Tribune publiée par « Le Monde » du 17 avril 2014 En ce 17 avril 2014 ou l'Algérie est sensée se doter d'un nouveau Président de la République, la voici, en réalité, face à une crise majeure de son existence avec la menace réelle de son implosion. La maladie aurait dû pousser, sans doute, M. Abdelaziz Bouteflika à ne pas postuler pour un quatrième mandat, le constat devrait s'appliquer en réalité, à tout le système de gouvernance frappé de vieillissement. Ainsi, donc, l'Algérie est en situation de blocage systémique. Le scrutin présidentiel – dont l'issue est, par avance, fixé- ne constituant guère un enjeu véritable, quels sont les scénarios-les alternatives, pourrions-nous dire- susceptibles de permettre le dépassement de cet obstacle ? Le premier scénario est celui de la perpétuation du statu quo. Il existe, indéniablement, des pôles influents au sein du système qui verraient, d'un œil favorable, se prolonger le mode de gouvernance actuel. Fut-ce avec un Chef de l'Etat impotent. Ce serait, cependant, compter sans la conjoncture interne et externe. Au plan interne, il existe un fort potentiel de contestation sociale qui demande, seulement, un encadrement approprié. Au plan externe, en raison même de la défaillance du système de gouvernance publique, l'influence étrangère sur le cours des évènements en Algérie va de plus en plus s'affirmer .Il est impossible que le quatrième mandat de M. Abdelaziz Bouteflika se déroule normalement jusqu'à aller à son terme. Cette alternative est évoquée, donc, pour mémoire, seulement. L'autre scénario est celui de l'implosion du système en place. La capacité de contrôle de la société par les instruments publics de répression n'est plus d'une totale efficacité. Un soulèvement populaire impromptu que la police ne pourrait guère contenir est une hypothèse dont il faut, désormais, tenir compte. La récente campagne électorale a mis en relief l'état d'exaspération de la population contre des pouvoirs publics qui ne peuvent plus répondre à toutes ses attentes. Requérir l'armée pour rétablir l'ordre public, en tirant sur la foule au besoin, c'est un pari risqué qui conduirait, vraisemblablement, le casus belli. L'armée devrait, selon toute vraisemblance, refuser d'entrer en confrontation avec la population Le dernier scénario est celui de la transition démocratique. Il s'agit, plutôt, d'un processus qui suppose la conclusion d'un pacte national fondé sur une feuille de route comprenant, en premier lieu, la mise en place d'un gouvernement de salut national composé, pour la gestion des domaines de souveraineté, de personnalités indépendantes et de représentants de forces politiques disposant d'un vrai ancrage et ,pour la remise à flot de l'économie nationale, d'experts aux capacités avérées .Il devrait être procédé à la tenue d'une conférence nationale de la Transition débouchant sur l'adoption d'un « Pacte national ».L'élection d'une Assemblée Constituante devrait intervenir dans un délai de six mois. La Constitution devrait être adoptée par référendum dans un délai d'une année et demi. Après une mise à profit du délai, le champ politique et social pourrait se reconstituer durablement et permettre le déroulement d'une élection présidentielle, pluraliste et transparente, dans les trois ans. Il ne faut pas imaginer que M. Abdelaziz Bouteflika et le cercle qui l'entoure puissent se résigner à cette solution. C'est le peuple algérien soudé et mobilisé qui devra l'imposer. Les autres institutions et appareils, en premier lieu l'armée et les services de renseignement, se rangeront avec le peuple si celui-ci démontre sa puissance. Ce sera un processus légal, disons le haut et fort. Cette démarche requiert, cependant la présence d'une équipe soudée autour d'un homme qui, loin d'être un homme providentiel, serait un homme de rassemblement. Un dirigeant capable d'exercer un commandement éclairé qui jouirait de la confiance de la population et qui, caractéristique essentielle, disposerait d'une autorité morale avérée sur l'armée et les services de renseignement. Cet homme qui existe a pour nom Liamine Zeroual. Homme moral plutôt qu'homme politique, il est, totalement, habité par l'amour de la patrie. Réfractaire aux honneurs officiels, il s'éloigne de tout ce qui peut l'en rapprocher. Il faut espérer que se réveille en lui le soldat qui sommeille. Le destin de l'Algérie est entre les mains de cet officier Général en retraite dont le peuple algérien attend un sacrifice ultime. Mohamed Chafik Mesbah Politologue et officier supérieur de l'ANP à la retraite