In Hoggar Je suis étonnée que la réflexion de Noureddine Boukrouh n'ait pas suscité de réactions, ni engagé un débat. Comment un tel projet formulé par ce dernier et qui porte, excusez du peu, sur la réforme de l'islam, n'ait intéressé personne, que ce soit pour le critiquer ou pour l'approuver. Si l'auteur de cette grande idée me le permet, je me placerai, moi aussi, sous l'égide du hadith qui nous promet au moins une récompense, pour tout acte de réflexion même s'il échoue à convaincre. J'ai été agréablement surprise de lire qu'il qualifie sa réflexion de « modeste ijtihad » et qu'il ponctue, à la manière de Caton, tous ses articles sur le sujet par un vibrant « Wallahou â'lam » ! Mais la nature du bougre, il faut hélas, l'appeler ainsi pour cause de tromperie sur sa modestie, a vite repris le dessus et il nous assène que la réforme qu'il propose « est la seule chance qui reste à l'Islam ». Pas moins que cela ! Noureddine deviendrait-il, par cette extraordinaire réforme proposée, Mouhyeddine à la manière d'Ibn Arabi ? Que nous propose-t-il ? Quel est son moment d'Archimède ? A-t-il atteint les sommets auxquels est parvenu Nietzsche avec la découverte de l'Eternel Retour ? Sa grande réforme consiste à agencer les sourates du Coran selon leur ordre chronologique ! Ainsi, le musulman dont il fait un féroce portrait pourra rejoindre le statut des hommes des pays civilisés, certes après beaucoup d'efforts mais l'essentiel est qu'il ait été mis sur le bon chemin de la réussite. Non, ce n'est pas de la plaisanterie et notre homme est fort sérieux. Pour suivre son raisonnement et les objections qu'il subodore et qui sont éparpillés, la lecture de l'ensemble des six articles de sa réflexion est nécessaire. Lecture pénible à travers les imprécations dont il s'est fait une spécialité depuis toujours, n'évoluant pas d'un iota depuis quarante cinq ans, articles de jeunesse et de maturité ayant la même intonation juvénile, à travers de pales satires que renierait même notre bon Juvénal et d'interminables digressions montrant la difficulté à se concentrer sur le fond d'un sujet. Sa démonstration est fausse historiquement, psychologiquement et logiquement. Historiquement, il part du postulat que l'ordre du Coran fut modifié en 647 soit quinze ans après la disparition du Prophète. A l'avènement du calife Abou Bakr, le futur second calife Omar lui suggère de réunir le Coran en un « mashaf », c'est-à-dire une collation de feuillets composant ainsi un livre. La raison d'Omar étant le petit nombre de « hufaz » (4 à 9), les connaisseurs du Coran en entier par cœur. Il réussit à le convaincre et le travail fut confié à Zaïd (orthographié aussi à travers les articles Zayd ou Zeyd) ibn Thabit, un Ansari, scribe de la Révélation et un des « hufaz ». Ce dernier s'est récusé devant cette immense responsabilité mais Omar le persuade d'accomplir cette tâche. Une fois la collation terminée, le livre est confié à la fille d'Omar, Hafsa une des épouses du Prophète. Ce livre est connu sous le nom de « mashaf Hafsa ». Ni le premier calife ni le second ne songèrent à imposer cette recension à la Communauté et d'autres recensions circulaient librement, celle d'Ali, le futur quatrième calife ou celle d'Ibn Masoud. A son avènement, Othman, le troisième calife décide de doter la Communauté d'une vulgate unique et fait appel à Zaïd et à trois autres Compagnons connus pour leur connaissance du Coran et c'est cette commission qui prit la lourde responsabilité de modifier l'ordre du Coran. Toutes ces assertions, mêlant le vrai au faux, sont assénées sans aucune référence. Voyons maintenant ce qu'en dit un des plus grands spécialistes du Coran, le Professeur Mohammad Hamidullah dans sa traduction et commentaire du Saint Coran, Amana Corporation, Bentwood (Maryland, USA), 1989. En ce qui concerne l'initiative d'Omar. A la mort du Prophète, certains tribus refusèrent de payer la zakat et d'autres rejoignirent le faux