je n'ai aucune haine envers quiconque, mais les génération futures doivent connaître la véritable histoire de la lutte de Libération, souvent travestie.» Yacef a par ailleurs égratigné les communistes algériens «qui ne sont pas les auteurs des actes héroïques dont ils se targuent puisque c'est moi qui fournissais les bombes». L'ancien chef de la Zone autonome ira plus loin en doutant des intentions des responsables du PCA, «dont certains étaient en contact avec l'ennemi». Evoquant la situation actuelle Yacef considère que le pays baigne dans la confusion la plus totale. «Les dirigeants actuels doivent partir pour laisser place à une autre génération capable de relever les immenses défis qui nous attendent.» Yacef a rappelé l'amitié qui le lie à Bouteflika que «j'ai connu à l'indépendance lorsque, nous faisions partie de la même délégation chargée de la mise en place de l'Organisation de l'unité africaine». «Au cours d'une de nos rencontres il y a quelques années, au lendemain de son accession à la magistrature suprême, M. Bouteflika m'avait avoué qu'il était fasciné par le pouvoir et que nul ne pouvait le lui ravir, si ce n'est la mort. J'ai eu plusieurs contacts avec lui par la suite», a-t-il ajouté. «Dernièrement, j'ai transmis un message par le biais de M.Sellal à Abdelaziz Bouteflika où je lui conseille de se retirer de la politique vu son âge et surtout sa maladie.» «Chausse tes pantoufles, soigne-toi et reste loin des turbulences de la politique, ce serait mieux pour toi. C'est l'histoire qui te jugera. Tu as fait du bon et du mauvais, mais tu aura marqué le paysage politique de notre pays. Tu ne peux aspirer à un quatrième mandat. Vu ton état de santé et ton handicap, tu ne pourra logiquement assumer ces hautes fonctions qui déterminent la destinée de tout un pays.» Actuellement, la situation est floue et les indicateurs n'incitent pas à l'optimisme «tant le manque de visibilité et de clarté est criant» a constaté Yacef. Les jeunes, a-t-il suggéré, doivent prendre leur avenir en main. La génération de la guerre doit impérativement passer le témoin. Ce pays a été miné dès le départ, a déclaré Yacef en faisant allusion aux officiers déserteurs de l'armée française qui ont rejoint la Révolution selon un calendrier établi par l'ennemi, pour qu'ils prennent les rênes du pays, l'indépendance acquise, en les citant nommément, précisant qu'ils étaient pour la majorité des rejetons de caïds et de bachaghas au service de la France. «Nous en subissons aujourd'hui les conséquences», a conclu Yacef Saâdi.