Par: Hassane Saadoun 19 Mai 2019 TSA Ils étaient nombreux lors des premières manifestations contre le cinquième mandat du 22 février, ils étaient une des tranches de la société les plus représentées dans les marches qui ont suivi depuis et ont, grâce à leurs marches hebdomadaires du mardi, entretenu la flamme de la protesta. Les étudiants, par leur mobilisation totale depuis le début du mouvement, par leur organisation et leur conscience politique, ont étonné et continuent d'étonner, eux qu'on croyait dépolitisés et neutralisés par les difficultés de la vie universitaire algérienne. Ce dimanche 19 mai, les étudiants algériens comptent marquer leur journée nationale par de nouvelles actions de rue pour réclamer, comme ils l'ont fait lors de leurs précédentes manifestations, une véritable transition démocratique et un départ effectif et total des figures du système toujours en place malgré près de trois mois de mobilisation nationale. Ce dimanche, l'Algérie célèbre la journée nationale des étudiants, instaurée pour honorer les Algériens, étudiants et lycéens, qui, à l'appel de l'Ugema (Union générale des étudiants musulmans algériens), lancé le 18 mai 1956, ont entamé une grève générale et ont rejoint par groupes entiers les maquis de l'ALN pour prendre part à l'effort de libération du pays du colonialisme français. Ces milliers d'étudiants et de lycéens qui ont rejoint la révolution ont apporté au mouvement de libération nationale leur expertise dans divers domaines, leur érudition, si précieuse à l'époque, leur jeunesse et leur fougue. De l'avis de tous les historiens, leur apport a été décisif à la guerre de libération. Il l'est tout autant, si ce n'est plus, à la deuxième révolution algérienne à laquelle, comme l'ont fait les étudiants de 56, ils ont apporté leur sens de l'organisation, leur enthousiasme et leur détermination. Apathique et silencieuse depuis près de 20 ans, l'université algérienne a raté plusieurs rendez-vous et échéances à l'occasion desquelles les voix des étudiants et des enseignants universitaires auraient été les bienvenues. En contestant le cinquième mandat, la communauté universitaire, surtout les étudiants, a créé la surprise et déçu les espoirs de ceux qui ont compté sur une université politiquement morte. En prenant la tête du mouvement populaire contre le pouvoir, les étudiants algériens ont ressuscité une tradition de lutte politique des universités dont les origines remontent à la révolution de 54 et qui s'est manifestée lors de toutes les phases cruciales traversées par le pays : avril 80, octobre 88, printemps noir, etc. Les étudiants ont été parmi les premiers à manifester contre le cinquième mandat de Bouteflika et, par la suite, pour le départ de tout le système. Dès la première semaine de protestation, les étudiants de toutes les universités algériennes, sans qu'il n'y ait de concertation nationale, ni de syndicat national pouvant unifier leurs voix, ont organisé, comme d'un commun accord, des marches dans leurs villes respectives le mardi 26 février. C'était le premier mardi des étudiants, qui est devenu un rendez-vous hebdomadaire incontournable du mouvement de protestation. Lors de ce premier mardi de protestation, les étudiants qui ont manifesté à Alger ont subi une violente répression. Gaz lacrymogènes, canons à eau et matraques ont été utilisés contre eux par la police. Cette répression après un premier vendredi qui s'est déroulé dans le calme, n'a pas eu raison de la détermination des étudiants et ne les a pas dissuadés de marcher chaque mardi, toujours en très grands nombres. Les nouveaux camions Nimr des forces antiémeute ont même été utilisés pour la première fois contre les étudiants et les canons à son, jamais utilisés jusque-là en Algérie, le seront pour la première fois contre ces mêmes manifestants. Un campus, celui de la faculté de Droit de Said Hamdine sera même envahi par des agents des services sécurité alors que les étudiants tenaient une réunion pour s'organiser pour leurs actions à venir. Cette violation des franchises universitaires avait choqué les étudiants mais sans affecter leur détermination. Le mardi suivant, ils étaient encore plus nombreux à marcher dans les rues d'Alger et des villes du pays. Malgré cette répression et les pressions qu'ils ont subies, les étudiants n'ont pas perdu de vue l'objectif de la protesta, ni succombé aux tentatives de manipulation ou de diversion du pouvoir. Ils n'ont pas non plus été tentés par les fausses solutions proposées jusqu'à présent par les tenants du pouvoir et ne sont pas tombés dans le piège de la violence. En agissant ainsi, les étudiants algériens ont démontré, et continuent de le faire, qu'ils constituent la force tranquille du mouvement populaire. Malgré la répression, la corporation des étudiants a été la plus active, la plus engagée et la plus persévérante dans le mouvement de protestation. Les étudiants ont également été les premiers à marcher pendant le Ramadhan. Le mardi 7 mai, au deuxième jour du mois de jeûne, des milliers d'entre eux ont battu le pavé à Alger et tout autant dans beaucoup de villes universitaires. Ce jour-là, les étudiants ont joué le rôle de baromètre de la protesta. Beaucoup de militants inquiets se demandaient si les manifestations allaient se poursuivre pendant le mois de jeûne. Les étudiants ont apporté une réponse : le mouvement se poursuit, les marches également. Une réponse confirmée le vendredi suivant, le 12e depuis le début du mouvement, par des manifestations imposantes partout dans le pays, malgré les conditions difficiles du jeûne. La communauté estudiantine a été pendant des décennies l'otage d'organisations d'étudiants affiliés au pouvoir. La révolution du 22 février a eu comme premiers résultats de libérer leur communauté de ces organisations fantoches. Les syndicats et organisations d'étudiants tels que l'Ugel, l'Ugea ou l'Onea ont rapidement été réduits au silence dès le mois de mars par les étudiants qui se sont levés pour dire à l'unanimité leur ras-le-bol de ces syndicats qui avaient, quelques semaines auparavant, promis aux partis de l'alliance présidentielle de « mobiliser les étudiants » en faveur de la campagne électorale de Bouteflika. Après la défaite de ces organisations, les facultés, instituts et écoles supérieures ont vu apparaître une nouvelle dynamique de structuration des étudiants. Depuis des semaines, des délégués et des comités autonomes sont élus démocratiquement par les étudiants. En plus de ces « comités autonomes », qui poussent comme des champignons dans la plupart des universités algériennes, des tentatives de concertation entre « étudiants libres » et comités autonomes des différentes universités du pays sont menées depuis peu par des étudiants. Les discussions se passent sur les réseaux sociaux, selon des étudiants de différentes villes, mais l'objectif est que les concertations aboutissent à des actions concrètes. Déjà, des réunions des étudiants du Centre du pays ont déjà été organisées à Alger, Boumerdès et Bouira, des discussions entre des étudiants de l'Ouest et d'autres du Centre et de l'Est du pays ont également eu lieu en vue de créer une coordination nationale de comités autonomes. Des tentatives de structuration qui commencent déjà à porter leurs fruits puisque l'idée lancée par certaines universités de rajouter une journée de manifestation chaque semaine, en plus du mardi semble être adoptée par une grande partie des facs.