prophète Musaïlima le Menteur enclenchant ainsi les guerres d'Apostasie (« houroub ar-ridda »). Le calife Abu Bakr ordonna une expédition contre l'armée qu'ils levèrent et qui vit un grand nombre (la tradition cite le chiffre de 700) de Connaisseurs du Coran (ceux qui en avaient mémorisé une grande partie) se sacrifiaient pour remporter la victoire. Dès le début de la Révélation, le Prophète a tenu à la sauvegarder par un double système, l'écrit et la mémoire. Et c'est la peur de voir la seconde disparaître qui a amené Omar à demander de renforcer le premier par une collation des feuillets du Coran (p XIV). Pour ce qui est de l'initiative d'Othman. Sa décision fut motivée par le fait que dans l'armée qui combattait dans le sud de l'actuelle Turquie, les musulmans venus de Syrie et ceux venus d'Irak avaient des lectures différentes du Coran et que cela créait des frictions (p XIV). Ces lectures différentes étaient dues aux différences existants dans les dialectes arabes utilisés alors et à la grammaire arabe non encore établie et ils n'existaient pas de recension (au sens compilation totale) du Coran, ni d'Ibn Masoud, ni d'Ali (p XXIX). Il est remarquable que la nouvelle recension ordonnée par Othman et confiée au même Zaïd ibn Thabit fût identique à la première recension conservée dans le « mashaf Hafsa ». D'ailleurs notre homme se garde bien d'évoquer cette comparaison car cela lui aurait sauté aux yeux que sa démonstration débouche sur une aporie, une contradiction. Si le « mashaf Hafsa » et la recension faîte sous le califat d'Othman étaient identiques, il aurait incriminé aussi les deux premiers califes, ce qu'il nie vouloir faire, et que ce soi-disant bouleversement de l'ordre des sourates n'aurait plus que 2 ou 3 ans et non 15 ans comme il l'avait proclamé. Sinon, comme c'est le même Zaïd qui a présidé aux deux recensions, c'est qu'il aurait porté atteinte à l'agencement du Coran de manière délibérée, pour quelque raison obscure, et il ne serait pas l'homme intègre et scrupuleux qu'il nous décrit. En ce qui concerne le refus d'Omar de doter la Communauté de la recension entreprise, Hamidullah s'inscrit en faux de cette assertion : « Omar songea à publier une édition officielle, mais mourut avant de le faire » (p XV). Examinons maintenant le fond du problème, l'ordre du Coran et ce qu'en dit Hamidullah. « ... Muhammad n'a pas voulu une codification mécanique, par ordre chronologique, des révélations, mais un ordre qui donne aux passages une suite logique, et un développement cohérent, selon le style particulier du Coran... » (p XIII). « Les certificats d'études coraniques attestent toujours que l'ordre actuel des sourates est en provenance du Prophète. Le grand savant classique de Médine, l'Imâm Mâlik est formel là-dessus : la suite actuelle des sourates a été ordonné par le Prophète (p XV). Il nous rapporte aussi un fait que beaucoup ignorent : « ... quelques années avant l'Hégire, lorsque les Médinois ont commencé à venir à La Mecque pour embrasser l'islam, Rafi' ibn Mâlik az-Zurqî rencontra le Prophète à l'Aqabah, et celui-ci lui remis une copie de tout le Coran révélé jusqu'alors, et Rafi' avait l'habitude de la psalmodier dans la mosquée de son quartier à Mèdine, la première mosquée où on le fit » (p XIV) Psychologiquement, comment expliquer qu'un homme comme Zaïd, scribe de la Révélation, un des « hufaz », et qui assista à la dernière collation (‘arda) du Coran qui eut lieu peu de temps avant la disparition du Prophète -faits repris par Noureddine Boukrouh- a-t-il pu changer ou cautionner le changement de l'ordre des sourates du Coran ? Surtout que l'homme est aussi connu pour ses grands scrupules puisque pour réunir simplement le Coran, il fut pris d'effroi car le Prophète ne l'avait pas fait pour le Coran en entier (fait encore une fois admis par l'auteur de la « réforme » proposée). Comment expliquer aussi que des musulmans qui allaient engager la plus grave