Pour la première fois, la date du 19 mars 1962 est célébrée officiellement en France. Alors que cet événement est le fruit d'une négociation où chaque partie a fait des concessions en vue de surpasser la crise franco-algérienne, la droite française –ce thème a été pendant longtemps le cheval de bataille de l'extrême droite –réagit violemment à l'initiative du président français, François Hollande. Leur chef de file, Nicolas Sarkozy, voit en cette date une offense à la République, car, selon lui, une partie de la population française continue à l « considérer comme une défaite militaire de la France », écrit-il dans une tribune publiée par le journal « Le Figaro ». Pour avoir beaucoup lu sur la guerre d'Algérie –y compris les livres des partisans de l'Algérie française –, je n'ai jamais entendu une telle thèse. En fait, aucun historien sérieux ne peut parler de la défaite militaire française, sinon tout l'ouvrage serait discrédité. D'ailleurs, au moment de la ratification des accords d'Evian, il y avait un demi-million de soldats français sur le terrain. Du côté algérien, plus de 80% des effectifs de l'ALN étaient bloqués aux frontières tunisienne et marocaine. En revanche, la défaite –et il y en a eu une –était une défaite diplomatique, voire politique. En effet, pour sortir du « bourbier algérien », pour reprendre l'expression gaulliste de l'époque, le plus célèbre dirigeant français, le général de Gaulle, a compris que la seule solution possible en Algérie était la négociation avec le représentant légitime du peuple algérien, le GPRA. De toute évidence, bien que le cessez-le-feu soit majoritairement approuvé par les deux peuples, français le 8 avril 1962 et algérien le 1er juillet 1962, il n'en reste pas moins que les tensions ne disparaissent pas pour autant. Si du côté algérien, les adversaires aux accords d'Evian redoublent d'intrigues en vue de renverser l'autorité légitime de la révolution algérienne, du côté français, les ultras se lancent dans le terrorisme urbain, la politique de la terre brulée et la planification de l'assassinat du général de Gaulle. Cinquante-quatre ans après les accords d'Evian, est-ce que la droite traditionnelle, qui se réclame de surcroit de l'héritage du général de Gaulle, n'assume plus le projet de paix réalisé par son meilleur représentant de l'époque en libérant le peuple algérien du carcan colonial ? À l'examen des positions des ses représentants actuels, Nicolas Sarkozy, Eric Ciotti, il semblerait que les calculs politiciens prennent le dessus sur les principes fondateurs de la philosophie gaulliste. En tout cas, la simple comparaison de la déclaration de Marine Le Pen avec les Sarkozystes montre que les positions ne sont pas si éloignées. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'héritage gaulliste fait de moins en moins recette. Ainsi, en considérant que la France du général de Gaulle était du mauvais côté de l'histoire, en ratifiant les accords de paix du 19 mars 1962, Nicolas Sarkozy remue le coteau dans la plaie. Pire encore, il remet en cause les 90,81% des suffrages exprimés en faveur des accords d'Evian lors du referendum métropolitain du 8 avril 1962. Pour conclure, il va de soi qu'avec les acteurs actuels, il serait difficile d'imaginer une issue politique à la guerre d'Algérie. Heureusement, au début des années 1960, la France avait à sa tête le général de Gaulle et la révolution algérienne était encore sous l'autorité du GPRA. C'est grâce à eux que le conflit a été résolu. Hélas, 54 ans après les accords de paix, les maximalistes des deux côtés de la méditerranée font tout pour que cette page douloureuse ne se referme jamais. Par Aït Benali Boubekeur