Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Tout est difficile dans ce sujet et d'abord l'insupportable surenchère pratiquée par des syndicalistes qui additionnent les exigences au fil des négociations au point d'être qualifiés de maîtres-chanteurs. C'est que les refus qu'ils n'ont eu de cesse d'opposer aux multiples propositions du ministère de l'Education nationale n'irritaient pas uniquement celui-ci, puisqu'ils ont fini par peser du même poids dans le revirement de l'opinion à leur égard que la sympathie qui fut la leur auparavant. N'ayant pu éviter les faux-pas qui débouchent inévitablement sur des impasses, le Cnapeste, notamment, ne pouvait ignorer les critiques qui lui furent adressées par les parents des lycéens. Une dénonciation vigoureuse et surtout justifiée dont, pourtant, ce mouvement fera peu cas alors que le débrayage en était déjà à 60 jours. Au bout du compte, pas un seul domaine n'a été épargné par cette ravageuse épidémie de la contestation qui, sans le moindre doute, altérera, une fois de plus, la qualité du prochain baccalauréat. D'une année à l'autre, ce fut toujours à partir de l'école que l'on avait pris la mesure de notre régression tant il est vrai que depuis un quart de siècle, elle s'est contentée d'alimenter le parking des diplômés au chômage. Cette situation s'explique d'abord par les ravages causés par l'endoctrinement auxquels est venue se greffer l'obstination de ne rien changer au point de provoquer l'émergence d'un syndicalisme radical plus prompt à déclencher des grèves à répétition en lieu et place de la concertation préliminaire de l'ensemble des acteurs du système éducatif. De saison en saison, la crise ne fera donc que s'amplifier en l'absence d'un cadre purement dédié au dialogue. A ce sujet, il faudra donc remonter à l'entame des réformes officiellement engagées en 2003. Moment-clé que les spécialistes décryptèrent avant de se rendre compte qu'il n'y avait guère de cohérence ni d'enchaînement entre les trois paliers d'où la qualité toute relative des diplômes sanctionnant chaque phase de cursus jusqu'au palier du supérieur. Avec une scolarité aussi cahoteuse en amont, l'université devint donc le réceptacle de têtes mal dégrossies mais néanmoins titulaires du premier diplôme universitaire : ce fameux baccalauréat. Contrairement aux prudentes affirmations officielles, le système éducatif se portera toujours mal aussi longtemps qu'il lui sera refusée une sanctuarisation par la loi. Celle qui bannira pédagogiquement toutes les formes d'endoctrinement et encadrera, par la suite, l'exercice syndical afin qu'il ne pût guère prendre en otage les écoliers eux-mêmes. Ce sont, justement, les demi-mesures infligées à l'école qui creusèrent insidieusement ses retards et sa médiocrité. Par ailleurs, les louvoiements et les injustifiables concessions dans le domaine du management des ressources humaines demeurent à ce jour le moteur de la contestation actuelle du corps enseignant. Celui qui confine au chantage relatif à la question des promotions. Le laxisme administratif fera le reste en permettant la naissance d'une véritable «armée mexicaine» au sein du corps enseignant des lycées, comme l'écrivait récemment et avec justesse un vieux pédagogue indigné. Or, c'est à partir de l'iceberg scolaire que l'on peut mesurer l'étendue de l'échec de l'action publique. Incapable de séparer les problèmes, tant le poids des lobbies est grand au sein du pouvoir politique, le ministère de tutelle est amené souvent à céder à cette gestion des carrières devenue le carburant de ce qui n'est qu'une dérive du syndicalisme, tout en espérant gagner en contrepartie de la sérénité tout le long de l'année scolaire. Dire, par conséquent, que l'école est devenue également un levier pour le carriérisme au lieu de conserver son aura de temple des vocations n'est pas loin de la réalité. C'est ainsi qu'en dépit des diagnostics implacables, le changement qualitatif espéré avec l'arrivée de l'actuelle ministre ne sera pas au rendez-vous lors des examens de juin prochain. A cause d'une longue grève, injustifiée et injustifiable par bien des aspects et à laquelle l'autorité de l'Etat se désintéressa, l'on mesure à l'avance les conséquences d'une année scolaire tronquée mais que l'on s'efforcera de boucler grâce à des examens au rabais. De ceux qui serviront alors de feuille de vigne à un pouvoir dont l'énergie est entièrement orientée vers le rendez-vous de 2019. Et c'est la démission de l'Etat en de telles circonstances qui ajoute de la colère au désenchantement des parents d'élèves. Faut-il, par conséquent, s'attendre à un baccalauréat de la désillusion ? Celui qui, une fois de plus, va être frappé par la peste de la déscolarisation de masse sous l'œil indifférent d'une puissance publique s'efforçant d'en minimiser l'impact afin d'éviter le déplorable scandale d'une année blanche. Celle qui, en bonne logique, n'affectera pas uniquement le demi-million de candidats au bac mais neutralisera la totalité des trois paliers. Cela étant, pour la ministre du «mammouth», les 90 jours que peut encore compter cette désastreuse année scolaire doivent être consacrés à la résolution des questions pédagogiques en insistant particulièrement sur la résorption des déficits dans la diffusion des programmes aux élèves. En somme, parvenir à faire passer les examens sans pour autant prétendre à l'excellence suffira certainement à la résistance de cette ministre malmenée, d'un côté, et solitaire dans son combat. Qu'est-ce à dire sinon qu'elle doit parvenir à soustraire l'enseignement aux manœuvres politiciennes en premier lieu. L'objectif est audacieux en soi mais pourra, par contre, lui coûter son poste. Sauf que l'hypothèse d'un limogeage uniquement justifié par certaines thèses idéologiques fera d'elle une référence pour les combats futurs. D'ailleurs, il en sera ainsi lorsque dans le futur, l'on évoquera l'année scolaire 2017-2018 et que l'on n'hésitera pas à citer celle qui sut défendre le devoir premier de la pédagogie contre les pseudo-pédagogues qui sacrifient leurs potaches sur l'autel de leurs étroites ambitions. B. H.