discorde («al-fitna al-koubra») au sein de la Communauté en 656 pour des raisons politiques, avec l'assassinat du calife Othman, soit moins de 10 ans après la recension du Coran tel que nous le connaissons, ne se soient pas manifestés si jamais il fut touché au texte fondateur de l'islam, ne fut-ce que son ordre dans le « mashaf ». Et ce n'est pas l'incroyable explication qui nous fut donnée en écrivant que c'était par esprit de tolérance (sic). Aucun adepte d'aucune doctrine, quelle qu'elle soit, n'aurait accepté qu'il fût touché aux écrits fondateurs de la doctrine. Leur souci légitime est l'authenticité des sources de leur doctrine et n'a rien à voir avec une quelconque intolérance. A part le leitmotiv sur « le Coran, lu à l'endroit », Noureddine Boukrouh nous propose de plaisantes logiques pour étayer « sa réforme ». La première concerne la règle des trois unités (unité de temps, unité d'action et unité de lieu) qu'il nous certifie « valable pour tout ouvrage, divin ou humain ». Or cette règle fut codifiée pour le théâtre classique surtout français du XVII ème siècle. Boileau dans l'Art poétique nous la résume en ces vers : Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. Cette règle fut très vite contestée par les romanciers. Sans oublier que le Coran n'est pas un livre mais des règles d'édification édictées par Dieu dans tous les domaines de la vie de l'individu et de la société. A moins que Noureddine Boukrouh ait en tête le Pentateuque, les cinq premiers livres de la Bible qui narrent surtout la généalogie des israélites depuis la « création ». Bennabi a classé les tendances à l'œuvre dans le monde musulman en mouvement réformateur et mouvement moderniste, classification qui reste encore d'actualité. Le mouvement moderniste prend ses inspirations dans l'univers culturel occidental pour juger l'Islam. C'est en cela que l'auteur du lire le Coran « à l'endroit » n'est que le dernier avatar du moderniste. Nous le voyons pour sa promotion de la laïcité, terme insensé dans des sociétés musulmanes, mais aussi dans son cri éperdu d'amour jusqu'à la pâmoison pour les manifestations françaises du 11 janvier dernier alors que l'anthropologue connu Emmanuel Todd y a vu une fracture entre d'une part les classes moyennes qui y ont participé et d'autre part les classes populaires et les jeunes des banlieues qui les ont boudées. Il nous dit aussi que si un auteur venait à confier à un imprimeur son ouvrage et que ce dernier venait à modifier les chapitres de son ouvrage, il en changerait le sens pour ne pas dire qu'il le rendrait incompréhensible. Pour un livre relatant une histoire linéaire, comme dans les livres du Pentateuque par exemple, mais pas dans un livre qui poursuit un autre but, celui d'une édification idéologique par exemple. Je prends un cas qu'il peut comprendre, puisqu'il a commis une biographie de l'auteur, celui du livre de Bennabi, le Problème des idées. Il se compose de 17 chapitres et il peut être lu dans n'importe quel ordre sans que cela n'altère en aucune façon sa compréhension et sa portée édificatrice et pédagogique car ils sont complètement indépendants, tout comme les sourates du Coran et les liens entres les différents chapitres de l'ouvrage et du Livre n'ont rien à voir avec la chronologie pour constituer un Tout. Maintenant un argument des plus bizarres. Mais oui cela se peut encore et il l'a perpétré. Il reconnait que l'islam a été le vecteur d'une grande civilisation. Or le musulman des premières heures de la civilisation arabo-islamique a été formé par le Coran tel que nous le connaissons, puisque d'après lui l'ordre a été inversé seulement 15 ans après la mort du Prophète. Comment se fait-il dans ces conditions que cette civilisation fût une des plus brillantes que l'homme ait bâtie ? Pourquoi le Coran tel que nous le connaissons ne peut pas réussir une deuxième fois ? Notre homme sent la terre se dérober sous ses pieds et il s'en tire par un