Quand l'histoire crie : justice ! Quand la mémoire clame : vérité ! Quand le crime avoue son crime Quand l'espoir renaît de la victime Quand de la victime renaît le printemps Des justes parmi les justes Ni le non-lieu, ni la raison sécuritaire d'Etat, toutes les raisons sécuritaires d'Etat, ne peuvent entraver cet élan de libération de nos mémoires collectives du poids des non-dits. Depuis cette journée funeste du 7 avril 1987 où fut assassiné Maître Ali Mécili, porte-parole de l'opposition algérienne, sur le sol français, sur ordre des services secrets algériens et par l'un de leurs chargés de mission, les années sont passées. Hélas, l'impunité demeure. Cependant, notre détermination à faire triompher l'idéal démocratique de Maître Ali Mécili ne fait que se raffermir. Ceux qui ont misé sur le temps comme élément stratégique pour nous imposer un non-lieu de mémoire visent à assassiner, en nous, jusqu'à l'idée d'une citoyenneté algérienne, maghrébine et méditerranéenne, humainement renouvelée. Cher Ali, Tu nous as appris à aimer l'Algérie, à porter à-bras-le corps les aspirations profondes de notre peuple, à nous forger comme militants des causes justes, des militants pour lesquels le militantisme n'est ni un statut, ni un fonds de commerce. Tu nous as appris que militer, c'est se battre au quotidien pour transcender ses propres limites, se renouveler à chaque épreuve, faire de ses propres blessures des sources de résurrection de nos espoirs et, sans cesse, réapprendre à être militant humble parmi les enfants du peuple, ce peuple que tu as choisi de servir, n'en déplaise à ceux qui n'ont eu de cesse de vouloir l'asservir. Aujourd'hui encore, en ce moment même, tu es parmi nous. Tu l'es plus que jamais ! Toi, le Jugurtha du combat démocratique en Algérie, nous te disons dans la langue que tu as tétée au sein de ta mère : « Yella wemdan yella ulac-it. Yella wemdan ulac-it yella. » Kečč a dda Ɛli, ɣas ulac-ik telliḍ Cher Ali, Tu nous as enseigné que tout combat pour les libertés démocratiques, dans notre pays, commence par l'impératif de décoloniser l'histoire. Du moins, c'est ce que tu préconisais pour toute démarche de définition du peuple des femmes et des hommes libres, le peuple amazigh dont nous sommes fiers d'être les enfants. Nous devons à la vérité, aujourd'hui et en ta présence, de faire le constat critique de la situation que vit notre pays. Une situation des plus préoccupantes : La néocolonisation de l'histoire, les bipolarisations traumatiques, les antagonismes régionalistes, les stratégies de chaos local, la mobilisation massive des peurs et des appartenances identitaires primaires visant à réduire à néant tout conception d'une République algérienne garante des libertés individuelles et des libertés collectives, de l'intégrité territoriale et de la souveraineté nationale d'une Algérie riche de sa pluralité et heureuse de sa diversité, additionnés aux bouleversements que connait le Maghreb-Tamazgha, le Sahel, l'Afrique centrale et l'ensemble de l'espace méditerranéen, sont autant d'éléments porteurs de germes d'une partition sanglante de l'Algérie. A cela s'ajoute une daéchisation sécuritaire, maintenue (pour le moment ?) au stade « résiduel ». Cher Ali, Le pouvoir algérien que tu as combattu de toute ton énergie se mure à considérer toute initiative politique, toute dissidence citoyenne s'inscrivant hors de ses hordes claniques, comme une déclaration de guerre. Arrestations arbitraires, enlèvements, condamnations cyniques et iniques, menaces de mort, agressions physiques, actes de vandalisme par des groupes de fous furieux encadrés par des agents de la police politique, techniques de transformation de toute manifestation citoyenne autonome en émeute afin de faciliter leur répression et, en suite, leur insertion dans les luttes claniques, tel est le lot quotidien des algériennes et des algériens qui, malgré tout, continuent à se battre pacifiquement. Face à la dureté de cette réalité, que faire ? Cher Ali, Tu as toujours fait tiennes les vertus de la