Par: Nidal Aloui 06 Avril 2019 Bouteflika déboulonné, le peuple reste dans la rue. Après la déchéance du président grabataire, il y avait besoin d'une démonstration pour répéter à ceux qui font mine de ne pas l'entendre quelle est la revendication de la rue. « Grande muette, ne sois pas sourde », insiste une banderole brandie dans les rues d'Alger envahie encore une fois par des centaines de milliers de manifestants unis et disciplinés. Et quel est donc ce message qui n'arrive pas à franchir le mur érigé entre les manifestants et le pouvoir qui tient encore les manettes de la décision ? Il s'exprime sous différentes formules qui visent directement le chef de l'état-major, plus jamais en première ligne. Si l'armée est liée par les liens du sang qui irrigue la terre d'Algérie « khawa-khawa », celui qui parle en son nom n'en est pas forcément l'incarnation, proclament les manifestants à l'adresse de celui qui a été pendant 15 ans le plus fidèle protecteur de Bouteflika. L'armée, parfois stipendiée en raison de la répression des émeutes de 1988 et de son rôle pendant la décennie noire quand elle a confisqué la démocratie, est maintenant unanimement adulée. Mais le général n'est pas l'armée. « Gaid Salah, le peuple n'est pas dupe », peut-on lire sur une pancarte en réponse à ce projet de transition contrôlée par le biais d'une application de l'article 102 de la Constitution. Cette disposition prévoit la désignation du président du Conseil de la Nation au poste de chef de l'Etat, avec pour principale mission d'organiser une élection présidentielle dans un délai maximum de 90 jours, sous le contrôle du gouvernement en place où le vice-ministre de la Défense pèse de tout le poids de l'armée. Pour les manifestants, c'est un projet disqualifié. Il y a pourtant un malentendu car le général veut croire, contre les cris entendus, que le peuple adhère à son projet de transition. « Bouteflika est parti et vous après », « people want 3B GS out », lui dit-on encore. « Gaid, vous êtes une partie de ga3 (tous) », ce tous qui visent toutes les figures du système appelés à « dégager ». S'il fallait un rapport analogique pour être bien compris, on ne veut pas de « sissission », c'est à dire un scénario à l'égyptienne où le général Gaid Salah jouerait le rôle du maréchal Sissi. Pour avoir sommé le président de démissionner avant la fin de son mandat et s'être fait le chantre d'une solution juridique dans le cadre d'une Constitution allègrement bafouée pendant des années, le chef de l'état-major est appelé en personne à imaginer une issue à la crise. Sauf que la Constitution sur le respect de laquelle il se montre sourcilleux cette fois-ci ne lui donne pas ce pouvoir. L'issue ne sera que politique. Et civile.