argument spécieux : mais pardi c'est « par la suite du « tafsir » (exégèse) qui en a découlé (entendre l'exégèse à partir du Coran « à l'envers ») que des aérofreins ont été installés limitant sa liberté de pensée (au musulman) et son rayon d'action ». Il aurait dû déduire logiquement que c'est à cause du « tafsir » et non de l'ordre du Coran que le problème existe. D'ailleurs ne s'embarrassant d'aucune contradiction, il plaide par ailleurs pour un nouveau « tafsir » nécessaire « à chaque palier des connaissances humaines » réalisé par une élite maîtrisant le savoir ancien et le savoir et la science modernes. A ce galimatias, j'aurais pu opposer seulement en quoi l'ordre chronologique est important. La réponse nous est fournie par lui-même : « ... si l'ordre chronologique avait été gardé, n'importe qui, même le non-musulman, aurait pu accéder avec plus de facilité au sens propre et figuré des versets ». Le rajout de « avec plus de facilité » n'est qu'une figure de style. Question à deux sous : qui empêche n'importe qui et même le non-musulman de comprendre le Coran puisqu'il peut le lire dans l'ordre chronologique. Les savants musulmans nous ont permis de connaître l'ordre chronologique et même si tel ou tel verset est mecquois ou médinois. Il nous a promis des exemples édifiants mais il a été incapable d'en produire réellement un seul. S'il estime que les littéralistes sont influencés par les sourates médinoises, celles qui inspirent une société dans tous les domaines y compris dans celui de la guerre car elles sont les plus longues et elles sont les premières dans le Coran tel que nous le connaissons. En quoi cette influence diminuerait-elle si ces mêmes sourates sont situées à la fin du Coran ? Finalement, cette sortie ne prêterait qu'à rire s'il n'y avait pas un souci de créer une nouvelle confusion dans l'esprit des musulmans. Je vais essayer d'en cerner quelques aspects. Noureddine Boukrouh nous propose ingénument de changer notre vision de Dieu en nous expliquant que les religions monothéistes révèlent deux visions : un Dieu de l'univers, Maître et Créateur de tout et un Dieu de l'Histoire, c'est-à-dire un Dieu agissant dans le monde. Bien sûr cette vision est loin d'être nouvelle. La langue française se sert de deux sources pour forger ses concepts : la langue latine et la langue grecque. Pour distinguer les visions entre un Dieu en dehors du monde et un Dieu agissant dans le monde, elle nomme le premier déisme, du latin deus, dieu et le second théisme, du grec théos, dieu. Certains philosophes ont développé la notion de déisme. Aristote, par exemple, concevait Dieu comme le Premier Moteur immobile, cause de toutes les causes. L'immobilité provient justement de son non-agir dans le monde. Nous avons un autre exemple en Voltaire pour qui Dieu est l'Horloger du monde c'est-à-dire qu'Il a créé le monde et ne se soucie plus de son devenir. La Révolution française, violemment antichrétienne, à cause de l'influence de certains Encyclopédistes et aussi au lien entre l'Eglise et la monarchie qui a empêché la réussite de la constitution civile du clergé, a instauré un culte déiste qui a fait long feu avec le culte de l'Etre Suprême et la folklorique adoration de la Déesse Raison. Le pauvre homme n'a-t-il pas été mis au courant de la mort peu glorieuse du déisme qu'il nous ressert comme un plat insipide réchauffé ? Insipide parce qu'il ne s'adresse qu'à l'esprit, à la raison, en oubliant l'âme, le cœur. Vision transcendante oublieuse de l'immanence, où un célèbre verset du Coran nous révèle que Dieu est plus proche de nous que notre veine jugulaire. Une des caractéristiques de l'islam est ce mélange subtil entre transcendance et immanence. Le « tawakoul » (placer sa confiance en Dieu) est une autre notion fort malmenée. Au début de la chevauchée islamique, le « tawakoul » était synonyme de la parole de Guillaume d'Orange-Nassau, « il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Le