Baudouin Loos Le Soir du 24 février 2014 Comme un sombre sentiment d'humiliation. C'est l'impression qui prévaut parmi nombre d'observateurs algériens après l'annonce de la candidature du président sortant Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat. Ce dernier sera réélu. C'est ainsi. Il n'y a jamais eu le moindre suspense dans une élection présidentielle en Algérie. «On» décide qui sera élu puis l'élection confirme. Le verrouillage est d'ailleurs stigmatisé par la presse locale, mais pas par la télévision nationale, déjà au service de la réélection du «raïs». La question n'est pas de savoir si les Algériens apprécient Bouteflika. Il est probablement plutôt populaire puisqu'on lui prête la vertu d'avoir mis fin à l'horrible «sale guerre» qui a déchiré le pays depuis le coup d'Etat militaire de 1992 jusqu'à son arrivée en 1999 négociée avec l'armée. Non, le problème est ailleurs: l'homme a subi un accident vasculaire cérébral le 27 avril 2013 dont il ne s'est visiblement jamais remis. Depuis, les Algériens n'ont plus entendu le son de sa voix et ses rares apparitions à la télévision font penser aux déambulations pathétiques d'un patient dont les jours sont comptés. Est-ce vraiment l'homme de la situation? Celui dont l'Algérie a besoin? C'est tout un système politique retors et perverti qui est en cause. Avec un théâtre d'ombres où les «décideurs» – l'expression est une marque déposée algérienne- ne sont pas ceux qu'on croit, ceux qu'on voit. La preuve? «Boutef», comme on dit à Alger, ne gouverne plus depuis longtemps, il en est physiquement incapable, et il va pourtant être réélu. Absurde. Ces dernières semaines, la presse algérienne s'est interrogée de manière obsessionnelle sur une «guerre de clans» (celui du président, celui de la police politique, celui de l'état-major de l'armée, etc.) qui aurait tourné à l'avantage du clan présidentiel. Lequel pourrait dès lors protéger ses intérêts au détriment de ceux de ses rivaux. «Il y avait encore, écrit le quotidien Liberté, quelques sceptiques fidèles à la logique et au sens humain qui balayaient d'un coup de main les supputations d'un quatrième mandat d'un homme malade et fatigué qui ne s'est pas adressé à son peuple depuis un certain 8 mai 2012. Mais finalement, le dernier mot est revenu à ceux qui ont voulu à n'importe quel prix vendre encore son image même si cette dernière a été, depuis longtemps, amortie par l'âge et ternie par les méfaits sulfureux de ses proches.» BAUDOUIN LOOS