De plus en plus, l'indépendance de l'Algérie ressemble à un monument inachevé dont l'architecte a disparu, parce qu'assassiné par une bande de bricoleurs qui pensent que construire un Etat nation est un jeu d'enfants. Plus d'un demi siècle après l'Appel du 1er novembre 1954, les fissures apparaissent au grand jour alors que l'avenir du pays reste des plus incertains. C'est l'écroulement, le naufrage. Dans le livre saint du Coran, Dieu a vivement recommandé à l'homme de se plier aux exigences de l'alternance et de la concertation. Qu'en est-il de l'Algérie, des dirigeants algériens qui sont au pouvoir depuis plus d'un demi siècle ? Comment ces dirigeants considèrent-ils le peuple ? A la fin des années 1980, après plusieurs années de régime autoritaire et militaire, l'Algérie rétablit le système multi partite. Dans l'enthousiasme du moment, des dizaines de partis ont été crées, alors que d'autres, plus anciens, ont été reconstruits avec l'objectif d'accéder au pouvoir exécutif suprême et de rendre au peuple sa souveraineté. Cependant, depuis aucun parti de l'opposition n'est parvenu à réaliser cet objectif pourtant largement partagé par l'immense majorité du peuple. Les immenses espoirs de « véritable alternance» que ces partis politiques ont suscité au début de la décennie 1990, se sont vite tournés en cauchemar avec une guerre imposée au peuple dont nous ressentons à ce jour les répliques. A chaque escale électorale, l'armée brouille la visibilité politique en superposant à la classe politique des mouvements de protestation à l'instar des Arouchs et de Barakat, et avec une habilité de prestidigitateur sort à chaque fois de son char le candidat du moment. Ceci problématise la situation et conduit à la question suivante: comment expliquer à chaque fois la réussite d'un régime pourtant honni par la majorité écrasante du peuple et l'éternel échec des partis de l'opposition à conquérir le pouvoir exécutif? Quelque chose ne tourne pas en rond. Quelque soit le système électoral retenu, c'est toujours le candidat du régime qui l'emporte dés le premier tour haut la main ! Les structures internes et le niveau de démocratie au sein des partis politiques de l'opposition seraient-ils défaillants au point de ne plus pouvoir faire face à un régime qui chancelle, qui prend de l'eau de toutes parts ? Y aurait-il des contraintes intellectuelles, institutionnelles et politiques qui empêchent ou réduisent considérablement les chances des partis d'opposition de construire une coalition, de gagner les élections et de conquérir le pouvoir suprême ? Pourquoi depuis plus d'un demi siècle les choses vont de mal en pis pour les élites politiques algériennes ? Pourquoi en est-il ainsi? Le fantôme FLN décédé dans son placenta en 1957 et le parti cocote minute du RND seraient-ils plus solides, mieux organisés, voire plus populaires que les partis d'opposition? Y aurait-il un déficit organisationnel ou déficience stratégique de la part des partis d'opposition? Pour bon nombre d'observateurs de la politique et presque tous les leaders vaincus de l'opposition, la réponse est simple: les partis au pouvoir s' y maintiennent grâce au truquage des processus électoraux et au soutien indéfectible de l'armée. A moins que les stratèges du DRS aient une autre définition sur la démocratie, tous les théoriciens de la « démocratie» renvoient l'origine étymologique du terme aux deux mots grecs (demos + kratos), lesquels signifient littéralement « le pouvoir du peuple ». L'alternance et la démocratie présupposent une liberté dans laquelle le système de relations entre gouvernants et gouvernés est régi par le principe selon lequel l'Etat est au service du citoyen, et non l'inverse. C'est un système dans lequel les gouvernés choisissent librement leurs gouvernants qui les représentent. En quoi une telle situation est-elle donc une menace pour la survie de l'ANP ? Il ne viendrait à l'esprit d'aucun opposant algérien de mettre en péril l'avenir de l'armée. Pourquoi l'ANP s'obstine t-elle alors à maintenir un climat politique des plus délétères dans un régime arrivé à sa fin biologique qui risque de l'embarquer à nouveau dans une autre tragédie, alors que le principe de l'alternance constitue la meilleure garantie pour sa survie ? Pourquoi les principes de la démocratie et de l'alternance font-ils si peur aux généraux décideurs qui détiennent la réalité du pouvoir depuis le 1er novembre 1954 à ce jour, car depuis il n'y a eu qu'un seul et même pouvoir? Les opposants seraient-ils moins algériens, moins patriotes et moins compétents que le candidat Bouteflika qui a entamé sa compagne électorale depuis plus d'une année, en violation des règlements en vigueur ? En quoi reconduire un homme cliniquement mort pour un quatrième mandat successif est-il plus sur pour l'avenir de l'armée que les vertus de la démocratie et de l'alternance ?