ALGER CORRESPONDANCE – par Amir Akef Le nationalisme économique est de retour en Algérie. Le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé, le 8 septembre, que les banques étrangères exerçant en Algérie seront contraintes de consacrer une partie de leurs fonds à l'investissement productif, et pas seulement au soutien des importateurs ou à la promotion du crédit à la consommation. L'activité des banques étrangères se concentre sur le crédit automobile, qui a explosé ces derniers temps, au point d'amener le gouvernement à instaurer une taxe supplémentaire sur la vente des véhicules. Cette mesure complète une série de décisions durcissant, depuis un mois, les conditions d'investissement et de transferts des capitaux. Elles font suite à un discours du chef de l'Etat exprimant sa déception, en juillet, à l'égard des résultats peu probants des facilités accordées aux investisseurs étrangers. Ceux-ci sont accusés de ne pas créer d'emplois – ou fort peu -, de ne pas permettre de transfert de savoir-faire ou de technologie et de ne pas accroître la production. En revanche, les entreprises étrangères auraient effectué de substantiels transferts de bénéfices vers l'étranger. L'économiste Abdelhak Lamiri, directeur de l'Institut international supérieur de management d'Alger, a fait grand bruit en chiffrant ces bénéfices à 7 milliards de dollars pour l'année 2007 et en indiquant qu'ils pourraient avoisiner les 50 milliards dans les quinze années à venir. Cette estimation a été contestée à Alger, mais elle a provoqué un redoublement des critiques dans la presse à l'encontre des autorités accusées d'accorder une importance excessive aux investisseurs étrangers dans la relance de l'économie. Message entendu par le gouvernement qui a décidé, le 1er septembre, d'introduire dans le projet de loi de finances 2009, une taxe de 15 % sur le rapatriement par les filiales étrangères de leurs bénéfices, jusque-là exonérés d'impôt. D'autres contraintes ont été annoncées, comme un droit de préemption de la puissance publique sur les entreprises cédées par des étrangers ou des nationaux, ou bien encore l'obligation que l'Etat détienne au moins 51 % dans les projets d'investissement engageant les fonds publics. Ce regain d'interventionnisme a été en partie motivé par l'acquisition d'Orascom Cement (du groupe égyptien Sawiris) par Lafarge, en décembre 2007, pour un montant de 8,8 milliards d'euros. A la faveur de cette transaction, le groupe Lafarge s'est retrouvé propriétaire de deux cimenteries en Algérie, situées à Sig et à M'Sila, pour lesquelles d'importantes exonérations fiscales avaient été accordées à Orascom. L'affaire n'avait rien d'illégal et c'est là que le bât blesse. Lafarge a pu s'implanter en Algérie à la faveur d'une opération qui court-circuitait l'Etat algérien. Ce changement de règles du jeu risque de brouiller un peu plus l'image de l'Algérie auprès des investisseurs étrangers et de compliquer son dossier d'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Amir Akef Article paru dans l'édition du 20.09.08.