Le peuple a reconquis ses droits à l'autodétermination en ce grand jour de 22 février, en déjouant les pronostics de ceux qui veulent le retenir en otage. Il a choisi la rue et l'a dit à voix haute et de façon pacifique : «Non au cinquième mandat». Par ce message clair, solennel et laconique, les Algériens ont prouvé au monde entier qu'ils sont mûrs au changement et qu'ils peuvent relever eux-mêmes le défi de la démocratisation de leur pays. Le cri de la jeunesse est si fort et si pacifique que les forces de répression ont reculé. Qui l'eût cru? Il y a quelques semaines seulement, le cortège des thuriféraires du clan présidentiel : partis-godillots, syndicats et organisations estudiantines parasites, personnalités fantoches à la solde des rentiers mafieux s'est emballé, en tablant sur la reconduction au forceps le 18 avril prochain d'un système «gérontocratique» et en se préparent même à garder le cap jusqu'au 2024. Erreur dans le casting dans la mesure où le niet est catégorique. Il vient des tréfonds d'une société fatiguée par tant d'années de corruption, de prédation des biens publics, d'injustice sociale et d'incurie. Plus qui est, dégoûtée par un pouvoir atone et grabataire. Cela est d'autant plus frustrant et explosif pour elle, que le haut magistrat du pays, en l'occurrence Bouteflika ne lui a pas adressé la parole depuis au moins sept ans, soit depuis son fameux discours «Tab djenanou» à Sétif, où il a promis une alternance au pouvoir, jamais suivie d'effets. C'est énorme! Des jeunes de toutes les régions d'Algérie et de toutes tranches d'âge, des hommes, des femmes, des enfants, des vieux sont descendus à Annaba, à Tébessa, à Relizane, à Béjaia, à Oran, à Tlemcen et partout ailleurs sur le territoire national avec des slogans hostiles à ceux qui les dirigent, hostiles à la manipulation de leurs voix, à la patrimonialisation familiale du pouvoir, à la mascarade qui se joue sous leurs yeux. Jamais il n'y a eu un tel consensus en Algérie, une telle fédération de forces, un tel engouement pour l'action collective depuis la révolution de novembre 1954. C'est une manifestation historique qui restera, sans doute, à jamais dans les annales et les archives des conquêtes démocratiques de notre pays. La combine des rentiers est déverrouillée et les dés sont jetés : pas de système par procuration. C'est le peuple qui décide et décidera de son sort. Les semaines à venir seront, sans aucun doute, décisives pour les Algériens et l'institution militaire, jusque-là soutien indéfectible du candidat Bouteflika, devrait assumer ses missions et surtout ses responsabilités devant l'histoire. En tout cas, quelque soit la réaction des pouvoirs publics à ce déferlement populaire inédit, la révolution pacifique des Algériens est en marche, et personne ne peut l'arrêter. Kamal Guerroua