Fodil Boumala La situation du pays est extrêmement grave. Visiblement, elle s'accentuera encore plus sous peu. La gangrène a atteint le stade de la nécrose et l'ingouvernabilité, à différentes échelles, n'est plus à démontrer. En un mot, l'état du corps-Algérie se métastase à une vitesse vertigineuse et les chances de réussite des protocoles chimio et radiothérapiques qui lui sont actuellement administrés sont minces pour ne pas dire exclues. Un régime d'un autre âge, un pouvoir corrompu et incompétent, une société tétanisée et une supposée « élite » désengagée voire complice. A vrai dire, l'Algérie est piégée, minée. Elle a et aura besoin, dans ses futurs immédiat et proches d'équipes multidisciplinaires hautement qualifiées de « démineurs » et de « bâtisseurs ». Pour cela, il lui faudrait une boussole, un projet de société et des modes d'intervention allant des lois du « management » à celles de la « chirurgie » de pointe. D'aucuns parlent d'un nécessaire et urgent changement en Algérie. D'autres préfèrent plutôt le statu quo et la perpétuation des politiques actuelles au nom des « acquis » et de la « stabilité ».Entre ces deux approches de l'Algérie, le gap est interstellaire. S'agissant du changement, la question fondamentale n'est pas de scander le concept ou de le transformer en un slogan creux mais de lui donner, plutôt, un sens, une orientation et des objectifs réalisables dans le temps et dans l'espace. Outre, le modus operandi ou comment accomplir le changement pose, en termes de choix et de formes d'engagement, un véritable problème. Un changement violent de type révolutionnaire ou subversif ou bien un changement pacifique de type transitionnel??? Dans leur majorité, les Algériennes et Algériens s'opposent, rejettent et condamnent le recours à la violence même si, en terme sociologique, les mouvements revendicatifs ont tendance, face aux échecs du pouvoir, à user de la violence sociale comme seul moyen de résolution de conflits. Outre, la violence de laquelle les Algériens ont peur est celle d'un éventuel retour à la guerre civile de la dernière décennie du XXe siècle. Par contre, la violence contestataire, protestataire et émeutière est devenue le menu quotidien des Algériens au niveau national. Face à cette situation paradoxale « phobie et usage de la violence en même temps », la relation des mouvements sociaux au pouvoir et la relation de ce dernier à l'Etat et à la société ne reposent sur aucun esprit de médiation, de conciliation ou de résolution pacifique des conflits. Bien au contraire, la confrontation, pour des raisons d'intérêts rentiers directs ou pour celles de rejets catégoriques du pouvoir et de son administration, est le seul rapport de force que les Algériens se partagent. A la question de la transition, le régime d'Alger en a fait un discours populiste et non un processus de changement structurel par la voie démocratique. Le changement de l'intérieur du pouvoir et par le pouvoir comme le changement dans la continuité ont autant corrompu le pouvoir et la société que perverti l'acte politique lui-même. La culture de la transition politique n'existe point ni dans le mental ni dans le génome du régime militaro-civil d'Alger. En somme, le régime tient à sa survie et à celle de ses « familles ».Par la violence certes mais aussi par la corruption généralisée et la destruction massive de l'individu et de la collectivité ; fondements de tout Etat moderne et de tout Vivre-Ensemble dans la différence et la cohésion nationales. Par conséquent, le régime en place ne permettra aucun changement démocratique d'un côté et usera, comme toujours, de la violence meurtrière contre toute opposition pacifique revendiquant son départ. In fine, la question reste problématique : Peut-on accomplir un quelconque changement par les voies et moyens qui nous sont imposés par la mafia politico-financière d'Alger ou bien sommes-nous condamnés à payer un autre lourd tribut en imposant la vox populi et la rupture par la guillotine ? Si la démocratie par l'urne, en Algérie, est un leurre, celle de la guillotine n'est nullement garantie. Alors, ne devrions-nous pas réinventer la politique et l'acte militant en créant de nouveaux types de rapports de force par le bas, en transformant les périphéries en centre et en établissant une alliance nouvelle à la polonaise entre les marginaux et le monde ouvrier d'un côté et les élites émergentes issues de milieux moyens sacrifiés de l'autre ? Fodil BOUMALA