sens d'espérer dans cette phrase qui est devenue un adage, est celui d'une acception statistique c'est-à-dire agir même si la probabilité d'atteindre le but fixé est faible. Il relève du sentiment tragique de la vie où l'homme se doit d'agir sans qu'il soit maître du résultat de son action. La Prédestination, développée chez les protestants aurait pu les pousser au fatalisme et au non-agir et ce fut exactement l'inverse. Cette communauté était en phase ascendante sur le plan du développement matériel. Et d'une vision handicapante, le sort de l'homme est déterminé à l'avance sans que ses œuvres y soient pour quelque chose, il en a fait un atout en se persuadant que la réussite matérielle est la manifestation de l'élection divine. Noureddine Boukrouh n'a aucune notion du sens historique si cher à Bennabi. L'enseignement de ce dernier montre que l'éthos d'une société est lié à la phase civilisationnelle dans laquelle elle se trouve. Si le « tawakoul » dans la phase de décadence pousse au fatalisme, dans la phase de croissance, il accroit le dynamisme de son action en ne lui bornant plus son horizon. Celui qui veut changer nos visions de nous-mêmes et du monde ne nous sert, en fin de compte, que certains poncifs forgés par l'Occident, depuis qu'il a pris conscience de lui-même vers le milieu du XI ème siècle, comme le fanatisme et la violence des musulmans. Il estime que c'est le résultat d'une exégèse littéraliste du Coran apparue au XII ème siècle. Il est bizarre qu'il accuse cette dernière d'affirmer qu'on ne peut croire en une partie du Coran et mécroire en une autre alors que c'est le Coran qui l'affirme (II, 85). Il n'a pas le courage d'un Soljenitsyne, qui fut le premier communiste à récuser sa propre idéologie en n'attribuant pas ses échecs à une malignité de l'histoire qui mit Staline au pouvoir mais y vit ses prolégomènes dans l'action de Lénine et l'œuvre de Marx, c'est-à-dire des pères fondateurs. Pour corroborer ses dires il nous cite les versets suivants que nous comparerons à la traduction de Hamidullah et en les liant, si besoin est, avec la tonalité générale de la sourate. Il ne trouvera dans le Coran aucune exhortation à l'agression et encore moins au meurtre de masse. Uniquement une légitime défense et un châtiment pour les agresseurs qui souvent est tempéré par le pardon. Par contre, s'il en cherche, je lui conseille de lire cet édifiant verset connu de la Bible, livre vénéré par les israélites comme par les chrétiens : « Alors Josué parla à l'Eternel, le jour où l'Eternel livra les Amoréens aux enfants d'Israël ; Soleil, arrêt-toi à Gabaon, et toi lune, sur la vallée d'Ajalon. Et le soleil s'arrêta, et la lune suspendit sa course jusqu'à ce que la nation eût tiré vengeance de ses ennemis (...) l'Eternel combattait pour Israël ; » (Livre de Josué, 10). Tiré vengeance est un euphémisme pour dire massacre de la population entière, enfants, femmes et vieillards compris. Ceci est à méditer pour ceux des Occidentaux qui croient toujours en leur religion. Quant aux autres, pour qui cela n'est plus qu'une vague culture ou un mauvais souvenir, ils n'ont qu'à se souvenir du terrifiant bombardement de Dresde dans la nuit du 13 au 14 février 1945 par plusieurs centaines de forteresses volantes anglo-américaines et qui fit plus de 200.000 morts, pour la plupart civils. A la sauvagerie des bombardiers s'ajoutaient celle des pilotes de chasse qui mitraillaient les civils qui fuyaient ainsi que les ambulances. Peut-on aussi oublier les bombes atomiques lancées par les américains sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945 provoquant la mort d'environ 250.000 morts dans d'atroces conditions. Encore une fois la plupart des morts sont des civils et la justification militaire de ces massacres, l'Allemagne et le Japon étaient au bout de leurs forces. Que dire alors de la guerre à outrance faite aux vietnamiens et à leur forêt (bombes incendiaires au