« Qu'est ce l'histoire, sinon une fable sur laquelle tout le monde est d'accord ? »1 Habitué à me désaltérer chez un de nos valeureux ainés voire parents qui se caractérise par la double casquette de brave moudjahid et d'intellectuel avéré, sachant majestueusement étancher ma soif par la source jaillissante de ses analyses percutantes tant des actualités politiques que culturelles… Je me souviens comme si cela datait d'hier de cette emblématique fable – si chère plus à IBN MOUKAFAA qu'à JEAN DE LA FONTAINE -, qu'il me raconta ! Une petite histoire d'animaux qui chatouille les oreilles des enfants, ayant farci leur draps pour le voyage dans le monde du sommeil, et titillent les esprits en éveil… En effet, dans le bon vieux temps utopique – si cher aux incurables nostalgiques – vivaient, en harmonie, des animaux partageant les délices d'une forêt dense qui enlaçait une savane immense…Tout semblait presque parfait, dans ce monde au temps de la parole animale, qu'on ne pouvait imaginer mieux comme paradis des bêtes ! Le lion et ses très proches collaborateurs ayant conçu tant l'organigramme de ce royaume de la faune et la flore que les devoirs et droits de chacun des sujets, coulaient des jours de douceur dans une quiétude dont l'image était métamorphosée comme paresse par les mirages… Les hyènes et les chacals, principaux origines du mal, complotant hypocritement sans râle, s'avisaient d'un plan tant pour instaurer la confusion que pour déstabiliser l'ordre établi pour d'éventuelles conquêtes de terrains de chasse, là où on ne tôlerait aucune de leurs traces ! Ils allèrent trouver un âne qui, rasant les ombres sombres, vaguait au gré de son herbe tendre. Ils le gratifièrent tellement d'éloges, comparant sa docilité à la sagesse, une vertu que ne pouvait distinguer un lion noyé dans la paresse !, qu'il finit par accepter leur invitation, surpris soudainement par une narcissique sensation, qui lui fait lever sa tête avec agitation, en dressant ses oreilles haut dans leur ciel en gestation… Ils lui présentèrent des plats dont l'herbe fut plus que succulent tout en lui versant à boire une eau au gout de fruits pourris et en demandant, avec son air de soi-disant sage, quel était ce breuvage ? Il eut comme réponse qu'il s'agissait d'un panaché de nectar de fruits des bois auquel seuls les sages ont droit et que dorénavant il ne boira plus de l'eau des étangs mais plutôt de cette eau-de-vie à la hauteur de la dignité son rang… Quelques sabliers plus tard, notre docile ne tarda pas à perdre les pédales ! Les apprentis sorciers qui avaient dissimulé auparavant la peau d'un vieux lion mort de vieillesse, vêtirent pièce par pièce l'inconscient malheureux en liesse…Ils l'emmenèrent par la suite se voir sur une surface d'eau en l'assurant qu'il s'est métamorphosé, sous l'effet de la potion magique de leur élixir, en un lion qui allait désormais devenir leur émir ! Le miséreux quadrupède mordit naïvement à l'hameçon, et partait, suivant leurs conseils, donner à qui veut l'entendre des leçons. Tout en marchant étrangement tel un lion, escorté, sous le regard bizarre de la faune, par les hyènes et chacals, il n'arrêtait pas, comme dansant dans un bal, de faire des bras d'honneur à ses anciens ennemis qui incarnaient la terreur… Le bruit se répandant, de bouche à oreille, finit par être porté, par les léopards, tigres et panthères, à la connaissance du grand félin en colère ! Un conseil extraordinaire fut tenu par ces grands félins et ils se mirent d'accord pour convoquer le fauve contrevenant qui venait, par son ivrognerie inacceptable, de ternir l'image redoutable et dissuasive de leur statut de rois de la forêt où toutes les bêtes étaient passives… Conduit par de renards et des lynx, une escorte brutale, devant le conseil de discipline bestiale, et en voulant répondre pour se défendre, il ne tarda pas, à la surprise de toute une assistance ahurie, à produire son sinistre concert aigu et épais de braiements d'âne crétin qui déconcerta toute l'arène des grands et redoutables félins… Le pauvre gogo fut impitoyablement charcuté et laissé comme dépouille aux charognards dont les premières loges étaient, ironie du sort, réservées aux hyènes et chacals…ses conseillers et proches collaborateurs qui furent l'origine de son malheur !? "L'Histoire politique est souvent, hélas, le cimetière des différentes âneries humaines."2 *Enseignant-chercheur, Université de Ouargla Notes :