Les zones d'ombre qui entouraient le dossier des Syriens expulsés par l'Algérie commencent à s'éclaircir. Les premiers éléments de l'enquête en cours ont en effet permis d'établir de manière irréfutable l'implication de ces soldats dans des connexions terroristes et leur intention de se redéployer sur le territoire national. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Jusque-là, Alger s'était contentée d'allusions et de mises en garde plus ou moins sévères sur les dangers potentiels pouvant découler de la présence, surprenante, d'un certain nombre de militaires de nationalités arabes, des Syriens en majorité, mais également des Yéménites dans le pays. Cette fois, cependant, décision semble avoir été prise d'aller plus loin en communiquant des détails troublants sur les tenants et les aboutissants d'une affaire pas comme les autres. Le responsable du dossier de l'immigration clandestine auprès du ministère de l'Intérieur nous a ainsi fait savoir hier que l'enquête déclenchée sur le sujet a mis en évidence une somme de preuves accablantes à l'encontre de ces personnes. «Nous sommes, dit-il, en possession d'informations très compromettantes les concernant, des messages très clairs ont été passés par whatsapp prouvant leur appartenance, leurs liens avec les réseaux terroristes, mais aussi le plan de leur organisation pour infiltrer notre pays. Toutes ces informations ont été vérifiées, nos preuves sont irréfutables, d'autres sont à venir, nous les livrerons au moment voulu.» Cette enquête, poursuit-il, a également permis de découvrir que «l'opération est dirigée par un général-major de l'Armée syrienne libre (ASL). Ce dernier se charge d'encadrer les déplacements vers l'Algérie de ces soldats. Ils partent de la région d'Alep, transitent par deux autres capitales connues mais dont je tairais le nom pour le moment, puis se dirigent vers l'Algérie en remontant par le Sahara.» A la question de savoir de quelle manière procèdent ces derniers pour s'introduire en Algérie, Hassen Kacimi répond : «Ils utilisent la technique de la guérilla, en se déplaçant par petits groupes de cinq.» Les premiers de ces éléments sont arrivés il y a de cela deux mois. Peu de temps après, certains d'entre eux sont interceptés alors qu'ils se déplaçaient par route. «Ils ont usé de toutes les techniques possibles, ils ont fait très attention à ne pas se faire repérer ni évoluer près des postes de contrôle chargés des réfugiés. Pour quelles raisons ?», s'interroge-t-il, ensuite. Le doute s'accentue lorsque l'enquête permet d'établir le trajet emprunté par ces derniers pour rejoindre l'Algérie. «Nous nous sommes retrouvés face à des réfugiés de luxe qui ont pu se permettre un voyage à 200 millions de centimes à travers plusieurs capitales, la Turquie, la Mauritanie, le Soudan… Certains ont, ensuite, rejoint le nord du Mali puis remontés vers l'Algérie protégés par des groupes terroristes car ce sont des territoires très dangereux. D'autres sont remontés d'Agadez (Niger) où ils ont été escortés par des éléments armés qui les ont menés vers les frontières algériennes.» Au moment où ils sont interceptés par les forces de l'ordre, plusieurs de ces soldats sont en «possession de très fortes sommes d'argent. 15 000 dollars pour centains !», affirme la même source. Les recherches qui se mettent immédiatement en place permettent l'arrestation de plus d'une centaine de personnes. Parmi eux, aussi d'anciens soldats yéménites. On apprend que les autorités décident alors de les déférer sans tarder devant la justice. L'expulsion est prononcée. Le groupe entré de manière illégale est reconduit aux frontières puis chassé du territoire national. Où se trouvent-ils actuellement ? «A une quinzaine de kilomètres de nos frontières se trouve un dispositif de l'OIM (Organisation internationale pour les migrations). Il a été mis en place à la demande de l'Algérie. Nous avons reçu récemment une délégation de cet organisme, nous en avons discuté avec la directrice qui n'a pas trouvé d'objection à ce que cela se fasse.» Selon notre interlocuteur, l'affaire ne souffre aucune ambiguïté. «L'intention de ces personnes était évidente : s'infiltrer dans le pays et se redéployer, l'Algérie refuse quant à elle que les factions syriennes se déplacent sur son territoire.» Le fait même que ces soldats soient encadrés par un général-major de l'ASL «veut tout dire», souligne-t-il, «nous avons découvert qu'il est le chef d'orchestre dans cette affaire, c'est lui qui envoie les soldats vers notre pays». Il en est de même que la provenance de ces soldats, le nord d'Alep, un territoire sous contrôle de trois organisations extrêmement dangereuses : le Front Al-Nosra (Djebhet Ennasra) un groupe terroriste, Daesh et l'Armée syrienne libre. Créée en juillet 2011, cette dernière entretient des connexions étroites avec les extrémistes armés. «Pour quelles raisons envoyer ces soldats de l'ASL dans notre pays, leur fournir tout cet argent, les instruire d'agir dans la clandestinité ? L'opération a été fort heureusement déjouée avant qu'ils ne passent à l'acte.» Comment ? «En instrumentalisant la communauté syrienne qu'abrite l'Algérie. Une communauté forte de 50 000 personnes, des malheureux ayant fui la guerre qui ravageait leur pays.» A. C.