Face à la détresse, la répression Le Soir d'Algérie, 7 janvier 2010 La protestation déclenchée par les travailleurs de la SNVI de Rouiba, à l'est d'Alger, s'élargit, prend de l'ampleur et se radicalise. Rejoints par les travailleurs d'entreprises publiques de la zone industrielle de la même localité, des milliers de travailleurs ont marché de la zone industrielle vers la ville de Rouiba. Faute d'interlocuteur pour un dialogue avec ces travailleurs qui dénoncent la misère, le pouvoir brandit la menace. Ce sont les mêmes revendications exprimées dès le premier jour d'une grève observée, depuis le dimanche 3 janvier à ce jour, par la quasi-totalité des 5 500 travailleurs de la SNVI de Rouiba qui ont été réitérées, à savoir le maintien du droit du départ à la retraite en l'état et la revalorisation réelle des salaires en vue d'atténuer la chute vertigineuse du pouvoir d'achat des travailleurs. Dès que les travailleurs ont été déposés par les bus du transport du personnel au niveau du complexe et le temps d'enfiler leurs tenues de travail, le cortège s'est mis en branle. Direction, la ville de Rouiba, distante d'environ deux kilomètres. Vers 9 h, l'arrivée de la tête du cortège à l'entrée de la ville de Rouiba est accueillie par un impressionnant dispositif de sécurité. Des centaines de policiers anti-émeutes casqués, armés de boucliers et gourdins en main barraient le chemin aux marcheurs en tenue de travail. Dès le premier contact entre le cortège et les policiers, quelques échauffourées ont éclaté. «Ce sont les services de sécurité qui ont envoyé des voyous pour nous provoquer», nous ont dit plusieurs marcheurs. Trois d'entre eux ont été légèrement blessés. Comme les marcheurs n'avaient manifesté aucune velléité de violence, tout est rapidement rentré dans l'ordre. Le climat s'est détendu entre policiers et marcheurs. «Ce sont nos enfants. Nous n'utiliserons pas la violence contre eux», dira un marcheur d'un certain âge. Par la suite, les protestataires improvisent des chants et des slogans «Djeich, chaâb, maâk ya l'SNVI !», «Ulach smah ulach !», puis avec un air solennel, ils chantèrent Kassamen suivi de Min djibalina. A 13 h, la foule s'est dispersée dans le calme. Les travailleurs ont regagné leur usine. «Sidi Saïd nous a égorgés» La foule ne décolère par contre le patron de l'UGTA. L'un de ses représentants, le chargé de l'information, envoyé, d'après les manifestants, afin de lui faire un compte rendu des événements, a été prié de quitter le cortège. «Nous exigeons la venue de Sidi Saïd pour nous dire sur quelle base il a accepté les exigences du gouvernement concernant la révision des droits de départ à la retraite», dit un manifestant, rapidement repris par la foule qui se montre encore plus dure avec le chef de la Centrale. «Qu'il vienne constater sa compromission avec le pouvoir. Lui est bien grassouillet et laisse les travailleurs crever au labeur !» Approbation générale et bruyante. La colère monte. Un manifestant crie : «Nous n'avons pas besoin de lui ! Sidhoum Saïd nous a trahis !» Un autre hurle en direction de la foule : «Pire, il nous a égorgés !» Face à cette colère contre la direction de l'UGTA, accusée de tous les maux, les responsables locaux de ce syndicat tentent de sauver les meubles. Les premiers jours de la grève, ils ont déployé des efforts pour la briser. Mais le mouvement de protestation les a complètement largués. Ils sont revenus pour accompagner cette protestation. Ils étaient présents aux côtés des marcheurs. L'un d'eux, Zetoutou, déplore le manque de dialogue avec la base qui a débouché sur cette révolte. Selon lui, les travailleurs avaient averti qui de droit qu'ils rejetteraient le changement du dispositif sur le départ à la retraite. «Sidi Saïd ne sait pas dans quelles conditions travaillent les ouvriers. Celui qui lui a remis les données n'a jamais travaillé ni sali ses mains au labeur !», renchérit un manifestant. Le mouvement de protestation prend de l'ampleur Selon les informations que nous a transmis le responsable de l'Union locale de Rouiba, M. Messaoudi, les travailleurs de plusieurs unités, notamment celles du secteur public de la zone industrielle de Rouiba, ont rejoint ce mouvement de protestation. Il nous cite Anabib, MobSclaire, Cammo, Baticim, Hydro Aménagement, Enad Magi. Par ailleurs, nous avons rencontré des travailleurs des tanneries algériennes Tarmeg qui brandissaient une banderole. Selon le responsable de l'UL, un barrage de la Gendarmerie nationale dressé au milieu de la zone industrielle empêchait, dans la matinée, d'autres marcheurs de rejoindre le cortège. Au plan national, Messaoudi affirme que toutes les unités de la SNVI, notamment celles implantées à Sidi Moussa, Tizi-Ouzou, Tiaret, Oran, Annaba, adhèrent au mouvement. En tout état de cause, les travailleurs sont décidés à aller jusqu'au bout de leurs revendications. «Nous y reviendrons !», disent-ils à l'unisson.