« La plus grave parmi les paralysies, celle qui détermine dans une certaine mesure les deux autres (sociale et intellectuelle), c'est la paralysie morale. Son origine est connue : “L'islam est une religion parfaite. Voilà une vérité dont personne ne discute. Malheureusement il en découle dans la conscience post-almohadienne une autre proposition : “Nous sommes musulmans donc nous sommes parfaits”. Syllogisme funeste qui sape toute perfectibilité dans l'individu, en neutralisant en lui tout souci de perfectionnement. Jadis Omar Ibn El Khattab faisait régulièrement son examen de conscience et pleurait souvent sur ses “fautes”. Mais il y a longtemps que le monde musulman a cessé de s'inquiéter de possibles cas de conscience. On ne voit plus qui que ce soit s'émouvoir d'une erreur, d'une faute. Parmi les classes dirigeantes règne la plus grande quiétude morale. On ne voit aucun dirigeant faire son mea culpa. C'est ainsi que l'idéal islamique, idéal de vie et de mouvement a sombré dans l'orgueil et particulièrement dans la suffisance du dévot qui croit réaliser la perfection en faisant ses cinq prières quotidiennes sans essayer de s'amender ou de s'améliorer : il est irrémédiablement parfait. Parfait comme la mort et comme le néant. Tout le mécanisme psychologique du progrès de l'individu et de la société se trouve faussé par cette morne de satisfaction de soi. Des êtres immobiles dans leur médiocrité et dans leur perfectible imperfection deviennent ainsi l'élite d'une société morale, d'une société où la vérité n'a enfanté qu'un nihilisme. Malek Bennabi 1954 Conférences de l'auteur : 1- http://www.youtube.com/watch?v=629vekIvt_M&feature=related 2- http://www.youtube.com/watch?v=RQVRG6WZflQ&feature=related 3- http://www.youtube.com/watch?v=B-4zwf_Bx1k