Malgré la confusion et la multiplication des appels contradictoires, la marche à laquelle ont appelé les étudiants de l'université M. Mammeri de Tizi-Ouzou pour dénoncer le rejet par les députés de la majorité parlementaire (APN) de l'amendement pour la promotion de tamazight a drainé des milliers de manifestants. Une mobilisation historique, pour dire non à «un leurre institutionnel, à une officialisation sournoise et en trompe-l'œil de tamazight», dixit Arezki, un vieux militant de la cause identitaire noyé dans la foule des marcheurs. Génération digitale VS génération «vintage» Masse compacte de jeunes étudiants, lycéens et de collégiens auxquels sont venus se joindre, quelques inconditionnels des démonstrations populaires pour la défense de la cause identitaire et de la langue amazighes, les marcheurs —plusieurs dizaines de milliers — ont répondu à des appels relayés sur la toile et le réseau social Facebook. Un signe, non seulement, du renouveau des formes de mobilisation mais aussi du passage de témoin entre la génération «vintage», celle des militants âgés de cinquante ans et plus qui ont porté la revendication identitaire depuis des décennies passablement représentée dans la manifestation d'hier et la nouvelle vague de militants identitaires que l'on peut qualifier de «digitale» car se mobilisant via internet et les réseaux sociaux. Sourds aux chants des sirènes de toutes les chapelles, qu'elles soient partisanes ou institutionnelles qui ont tenté d'empêcher la mobilisation de la rue pour défendre l'authenticité identitaire et la promotion de la langue amazighe, ces jeunes ont repris le flambeau de la mobilisation comme l'ont souligné H. Boumediene et Mme Moula du Rassemblement pour la Kabylie, qui ont tenu à prendre part à la manifestation qui s'est ébranlée du campus Hasnaoua de l'UMMTO pour sillonner la ville sur un parcours de presque trois kilomètres pour aboutir devant le siège de la wilaya. «Mazalagh dimazighen (on est toujours des Amazighes) ; Lasliw d-amazighe (mes origines sont amazighes) ; Révisez l'histoire, l'Algérie n'est pas arabe ; Pouvoir assassin» figurent parmi la série de slogans criés par les marcheurs qui ont brandi des banderoles appelant à la prise en charge réelle et effective de tamazight et au refus de l'aliénation identitaire. Une mobilisation plurielle, joyeuse et sous haute surveillance de la police omniprésente mais discrète, les services de police qui n'ont pas eu à intervenir pendant la marche, ont dressé un véritable cordon sécuritaire autour de la ville de Tizi-Ouzou. Des barrages filtrants ont été installés pour réduire l'afflux des manifestants venus des localités de l'intérieur de la wilaya. Les étudiants du pôle résidentiel de Tamda, à une quinzaine de kilomètres de Tizi-Ouzou, n'ont pu rallier la ville qu'au prix d'une marche à pied. Le déploiement policier et les appels dissuasifs pour saborder l'action initiée par les étudiants, n'ont pas influé sur une démonstration de force que beaucoup d'observateurs ont qualifiée d'historique, rappelant les grandes mobilisations du MCB du début du Printemps berbère. Pétards, chants et slogans à la gloire de tamazight, bref, une ambiance colorée ont empli la rue. Signe d'une mobilisation plurielle, les étendards aux couleurs de l'emblème national, du drapeau amazighe, et même du drapeau aux couleurs du MAK flottaient côte à côte dans le ciel. S. A. M.