pluralité. Le 22 mars 1987, lors d'une Assemblée générale du MDA, à laquelle tu as assisté en tant que représentant du FFS, tu déclarais : « Nous disons que la pluralité d'aujourd'hui est la garantie de la pluralité de demain. C'est-à-dire que c'est aujourd'hui, dans le respect de l'indépendance et de l'autonomie de chaque parti politique, de chaque mouvement, que nous créons les conditions de la démocratie de demain. C'est dans la mesure où nous pouvons prouver au peuple algérien, d'abord, et au monde entier, en suite, que nous sommes capables de nous accepter avec nos mutuelles différences, que nous sommes capables de débattre librement avec nos divergences-et Dieu sait qu'il doit y avoir des divergences y compris au sein même de nos propres mouvements- c'est dans cette mesure seulement que nous deviendrons crédibles.» Ce message est, aujourd'hui plus qu'hier, d'actualité ! Il l'est d'autant que le pouvoir algérien s'est évertué à se tailler une opposition officielle assurant le service après-vente clanique. Ses agents de la police politique et ses relais de la mafia nationale et de la mafia locale, quant à eux, se sont investis dans l'atomisation des différentes composantes de la société algérienne et la généralisation d'une corruption normalisée. Ainsi, le pouvoir algérien propose la corruptibilité comme matrice de maintien d'un statu quo suicidaire. A l'évidence, l'angélisme politique ne peut, en aucun cas, constituer une alternative à un régime de brigands, autoproclamés tuteurs de notre peuple et dépositaires des richesses de notre pays, de son passé, de son présent et de son avenir. Un avenir que ces bandits des chemins étroits de leurs calculs sordides, ces criminels contre l'humanité, ces promoteurs du POLITICIDE en Algérie subordonnent à leurs appétits affreusement voraces Cependant, cher Ali, N'est-il pas vrai que notre peuple en a vu d'autres ? A chaque épreuve, le peuple algérien fait preuve d'un attachement viscéral à l'intégrité territoriale de notre pays et à son indépendance, à cette terre que nos illustres aînés, comme toi, ont abreuvée de leur sang. Cette fois-ci, l'exemple nous vient des habitants d'In Salah. La mobilisation citoyenne et pacifique des algériennes et des algériens de cette région contre une exploitation criminelle des gaz et pétrole de schiste a , une fois de plus, mis à nu la lâcheté des différentes composantes claniques du pouvoir algérien. La dissidence citoyenne des habitants d'In Salah fait face à une machination tendant à faire de cette région une succursale de guerre géostratégique à dimensions régionale et internationale. Une guerre où des puissances étrangères s'affrontent par clans au pouvoir interposés. Cette dissidence nous rappelle l'impératif de nous engager, dans le respect de nos différences, pour une nouvelle construction de la citoyenneté algérienne. Une citoyenneté plurielle, humaine, profondément enracinée dans le Maghreb-Tamazgha et dans l'ensemble de l'espace méditerranéen. Cher Ali, Sans la vérité et la justice, aucun combat-aussi noble soit sa cause- ne peut être crédible. Aujourd'hui, avec la force des convictions que ton combat et celui de tous nos illustres aînés, comme toi, ont enracinées en nous, nous réclamons : Vérité et justice sur ton assassinat ! Vérité et justice sur tous les assassinats politiques en Algérie ! Vérité et justice pour les martyrs du FFS et tous les martyrs de la Démocratie en Algérie ! Vérité et justice pour les 200 000 morts et les 20 000 disparus ! Vérité et justice pour les victimes du 8 octobre 1988 ! Vérité et justice pour les victimes de la machination criminelle qui a ensanglanté la Kabylie en 2001 ! Vérité et justice pour les victimes des tueries de Ghardaïa ! Vérité et justice pour toutes les victimes des stratégies de chaos local ! Cher Ali, Qim di lehna, Repose en paix, Vive l'Algérie algérienne, Vive la démocratie, Gloire à nos martyrs. Un groupe de démocrates de l'immigration : Mouhoub NAIT MAOUCHE Tahar KHALFOUNE AMGHID Ali AIT DJOUDI Essaid AKNINE Hacène LOUCIF