Ils ont rencontré des autorités politiques et militaires en Algérie, au Maroc, en Libye, en Egypte et à Djibouti. Dans une totale discrétion et loin des projecteurs de l'actualité, le drapeau du nouveau commandement des Etats-Unis en Afrique (Africom) a été déployé, le 1er octobre dernier, lors d'une cérémonie officielle organisée au Pentagone et à laquelle ont assisté des dignitaires africains et des membres du Congrès. L'occasion était la célébration de la naissance officielle de l'Africom, tant décrié par certains dirigeants et organisations africains. Aucune précision n'a été donnée sur le nom de ces «dignitaires» qui ont assisté à la naissance d'un projet qui suscite encore une grande réticence. Ainsi, c'est dans la discrétion que l'armée américaine a inauguré son 6e commandement géographique, qui est consacré exclusivement à l'Afrique. C'est également dans la discrétion la plus totale qu'ont été entamées les consultations au sujet de ce commandement. Pendant deux mois, avril et mai derniers, une délégation gouvernementale américaine conduite par le sous-secrétaire d'Etat américain à la Défense, Ryan Henry, a effectué deux tournées en Afrique. On a appris, de source sûre, qu'à l'issue de sa tournée, le responsable américain a rencontré des autorités politiques et militaires en Algérie, au Maroc, en Libye, en Egypte et à Djibouti ainsi que des responsables de l'Union africaine. Les Américains ne se sont pas limités à ces rencontres. M.Henry s'est également entretenu avec de hauts responsables français lors de son escale à Paris, où il a également eu des entretiens avec les attachés militaires d'une quarantaine de pays. Une autre série d'entretiens a eu lieu avec des représentants du Royaume-Uni, de la France et d'autres pays européens. De ce fait, le projet américain aux contours très peu clairs, devient une affaire internationale qui regroupe les grandes puissances. Sinon, comment expliquer le fait d'associer la France et la Grande-Bretagne à un projet élaboré et pensé par les Américains? Cela étant, M.Henry a tenté de convaincre les pays africains qui ont ouvertement émis des réserves, dont l'Algérie, en rassurant que l'Africom «ne signifie pas l'installation de bases militaires en Afrique» de même que «cette structure n'est pas destinée à faire la guerre». Théoriquement destiné à prévenir la guerre, et non pas à la faire, ce nouveau commandement, dont le quartier général est à Stuttgart, en Allemagne, a été créé afin de «renforcer la sécurité des partenaires africains des Etats-Unis, et non pas pour établir une présence militaire américaine sur le continent africain». C'et du moins ce que soutiennent les responsables de cette structure. Mais plusieurs raisons, parfois subjectives, légitiment la réticence et la perplexité des Etats africains. A commencer par la formulation même de ce projet où l'aspect militaire, même camouflé, déteint sur le reste des objectifs annoncés. Echaudés par l'expérience de l'armée américaine en Afghanistan et en Irak, les dirigeants africains, poussés par leurs oppositions internes, affichent une opposition envers une présence militaire même symbolique. Une crainte d'autant plus justifiée que l'un des premiers objectifs de cet Africom est d'abord d'ordre sécuritaire, à savoir la lutte implacable contre le terrorisme islamiste même si, dans le pacte que propose l'Oncle Sam, il y a d'autres préoccupations: le général William Ward, qui est responsable de cette structure, a déclaré qu'il se concentrerait sur un large éventail de programmes, notamment la lutte contre le trafic des stupéfiants et le terrorisme ainsi que le renforcement des capacités des forces maritimes et terrestres des pays africains. Si l'on croit les responsables américains, cet Africom jouera également un rôle sur le plan de la prévention des conflits, ce qui contribuera à la protection de précieuses ressources. Selon une étude réalisée par l'université d'Oxford, un conflit dans un pays à faible revenu coûte environ 64 milliards de dollars. Or, au cours des 25 dernières années, 21 pays africains ont vécu un conflit. Ce qui donne un argument de taille aux Américains pour asseoir leur stratégie même si les doutes et les réticences persistent.