Le public à la sortie de la projection de Vent divin était positivement déstabilisé. Le film de Allouache sort des créneaux habituels de la présentation du phénomène du terrorisme. C'est une histoire crédible que raconte Allouache. Elle est, certes, le fruit de son talent imaginatif, mais elle n'est pas quelconque. Elle dit deux itinéraires, ceux de Amine et de Sarah, qui se retrouvent dans le désert algérien à quelques encablures d'une base pétrolière. Dès que les spectateurs ont découvert dans la projection l'or noir, ils ont tout de suite pensé Tiguentourine. Pourtant, le réalisateur de Omar Gatlato n'a pas versé dans la facilité, dans le médiocre. C'est vrai, ça aurait pu être ceci ou cela, mais ce n'est ni ceci ni cela, ou même s'agit-il de ceci et de cela. Peu importe. Le film est bien parce qu'il parle aux gens alors même que les personnages principaux ne sont pas bavards. On les scrute dans leurs mouvements y compris intimes et on tente de les suivre dans leur raisonnement. Ils ne tombent pas du ciel, semble suggérer Allouache. Ils ne sont pas des jeunes hors-sol ou en dehors du temps. Amine et Sarah maîtrisent l'essentiel de ce qui est vendu actuellement, le portable et internet. C'est à travers le net, d'ailleurs, qu'ils reçoivent les ordres, notamment Sarah alors que Amine, certes, compliqué, n'en est pas moins mobilisable, proie de prédilection pour les recruteurs de la mort. Sarah est française d'origine algérienne. Elle a fait la Syrie, elle y a envoyé 17 jeunes filles guerroyer là-bas. Elle est déterminée, ne cherche pas à comprendre ou du moins donne cette impression. Dans quelques séquences on la voit balancer dans l'humain sous la douche improvisée par Aïcha la logeuse autochtone, en faisant l'amour, à sa doléance, avec Amine, pleurant sa sœur, décédée dans une opération terroriste volontairement consentie... Mais ça s'arrête là. Les autres pulsions-missions reprennent le dessus. Elle est là pour commettre des actes — terroristes — qui l'enverront au paradis. Il faut tuer autant de taghout que l'on peut. Point barre. Amine, indécis par moments, (il ne vient pas de Syrie, ce n'est pas un disciple direct de Baghdadi ni de ses adjoints), mais tout de même ! Il accepte sans rechigner de tailler sauvagement Aïcha et au couteau ! Il hésite à la fin d'enfiler l'explosif pour sauter la base pétrolière et empêche Sarah de le faire. Les raisons de cette volte-face sont multiples. La peur, l'amour pour Sarah, la possibilité de se donner une autre chance en Italie à travers le grand Sahara nommé Sahel. Sarah et Amine mourront, néanmoins, comme les commanditaires du terrorisme le veulent. Explosés. Dans le dépliant présentant la production, il est relevé «dans ce film, probablement un des plus politiques de sa carrière, Merzak Allouache poursuit l'exploration du phénomène de la radicalisation islamiste». Les Belges qui s'intéressent au radicalisme islamiste — Molenbeek tout de même ! — accueilleront, c'est évident, avec plaisir Vent divin. A. M.