C'est un véritable cri de détresse que le cinéaste Yanis Koussim lance sur les réseaux sociaux au sujet de son film «Alger by Night» qui peine à voir le jour. Adressée aux responsables du cinéma en Algérie, sa lettre ouverte dénonce le blocage que ce long-métrage subit depuis quatre ans. Scénariste et réalisateur, Yanis Koussim signe avec «Alger by Night» son premier long-métrage fiction. Ce film qu'il qualifie d'expérimental est un récit choral regroupant six personnages différents : une artiste-photographe, une femme médecin, un vagabond, un jet-setter, une prostituée et un groupe de jeunes rollers. Il se déroule à Alger, l'espace d'une seule nuit où la photographe déambule dans la voiture conduite par son mari en braquant son objectif sur la nuit algéroise. Problème : le cinéaste, qui vient d'achever le montage de son film, explique que sa sortie est compromise par des blocages au niveau du ministère de la Culture. Malgré une correspondance déposée par Yanis Koussim au siège de la tutelle, celle-ci n'a jamais répondu par écrit. Tout ce qu'il obtient, ce sont des informations données «de vive voix» par la production algérienne selon lesquelles «le ministère, après avoir visionné un extrait du film, a jugé ce dernier ‘'choquant'' et pris la décision de vérifier sa conformité avec le scénario ayant bénéficié de la subvention du FDATIC», écrit le cinéaste. En l'absence de communication précise et officielle, le cinéaste exprime son incompréhension et affirme que son long-métrage est conforme au scénario validé par la commission du fonds ministériel. Il ajoute, par ailleurs, qu'il vient d'apprendre, toujours d'après des bruits de couloir, que la dernière tranche du budget prévu par le FDATIC et destinée à payer la postproduction, indispensable aux finitions du film, ne lui «sera pas accordée». Dans sa lettre ouverte, Yanis Koussim déclare «refuser de croire que son film est victime de censure» mais demande aux responsables de se prononcer clairement, sachant que le ministère de la Culture ne détient que 43% des droits sur «Alger by Night», le reste étant réparti entre des coproducteurs d'Algérie, de France, de Norvège et du Qatar. «Alger by Night » avait, auparavant, traversé une période conflictuelle de quatre années entre le réalisateur et une première boîte de production algérienne qui refusait de lui accorder une cinquième semaine de tournage «pourtant garantie par le contrat». Yanis Koussim raconte avoir réussi après «une bataille de trois ans» à récupérer ses images et à poursuivre le travail jusqu'à la phase du montage. Une fois ce dernier terminé, il lui fallait la dernière tranche du budget pour payer la postproduction et aboutir à la version finale du film. Or, l'absence de réactivité du ministère et les «bruits de couloir» indiquant que «Alger by Night» ne serait pas dans les bonnes grâces de la tutelle, suscitent l'inquiétude sur le devenir même du film et pose, encore une fois, la question sur les rapports entre créateurs et financeurs publics, souvent entachés de lenteurs bureaucratiques et de lourds problèmes de communication. Contacté par nos soins, M. Ahmed Bedjaoui, président de la commission de lecture du FDATIC, affirme pour sa part que le problème est réglé depuis trois semaines : «J'ai déposé au niveau de l'administration un certificat de conformité entre le scénario avalisé par la commission et le rendu filmé. A présent, il revient aux autres organismes chargés de la gestion du budget de verser la troisième tranche.» Et de préciser que la délivrance de ce certificat est une mesure systématique instaurée par la tutelle pour finaliser le financement d'un film. Or, il indique que cela ne relève pas des prérogatives du FDATIC dont «la mission se situe en amont et non en aval» et qu'il est du ressort des instances chargées de la logistique, en l'occurrence le Centre algérien du développement du cinéma (CADC) et le Centre national du cinéma algérien (CNCA). «Il existe une divergence d'interprétation des missions des uns et des autres. J'ai délivré ce certificat de conformité parce que je ne souhaite pas que le film reste bloqué. Mais il est nécessaire que la tutelle désigne un organisme chargé de ce travail strictement administratif et ne relevant aucunement du rôle du FDATIC», conclut M. Bedjaoui. Sarah H.