Par Dr Hoyem Benfriha Il y a, tout de même, quelque chose de gênant, même de troublant, dans la candidature d'Ali Ghediri. Jeune, ancien militaire, diplômé, Ghediri, que certains de ses partisans s'empressent de désigner comme un «Poutine» algérien, continue de susciter un réel malaise. Le malaise commence quand Ali Ghediri pose le postulat de base : «C'est moi ou le système». Un «moi» narcissique, égotique, égocentrique. «Moi» qui ? Qu'a fait Ghediri pour s'autoproclamer le «sauveur» de l'Algérie ? Un slogan qui claque mais qui peut inquiéter, tout un chacun. D'abord, pourquoi Ali Ghediri, officier à la retraite, serait-il une exception dans une armée qui a formé tant de compétences, fournit tant d'officiers supérieurs, charrié tant de brillants techniciens et stratèges. Si chaque général sorti à la retraite devait s'autoproclamer sauveur de la Nation, on imagine déjà l'embouteillage. «Et le système», c'est qui ? Au-delà des opportunistes qu'il stigmatise à raison (tout le peuple algérien les stigmatise par ailleurs), le système est un ensemble d'institutions, de personnalités, de notabilités, de réseaux, de rouages de l'Etat, de l'administration, du fonctionnaire, au simple travailleur qui «fait tourner le système». Le plus inquiétant est pourtant pour ses soutiens : Ghediri qui se présente en bon démocrate traite l'opposition de «salonnards», et la société civile de quasi inutile, car aime-t-il à répéter : «C'est moi ou le système». Les autres, tous les autres, ceux qui ont mené des combats démocratiques depuis des décennies, devraient davantage s'inquiéter que le soutenir, à moins que l'obsession anti-Bouteflika aveugle le jugement, car à ce jeu, ils penseront voter contre un «autocrate» et pourraient récolter un apprenti dictateur. D'ailleurs, le général a la naïveté de ne pas s'en cacher :«Vous avez voulu le changement, je vous le donnerai». Merci mon général. Le malaise continue avec ce mimétisme russe. Donc, Ghediri serait Poutine !! Avant d'oser des comparaisons gênantes pour le candidat-militaire, il faudrait avoir un bref aperçu de ce qui était la carrière de Poutine avant d'arriver au Kremlin . Quand il a pris sa retraite d'officier du GRU (Renseignements militaires), Vladimir Poutine a mis le bleu de chauffe depuis les plus bas échelons de l'administration russe. De conseiller municipal à Saint Pétersbourg, à premier adjoint au maire, en passant par directeur de campagne des législatives, de «cabinard», à directeur de l'administration à la présidence russe, de chef de cabinet... un parcours long et riche dans le monde politique, avant de prétendre à quoi que ce soit dans «le système» russe. Tout Poutine qu'il est maintenant, il n'a jamais eu l'arrogance de se croire au-dessus de la mêlée de ses pairs ou du monde politique russe. On n'osera pas mettre le CV d'Ali Ghediri dans la balance face à Poutine, eu égard à sa filiation russe. Quand Poutine escaladait, marche après marche, le pouvoir, Ghediri avait pour guise de parcours «politique», un fauteuil inamovible au MDN pendant plus de 20 ans à signer de la paperasse ! Maintenant, si la petite «Ghedirimania» est indulgente avec ses anecdotes, on lui accordera le bénéfice du doute quand il dit qu'il fut un «opposant» dans la cafeteria du MDN, et qu'il s'est opposé, depuis 1999, au Président Bouteflika ! Même si personne ne l'avait entendu, ni lui-même n'a présenté sa démission en se prévalant de la clause de conscience. Certainement qu' il y pensait durant le trajet de son bureau au parking, mais tout cela est évidemment... invérifiable. Mais le malaise grandit davantage lorsque Ghediri commence à balancer ses diplômes au visage de ses pairs militaires. Le syndrome du «major de promo» passe mal lorsqu'il affirme à El Khabar : «Je suis le seul général-major de l'institution militaire qui possède tous les diplômes militaires et universitaires !» Déjà que Ali Ghediri ne donne pas beaucoup de considération à l'armée, dont le budget, au passage, a payé ses formations et ses fameux diplômes, qui lui a mis quelques galons sur les épaules, et à laquelle, en signe de remerciement, lui répond : «Je n'ai pas besoin de l'armée, j'ai le peuple avec moi». Et le malaise devient insoutenable quand, venant de l'un de ses enfants, on dresse l'armée contre le peuple et vice-versa, ce qui est une ignominie en soi, un acte indigne, même si l'uniforme est au placard. Car si Ghediri traite de cette manière une armée qui lui a tout donné, on est en droit de se demander comment Ghediri va traiter le peuple demain s'il lui donne la victoire ? Les déclarations du général-citoyen sonnent étrangement comme celles entendues au début de l'islamisme des années 1990. «C'est nous ou le système» était déjà le tube du FIS dissous. Et le malaise devient intolérable quand Ali Ghediri soutient que «la solution est politique et pas économique». On sait que l'argumentaire économique du candidat est léger, quand il ne fait pas dans les généralités du café du coin comme le prouvent «les axes» de son programme, mais cela n'est pas fortuit. Il dissimule le cœur de sa candidature. Car, Ghediri est aussi le candidat du système. D'un autre système, celui de la rente militaro-affairiste. Celle qui a créé des monopoles sur les produits de haute consommation du temps où les généraux donnaient tout, distribuaient tout à leurs amis du business. Ne demandez pas à Ghediri s'il est socialiste, libéral ou communiste, il est juste là pour rendre la vie facile au capital. Et sur ce plan, on a une idée sur son intention de couper les vivres aux plus démunis, à détruire le tissu social, les subventions et les transferts sociaux qui sont un pilier du programme Bouteflika. Et à ce moment, là, on verra ce que le peuple en pense. H. F.