Le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Zarif poursuivait hier à Bruxelles, troisième étape d'une tournée dans les pays signataires de l'accord sur le nucléaire iranien, son offensive pour tenter de le sauver après le retrait et le rétablissement de sanctions économiques par les Etats-Unis. M. Zarif a eu dans la matinée un premier entretien avec la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini, qualifié de «très fructueux». «Nous sommes sur la bonne voie pour aller de l'avant afin de veiller à ce que les intérêts de toutes les parties restantes à l'accord, en particulier l'Iran, soient préservés», a déclaré le chef de la diplomatie iranienne, cité par l'agence d'Etat Irna. «Nous travaillons à préserver l'accord et à protéger les investissements européens. Une conséquence importante de l'accord a été la levée des sanctions économiques pour le bénéfice de la population iranienne», a pour sa part rappelé Mme Mogherini. M. Zarif devait rencontrer en début de soirée ses homologues français, allemand et britannique, représentants des trois pays européens impliqués dans cet accord. Mme Mogherini «fera rapport» de ces entretiens jeudi aux dirigeants de l'UE réunis en sommet à Sofia. «Si l'Iran respecte ses engagements, l'UE respectera les siens. Ce sera le message délivré par les 28 à Sofia», a promis hier le président du Conseil européen Donald Tusk dans sa présentation du sommet. «Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker présentera pour sa part différentes options pour protéger les intérêts économiques européens dans le commerce avec l'Iran», a-t-il précisé. Le chef de l'Etat français Emmanuel Macron et le président russe Vladimir Poutine se sont entretenus mardi par téléphone et ont confirmé l'engagement de leurs deux pays à mettre en œuvre cet accord. M. Zarif était à Moscou lundi. Les Européens veulent éviter à tout prix que l'Iran abandonne l'accord et relance son programme pour se doter de l'arme nucléaire. «Nous pouvons avancer sur d'autres questions, mais nous ne devons pas démanteler ce qui fonctionne», a plaidé Federica Mogherini en réponse aux demandes de renégociation de l'accord pour inclure des dispositions sur les missiles balistiques de l'Iran. L'accord conclu en juillet 2015 après des années d'âpres négociations entre l'Iran et le groupe 5+1 (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) a permis de geler le programme nucléaire iranien jusqu'en 2025. C'était son seul propos, insistent les Européens. En échange de leur soutien, les Européens attendent toutefois des concessions de l'Iran pour dissiper les inquiétudes suscitées par son programme de missiles balistiques. «On va tester les intentions iraniennes, leur dire qu'il est indispensable de faire des gestes dans les autres domaines», a expliqué une source européenne. «Ce dialogue doit être séparé de l'accord sur le nucléaire», insiste Mme Mogherini. Ses services se disent très sceptiques sur les chances de voir aboutir une renégociation incluant les missiles. «L'Iran n'a pas l'intention d'abandonner son programme balistique. Les Iraniens le considèrent comme un pilier de la sécurité nationale et un puissant instrument de dissuasion», assure Nathalie Tocci, directrice de l'Istituto Affari Internazionali (IAI) et conseillère de Federica Mogherini dans un entretien à la revue italienne Formiche. Les dirigeants européens misent sur la disposition montrée par le président iranien Hassan Rohani à discuter de ces problèmes. «On va tout faire pour le conforter», a assuré un diplomate européen. Le président iranien est fragilisé par le mécontentement provoqué par les difficultés économiques, s'inquiète un responsable européen impliqué dans les négociations avec Téhéran. La sortie des Etats-Unis pourrait entraîner un rapprochement entre Moscou et les Européens, une évolution rare vu les tensions de ces dernières années, alimentées par les dossiers syrien et ukrainien et récemment renforcées par l'empoisonnement de l'ex-espion Sergueï Skripal en Angleterre. La Russie «est prête à continuer à respecter l'accord nucléaire iranien malgré le retrait des Etats-Unis», a assuré le président Vladimir Poutine, cité par l'un des conseillers en marge d'une rencontre à Sotchi avec le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Yukiya Amano. Les Américains sont préoccupés par ce rapprochement. Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo s'est entretenu ces derniers jours avec ses homologues des pays européens signataires de l'accord pour leur demander de poursuivre leur «forte coopération» avec Washington, a rapporté lundi le département d'Etat américain dans un communiqué. Il a estimé que les Etats-Unis et leurs alliés européens avaient des intérêts identiques: «Faire en sorte que l'Iran ne se dote jamais de l'arme nucléaire» et «contrer les activités déstabilisatrices du régime iranien dans la région», selon ce communiqué.