La désignation-élection d'Abdelmadjid Tebboune crée indéniablement un remue-ménage au sein du hirak. Cette situation est par ailleurs prévisible. Et pour cause ! Tous les opposants ne sont pas logés à la même enseigne. Il y a certaines personnalités qui s'opposent, car le régime ne leur accorde pas de places. Il y a d'autres qui estiment qu'au bout de presque une année de contestation, le hirak ne pourrait pas obtenir gain de cause. Heureusement, la grande base du hirak n'est pas dans ces calculs mesquins. En plus, dans le fond, le hirak ne peut pas échouer. Il ne joue pas. Il exige que les responsables de la crise partent. Même s'il s'arrête un jour, le régime n'oubliera jamais que tout un peuple ou peu s'en faut s'est déjà soulevé contre sa gabegie. De la même manière, le hirak a cassé l'union sacrée de tous les clans. En effet, jusqu'à fin mars 2019, tous les clans du régime soutenaient sans vergogne la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat. Hélas, le départ de Bouteflika ne bouleverse pas la donne politique. Bien que la pression populaire soit énorme –pour moins que ça, des régimes sont tombés dans les pays où la souveraineté appartient réellement au peuple –, le régime ne veut pas abdiquer. Est-ce une raison de désespérer ? La réponse est non. En effet, le hirak n'a pas fixé de délais pour atteindre son objectif. Sa seule règle est de préserver, quoi qu'il arrive, le caractère pacifique et civilisé des manifestations. D'ailleurs, pour être réaliste, il est difficile de faire tomber un régime qui s'est emparé de toutes les institutions et de toutes les richesses du pays en quelques mois. Par conséquent, ce serait une erreur si le peuple, privé de la liberté pendant 57 ans, pensait la reconquérir en un court laps de temps. Toutefois, dans sa tentative de consolider son assise, le régime va tenter de déstabiliser autant que faire se peut le mouvement populaire. Les plus déterminés ne doivent accorder aucun crédit à ces plans sataniques. En tout cas, le 48eme vendredi a prouvé que le peuple algérien restait mobilisé, et ce, bien que quelques voix défaitistes manquent au rendez-vous. Désormais, le hirak doit compter avec ces défections. À quelques semaines de boucler le premier anniversaire du mouvement, les opposants à la poursuite de la même politique depuis 1962 sont plus que jamais appelés à continuer le mouvement. Pour y parvenir, le hirak doit obéir à son propre calendrier : le départ de tous les responsables de la crise. En attendant de concrétiser cet objectif, il est impératif de garder le caractère pacifique du mouvement. C'est le principal ingrédient de la victoire.