Par Makhlouf Mehenni 01 Févr. 2019 à 11:00 Faute de désigner son candidat, le pouvoir a choisi son adversaire. Gaïd-Salah, Tliba et maintenant Ouyahia puis Ghoul, les répliques à l'égard de Ali Ghediri, candidat potentiel à l'élection présidentielle d'avril prochain, n'en finissent pas. Ce jeudi 31 janvier, Ahmed Ouyahia, s'exprimant en sa qualité de secrétaire général du RND, n'a pas manqué, entre les louanges habituelles au chef de l'Etat et des attaques inattendues à l'adresse du FLN, d'y aller de sa petite pique pour celui qui semble faire l'unanimité contre lui chez toutes les factions du système. « Pour certains hommes politiques, l'avenir est dans le changement, pour ne pas dire dans la rupture. Moi, je dis que l'avenir est dans la continuité, parce que nous sommes un pays qui continue à se construire et qui remet de l'ordre dans la maison. » Nul doute que c'est le général-major à la retraite qui est visé. Dimanche dernier, pour sa première sortie publique, Ali Ghediri avait réitéré au forum du quotidien Liberté ce qu'il avait promis dans sa déclaration de candidature de réaliser s'il accède au poste de président de la République : la rupture avec le système politique en place depuis l'indépendance. Et dans son programme électoral, publié hier jeudi sur sa page Facebook, sept sur les huit grandes lignes commencent le mot "rompre". Dans l'après-midi d'hier, Amar Ghoul, de passage sur TSA Direct, a promis de répondre pendant la campagne électorale à celui qui parle de rupture après avoir « passé toute sa vie au sein du système ». En attendant, « Ali Ghediri peut rêver de ce qu'il veut », ironise le président de TAJ, l'un des principaux soutiens du président Bouteflika. Tant que Ghediri n'avait pas fait part publiquement de son intention de présenter sa candidature, l'armée, dont il avait exhorté le chef à « assumer ses responsabilités », donc à investir la sphère politique, pouvait sans gêne lui répliquer et le « remettre à sa place ». Cela s'est fait immédiatement après son interview du 25 décembre à El Watan. Le 30 décembre, un long communiqué mis en ligne sur le site officiel du MDN s'en prenait ouvertement à lui, dans des termes crus qui tranchent avec le ton mesuré qu'on connaissait à l'armée. Sans être cité, Ali Ghediri est taillé en pièces, ses capacités remises en cause, son ambition jugée « démesurée » et « les cercles occultes » qui « le commanditent » dénoncés. S'ensuivra un éditorial de la revue El Djeich avec quasiment la même teneur avant que le chef d'état-major de l'ANP ne se charge de prononcer lui-même les mêmes griefs à deux reprises. C'était lors de sa visite dans la deuxième région militaire les 8 et 9 janvier. Les répliques de l'armée ne se sont estompées que lorsque le général à la retraite a rendu publique sa déclaration de candidature. Avec cette casquette, toute attaque à son égard serait à juste titre interprétée comme un parti pris flagrant de l'institution militaire en faveur d'une partie au détriment d'une autre dans la course électorale, elle dont la mission, comme l'a rappelé Ahmed Gaid-Salah lors de sa visite dans la première région militaire le 22 janvier, se limite à la sécurisation du scrutin. D'autres parties ont donc pris le relais pour s'en prendre à Ali Ghediri qui veut « défier le système ». Au lendemain de son passage au forum de Liberté, au cours duquel il avait lancé sa fameuse sentence « ou c'est le système, ou c'est moi », le député FLN Bahaeddine Tliba s'en est violemment pris au candidat qu'il qualifie de « soldat désarmé, avec un passé militaire peu glorieux » qui « espère redorer son image ternie à travers sa candidature à la magistrature suprême ». Une candidature qui « ne peut pas aboutir, car il ne peut pas simplement diriger un pays révolutionnaire comme l'Algérie, même s'il a eu le quitus des laboratoires étrangers et des représentations diplomatiques et sécuritaires à Paris », assène le député d'Annaba qui va fouiner dans le passé du général pour déterrer un incident dont il se serait coupable. « Ironie du sort, celui qui veut aujourd'hui diriger notre grand pays n'avait pas la compétence requise quand il était commandant dans les forces navales. Il se souvient certainement de l'incident qu'il avait provoqué lorsqu'il était en service dans ce corps. Ce qui lui avait valu d'être écarté par mesure disciplinaire. » L'attaque est d'une rare violence. Les propos d'Ouyahia et de Ghoul sont assurément plus mesurés, mais, pour ne pas dire qu'ils cachent mal une action concertée, dégagent au moins la même volonté de remettre à sa place celui qui, non seulement veut se dresser sur le chemin d'un cinquième mandat pour Abdelaziz Bouteflika, mais aspire à dégager tout le système. La réplique de celui-ci ne fait peut-être que commencer…