Beaucoup ne croient pas en la possibilité de la tenue d'une élection présidentielle dans un délai de trois mois, du moins dans la configuration que stipule la Constitution, notamment avec comme préposé à la préparation du scrutin, un personnel issu du système qu'ils contestent depuis sept semaines. D'ici trois mois, dans une Algérie en mouvement tel qu'elle ne l'a jamais été, bien des choses pourraient survenir et donner un cours dans un sens ou dans l'autre à son Histoire. En attendant, et bien qu'en partie tributaire de ce qu'il en sortira du Palais des Nations où se réunissent, ce matin, les élus des deux Chambres du Parlement pour constat de la vacance du poste du président de la République pour ensuite procéder à l'intronisation du président du Conseil de la Nation, le très contesté Abdelkader Bensalah, il y a tout lieu de prendre en considération l'option d'une élection présidentielle d'ici le début de l'été. Et ce, même si la tenue de l'élection la plus importante pour tout pays dans les conditions qui prévalent chez nous en ce moment ne va pas recueillir les faveurs de tout le monde, loin s'en faut ! Mais cela sera-t-il suffisant pour remettre en cause la feuille de route des pro-Constitution ? Pas sûr que ces derniers consentent à revoir leur copie et dévient de leur objectif de tenir une élection présidentielle dans trois mois, malgré donc tous les facteurs défavorables dont, en tout premier lieu, le rejet de ceux parmi les millions d'Algériens qui rejettent toute implication d'individus issus du système, de Bensalah à Belaïz en passant par Bedoui. Quoi qu'il en soit, l'on se dirige vers une autre élection présidentielle qui fera date, jusqu'à reléguer en termes de controverse les quatre élections ayant porté Bouteflika à la tête du pays. Des élections qui ne réunissent pas les conditions idoines ni l'adhésion des masses, mais des élections auxquelles pourraient tout de même prendre part de potentiels candidats qui n'ont pas caché leurs ambitions de succéder à Abdelaziz Bouteflika. On pourrait ainsi retrouver sur la ligne de départ le chef de Talaie Al-Hourriyet, Ali Benflis, qui il n'y a pas plus tard que trois jours confiait qu'il compte bien respecter la Constitution dans l'esprit, mais en assumant des choix politiques qui contredisent l'article 102 de la loi fondamentale du pays, et ce, en fondant sa démarche sur l'article 7 de la Constitution. En tous les cas, dès le départ du processus, avant que l'ébullition n'emporte le pays là où il est aujourd'hui, Ali Benflis donnait l'impression d'être prêt à tenter une nouvelle fois de viser la présidence de la République, puis de ne rejeter l'idée de prendre part à l'élection que juste avant que Bouteflika annonce qu'il briguera un 5e mandat, le pays n'étant pas encore, à ce moment-là, entré en zone trouble. Pouvant s'appuyer sur une machine déjà bien expérimentée en campagnes électorales, Ali Benflis se dit sans doute qu'il a plutôt tout à y gagner en prenant part à l'élection, même si le risque de voir une grande partie de l'électorat lui tenir rigueur de se lancer dans une telle entreprise alors que les conditions réellement démocratiques ne semblent pas réunies, du fait de la qualité de la partie appelée à organiser cette élection. D'autres potentiels candidats n'hésiteraient pas à se lancer malgré toute l'incertitude de la conjoncture. Il pourrait en être ainsi de l'ex-général Ali Ghediri, celui qui a tenu à être présent jusqu'au moment où Bouteflika annonçait l'annulation de l'élection et du prolongement de son 4e mandat. Tout autant qu'Ali Benflis, Ghediri qui, malgré le lâchage de Mokrane Aït Larbi, semble de ceux qui ont pris leurs devants pour tenter de déranger la quiétude de Bouteflika lorsque l'élection était encore à l'ordre du jour. Là encore, malgré toute la défaveur qu'il a amassée en cours de route, ce qui lui avait d'ailleurs valu d'être éconduit par des manifestants lors de l'une des grandes marches des vendredis qui se sont écoulés. Au même titre que Benflis et Ghediri, le leader du Front Al-Moustakbal, Abdelaziz Belaïd, s'est lui aussi retiré au dernier moment de l'élection telle qu'elle était prévue au départ. L'on se souvient, en effet, qu'il avait décidé de «geler (sa) candidature tant que le Président Bouteflika maintenait la sienne», le 4 mars dernier, et ce, après avoir bel et bien déposé son dossier auprès du Conseil constitutionnel agrémenté de pas moins de 115 000 signatures d'électeurs de 48 wilayas, et en justifiant sa participation par la conviction que «le peuple algérien veut le changement et la réalisation d'une transition calme et souple». Ce même peuple qui, si l'on s'en tient au message des manifestations de vendredi dernier, ne semble pas prêt à adhérer à la tenue d'une élection présidentielle dirigée par un personnel dont il exige le départ. Potentiellement donc, un fort taux de non-participation qui déteindrait irrémédiablement sur la «légitimité»de l'élection. Azedine Maktour