napalm, défoliants à l'agent orange).Pour ne pas alimenter cette fausse idée de persécution alors qu'il s'agit d'une véritable agression, je passerai rapidement sur les agressions contre l'Afghanistan avec les nombreux bombardements collatéraux sur les civils et contre l'Irak avec l'utilisation massive des munitions à uranium appauvri occasionnant de nombreux décès parmi les civils et laissant de graves séquelles dont les conséquences apparaissent tous les jours. N'en déplaise à Noureddine Boukrouh, l'islam codifie aussi la guerre qui fait partie des activités humaines jusqu'à nos jours et interdit formellement la guerre contre les civils et d'une manière générale contre tous ceux qui ne participent pas à l'effort de guerre comme il interdit les destructions de l'environnement. Par ces exemples, j'ai voulu démontrer sa mauvaise foi lorsqu'il compare un vécu musulman, certes critiquable par les temps qui courent, à une idéalité occidentale qui n'existe que dans les livres et l'esprit de personnes comme lui. Des auteurs occidentaux non musulmans ont voulu, par contre, voir dans les valeurs musulmanes une solution à la « crise du monde moderne ». Je citerai deux auteurs, certes peu connus mais dont la tonalité des propos est édifiante. Le premier, Raymond Lerouge, auteur d'une Vie de Mahomet, livre publié en 1939 à la veille de déflagration mondiale, estime qu'au « frémissement qui l'agite sous l'impulsion d'hommes nouveaux, il est facile de constater qu'une adaptation des principes coraniques aux exigences de la société moderne est en train de s'élaborer : obstacle à l'extension des deux autres systèmes révolutionnaires [le libéralisme et le communisme] et, peut être, synthèse originale destinée un jour à remédier à leur échec commun ». Le second, Julien Maucade, auteur de l'Islam : une victoire inéluctable, livre publié en 2011 où il expose que « [la] crise des valeurs du monde occidental donne à l'Islam en tant qu'alternative un fort attrait. La défaite de l'Occident n'est pas matérielle, c'est la défaite d'une pensée qui n'arrive plis à saisir le monde dans lequel il évolue... L'idéologie qu'offre l'Islam forte d'une expérience de plusieurs siècles comme solution aux crises de société semble pertinente dans le contexte actuel. La croyance en un Islam qui serait une alternative idéale en est renforcée. La religion musulmane, fondée sur le livre révélé présente par sa langue une spiritualité et des valeurs qui semblent la solution au délitement du lien social ... L'Islam apparaît comme la seule idéologie capable d'affronter le Capitalisme parce que lui seul remplirait le vide conceptuel du monde moderne.» Noureddine Boukrouh nous ramène à la deuxième moitié du XIX ème siècle, époque du scientisme triomphant. Epoque qui a fait croire que la science, sortant de son cadre explicatif des phénomènes humains, mère de la technologie, allait donner un sens à l'aventure humaine sur terre. Il vit un doux délire et ce n'est pas en faisant l'inventaire des nouvelles sciences et en se pâmant encore une fois qu'il en sortira. Une auteure, Véronique Le Ru qui a étudié la question dans l'ouvrage la Science et Dieu, entre croire et savoir, publié en 2010, nous explique : « Selon le critère d'objectivité [formulé par Galilée et Descartes au XVII ème siècle](...) la science se pose en s'opposant au raisonnement finaliste (...) le propre de la science est son refus de se demander « pourquoi », « à quelles fins »... [il est] de privilégier le questionnement sur les modes de production : comment les phénomènes se produisent-ils ? » Il me rappelle le prophète Ibrahim, dans le très beau passage du Coran, dans sa quête de Dieu. Sauf que le prophète s'éloigne très vite des faux dieux pour aller vers l'Unique, le Seul Existant. Quant à lui, il se fourvoie dans des croyances mouvantes des hypothèses scientifiques. Un exemple : il écrit que les « trous noirs dans l'existence est avérée et quantifiée » au même