Le blocage est total en Algérie. Les deux clans du pouvoir, aux prises depuis des mois sur un quatrième mandat pour le président sortant, Abdelaziz Bouteflika, ont fini par se mettre d'accord, d'après des sources diplomatiques à Alger. « La gérontocratie au pouvoir » – l'appellation est issue de la diplomatie américaine – a évité un affrontement sanglant à la dernière minute. Lors de réunions houleuses entre les gradés de l'armée, des noms d'oiseaux ont fusé et des menaces auraient été proférées envers le général Gaïd Salah, comme à l'encontre du général Mohamed Mediène, rapportent sous le seau de la confidentialité, des anciens hauts gradés de l'ANP. Cela devrait se terminer par le départ de l'un des deux. Le patron du DRS et le chef de l'état major se livrent depuis des mois une guerre sans merci. Le dernier épisode paradoxal a été la « mise à la retraite » par le général Ahmed Gaïd Salah (74 ans) d'une centaine d'officiers ayant atteint « l'âge » requis. Parmi eux figuraient au départ, le général Mohamed Mediène, patron du DRS et le général Ahmed Boustila, commandant de la gendarmerie nationale. Le lendemain de cette décision controversée, le général Ahmed Boustila était sur le terrain pour superviser les mesures de rétablissement de l'ordre dans la ville de Ghardaïa. Une manière, d'après les observateurs, de montrer qu'il défiait l'autorité de chef de l'état-major. Dans la foulée, Ahmed Gaïd Salah convoque une réunion du haut conseil de sécurité. Plusieurs hauts gradés le préviennent qu'il fait fausse route. Un appel téléphonique anonyme va même jusqu'à lui rappeler le sort tragique du général Saïdi Fodil, mort dans un attentat, « maquillé » en accident de voiture en 1996. La situation s'envenime encore davantage quand le général Hacene, l'ancien chef des troupes spéciales du DRS et très proche de Mohamed Mediène, est déféré devant la justice militaire après son expulsion de sa résidence de fonction à Sidi Fredj. Cette fois-ci, on frôle l'affrontement direct et plusieurs anciens chefs de l'armée tentent de s'interposer. Le patron du DRS, réputé pour son calme olympien, sort de sa réserve et menace directement Gaïd Salah et le frère cadet de Bouteflika. Et en ce qui concerne Saïd Bouteflika, la menace montrait déjà son bout de nez, quand Aboud Hichem un ancien officier du DRS proche de Mediène, dévoila dans une lettre à la presse, le contenu de son prochain livre sur les mœurs du frère du président. Cela rappelle drastiquement la pratique du chantage de l'école du KGB, dont le patron du DRS y fut un ancien étudiant assidu dans les années 60. Si la question du 4ème mandat a été momentanément réglée, les hostilités devraient reprendre juste après le mois d'avril. Après le refus de Mouloud Hamrouche pour seconder Bouteflika dans ce 4ème mandat, les deux clans ne se sont pas encore mis d'accord sur le nom du vice-président qui sera désigné après la réforme de la constitution. Toutefois, une chose est sûre, c'est que l'Algérie est bien partie pour une longue période d'instabilité, puisque d'après les informations qui circulent dans le pays, le mécontentement est à son comble parmi la population. Pis encore. Plusieurs jeunes cadres de l'armée ne cachent plus leur « honte » d'être dirigés par une caste affairiste. Les jeunes généraux de l'armée au contact avec le monde extérieur ne supportent plus les querelles entre les vieux généraux et l'affairisme des politiciens. Avec l'annonce de la candidature d'un président impotent dont les moments de lucidité par jour ne dépassent pas 2 heures, les « jeunes loups » de l'armée sont conscients que le pays va à la dérive et certains d'entre eux pensent sérieusement à bouger d'après les fuites de chancelleries étrangères. D'après un ancien cadre de l'armée qui vit aujourd'hui en France, il n'est pas exclu pour lui, que la « middle class » de l'ANP, celle qui a combattu le terrorisme pendant la décennie noire, s'empare du pouvoir si l'Algérie sombre plus encore dans le ridicule. Il figure qu'un jour prochain, un officier charismatique prendra les devants et renversera ce système pourri qui est en train de foutre en l'air l'avenir de l'Algérie. Ce qui explique l'appel de Hamrouche, lors de sa dernière conférence de presse, envers l'armée et les jeunes généraux pour qu'ils tranchent définitivement dans cette crise, afin de « nettoyer » la république et de rentrer ensuite définitivement dans les casernes. A.By