Durant les deux derniers mois, nous avons assisté aux plus surprenantes alliances : pouvoir et doucereuse opposition, députés ignorants, ministres craintifs et chefs de partis tremblotants se sont disputés l'honneur de défendre Chakib Khelil depuis son retour, et, éventuellement, le privilège de l'avoir défendu. Dans ce concours de toutes les absurdités, les lèche-bottes avaient un chemin nettement tracé pour passer commodément à l'action. S'il n'est pas chose aisée de découvrir les remèdes qui peuvent régénérer l'Algérie, une légère constatation suffit pour reconnaître les maux dont elle souffre, et le phénomène de chita en est un. Les adeptes de ce fléau sont, certes, très peu qualifiés pour soulever notre enthousiasme, mais ils sont tout de même assez guindés pour fixer notre attention. Depuis la fin du deuxième mandat de Bouteflika, précisément, depuis la révision de la constitution de 2008-aussi squelettique que la dernière- ce phénomène, étranger à l'Algérie, s'est fait jour. Ce qui est périlleux, c'est que ceux à l'origine de ce phénomène et ceux qui, par la suite, l'ont mené de main de maître courent le risque de ne pas savoir s'arrêter. Devant qui vont-ils courber l'échine en 2019 ? Auprès de qui vont-ils faire le dos rond ? A l'heure présente, ces lèche-bottes donnent au président de la république et au gouvernement de Sellal la certitude d'avoir avec soi l'opinion publique. Chose nécessaire pour le bon fonctionnement de la machine politique, spécialement à l'extérieur ; pour ne pas faire passer l'Algérie pour un Etat qui agit en dehors de la volonté du peuple, et dont les décisions vont à l'encontre de ses espérances. Qui d'entre nous ne se rappelle du fameux baisemain dont François Holland a eu droit lors de sa visite à Alger ? Ce faisant, on évite de donner l'argument aux associations internationales qui militent pour les droits de l'homme et de la liberté d'expression. On leur fait barrage en étalant de faux rapports, des sondages illusoires et de fallacieuses analyses émises par les journaux et les chaînes de télévision qui se sont donnés pour mission : soutenir fakhamatouhou. Et halte à celui qui, dans les médias étatiques, omet de précéder le nom de Bouteflika par un des titres réservés aux personnes anoblies. Les faits parlent trop haut pour revenir aux déclarations officielles qui chantent le tout va bien. Ces lèche-bottes, nous les avons vus à l'œuvre au départ en train de nous rappeler qu'un cerveau peut toujours fonctionner aussi bien, étant en mesure de courir comme un lièvre que dans l'impossibilité de faire simplement quelque pas, innocenter sans procès moult anciens ministres, réhabiliter Chakib Khelil, dire que la parfaite maîtrise de la langue arabe était accessoire pour remplir ses fonctions de premier ministre, que les politiciens français vivent une impopularité qui serait à l'origine de leur déclarations anti-Algérie, présenter tant de décents intellectuels comme des fumiers hérétiques, etc. Ainsi, de nos jours, se voir considéré par ces chaînes de télé comme un agitateur de mauvaise foi ou quelqu'un qui vise purement la déstabilisation du pays, ne peut que susciter en soi le sentiment d'être sur la bonne voie. Des médias qui n'ont toujours pas compris que les choses sont beaucoup trop sérieuses pour avoir l'amusement de créer des questions dont les réponses sont vétilles et qui ne peuvent rien apporter à l'œuvre du progrès. Des journalises et des politiciens qui, dans le désœuvrement, optent pour une attitude peu convenable : crier à la main étrangère. Décidément, tout est coup monté et conspiration contre l'Algérie. Chaque action visant le changement est une entente secrète au détriment du pays. Tous les penseurs libres sont des agents de l'ennemi. Chaque ligne écrite dans les journaux indépendants n'est que l'œuvre des vendus et crapules. Toute voix qui s'élève pour parler de l'article 88 est l'ouvrage des vauriens...Combien est à la fois burlesque et ridicule de se dérober non pas devant le danger, mais seulement devant son apparence ! Renoncer à étendre son influence, c'est consentir à la regarder s'affaiblir. Et c'est tout bonnement là qu'interviennent les chiyates ; ces hommes et ces femmes qui, à la bonne franquette, se voient militer non pas pour une Algérie meilleure, mais, de manière obscène, pour le maintien d'un régime qui a fait de l'Algérie l'une des terres les plus délaissées par les hommes alors qu'elle est l'une des plus favorisées et privilégiées par la nature. Un régime dont les acteurs principaux n'usent de leur droit que pour en abuser. Un gouvernement beaucoup trop occupé à installer le confort à ceux qui gouvernent pour se préoccuper du sort des gouvernés. Ne sont-ce pas là des pratiques qui préparent la colère des pauvres ? Pourquoi donc ces chiyates, continuent-ils à applaudir et soutenir un régime ‘paralytique' ? Et souvent même très farouchement ? Pourquoi se bornent-ils à apporter du réconfort à ce régime qui demeure sans activité constante d'une diplomatie appuyée et éclairée ? La réponse est à la fois claire et simple : Il y a là des intérêts de premier ordre ; à protéger et à étendre, des pactoles à mettre à l'abri des mauvais traitements ou de dangers et des sommes astronomiques à léguer. Les frères Bouteflika nous aiment-ils? En 1999, les Algériens ont abdiqué leur destinée entre les mains de Bouteflika qui avait toujours les yeux mal ouverts sur la gravité des évènements, produits de son entourage. C'est ainsi, que la direction a été confisquée par une caste qui a conduit l'Algérie à des ‘aventures' infructueuses, des pertes considérables, un malaise populaire toujours grandissant; fruit des crises qui n'en finissent pas et auxquelles on n'a toujours pas trouvé la queue d'une solution. Aujourd'hui, il faut avoir l'esprit bien étroit pour continuer à attendre des solutions de la part de ce gouvernement, car elles ne viendront jamais, et de toute évidence, il ne dépend pas de ce gouvernement d'éviter les crises qui pointent déjà le nez à l'horizon, et d'autres cataclysmes que nul ne saurait prévoir. Il est vrai que l'Algérien accuse toujours ses dirigeants, jamais lui-même, mais si l'on doit juger de la valeur du gouvernement de Sellal par les sentiments qu'il inspire aux Algériens, rien n'empêche de supposer que le régime actuel est en train de voguer vers sa fin sur un océan de dollars. Une fin qui sera le produit de ce sentiment d'aversion du peuple à l'égard d'un Bouteflika amoindri, joint à ces vagues aspirations vers un avenir meilleur. Et ce n'est qu'à ce moment là que se réveilleront peut être ces lèche-bottes, car ceux qui épousent ce genre de pratiques ne se réveillent que lorsqu'un ouragan roule, ou lorsqu'un grand coup est frappé dans les parages. Et si l'heure ne semble pas encore venue pour tenter quoi que ce soit, il n'est point interdit de s'imaginer déjà dans une Algérie fière qui vit en paix avec ses propres enfants et avec le reste du monde.