moment où l'astrophysicien Stephen King, qu'il cite par ailleurs, et qui est l'auteur de la théorie des trous noirs venait de la remettre en cause. Il a l'outrecuidance de se présenter aux lecteurs comme un homme neuf n'ayant aucune responsabilité dans l'état désastreux du pays et critiquant vertement les dirigeants politiques. Alors qu'il s'est mis à leur service dès le coup d'état du 11 janvier 1992, puis après une brouille passagère pour cause de non obtention de poste, il devint en 1994-1995 le pion d'une manœuvre dont le but est de revenir aux élections truquées après le séisme des législatives du 26 décembre 1991. La récompense fut un maroquin ministériel pour sa formation et des places dans le parlement croupion, le CNT. En 1997, il se voulut l'éminence grise du régime en écrivant un long article sous forme de livre, l'Algérie entre le mauvais et le pire. Depuis les émeutes d'octobre 1988, le régime ne prétendait plus, en effet, être la meilleure chose qui puisse advenir pour le pays mais la moins mauvaise possible. En 1997-1998, il participe aux querelles du sérail pour aider un clan à se débarrasser d'un autre. Sa récompense fut sa nomination comme ministre pendant plus de 5 ans, de Janvier 2000 à mi-2005. Il utilise ad nauseam le terme terrorisme qu'il se garde bien de définir pour disqualifier ceux qu'il n'aime pas. Ce mot est porteur d'une charge tellement négative qu'il a supplanté celui de criminel utilisé jusqu'alors. Non que terrorisme ne fut pas utilisé, puisque, par exemple, lors de la seconde guerre mondiale, les Allemands l'affublèrent aux français de la Résistance qui a leur tour en accusèrent les moudjahidine algériens lors de la guerre de libération. Mais il n'était pas porteur de cette aura magique et maléfique qu'il possède actuellement et qui interdit toute réflexion. Ce tour de force fut l'œuvre d'Israël qui, avec la complicité active de gouvernements et médias occidentaux, s'en servit pour disqualifier le combat des Palestiniens. Il est utilisé par tous les gouvernements illégitimes, et principalement musulmans qui s'en emparèrent pour lutter contre leurs adversaires qui ont choisi la voie de la lutte armée quand celle de la lutte politique fut interdite. Leur survie politique vaut bien une connivence de larrons avec le sionisme. Le regretté Abdelhamid Mehri, a fort bien compris cette situation, lui qui était alors secrétaire général du FLN et qui parlait d'opposition armée. Il ne fut pas étonnant que Noureddine Boukrouh s'en prenne à lui. La BBC est un des rares médias occidentaux à refuser d'appliquer le mot terrorisme à tout va. Ecoutons le chef de son service arabophone : « « Nous savons ce qu'est la violence politique, nous savons ce que sont des meurtres, des attentats et des fusillades et nous pouvons les décrire. Et cela explique bien plus de choses, à nos yeux, que d'utiliser le mot ‘terroriste' ». Il rappelle aussi que l'ONU a bataillé pendant une décennie pour définir ce qu'est le terrorisme sans réussir à y parvenir. En France le code pénal le définit par tautologie : « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur... » (art. 421-1). En quelque sorte le terrorisme est l'utilisation de la terreur. Comme si toute atteinte aux personnes et aux biens n'occasionnaient pas de la terreur. Alors pourquoi utiliser ce mot ? La réponse est idéologique. Disqualifier un adversaire, un ennemi et empêcher tout dialogue. Ce qui peut se comprendre pour le sionisme qui prône la guerre à outrance et qui se refuse à toute véritable discussion estimant que sa survie ne peut se concevoir que dans une lutte permanente contre les musulmans et que sa pérennité est au prix d'un affaiblissement perpétuel des musulmans. Il a enrôlé pour ce projet bon nombre de pays occidentaux malgré que leur intérêt ne soit pas évident et compte sur la complicité active et passive des pouvoirs illégitimes musulmans et de leurs plumitifs à l'instar d'un Noureddine Boukrouh.