"Une commission Bensalah II fera-t-elle mieux que sa devancière qui a créé un précédent fâcheux en révélant le peu de sérieux du pouvoir en place ?" s'interroge Ali Benflis. "à un moment où tout le débat politique dans notre pays se concentre sur la légitimité des pouvoirs et sur les institutions de la République qui ne fonctionnent plus, le régime en place croit pouvoir délocaliser l'attention sur les replâtrages et les retouches limités et partiels qu'il propose d'introduire dans l'édifice institutionnel. La ficelle est trop grosse et la manœuvre peu subtile." Le propos n'est pas d'un irréductible opposant, ni d'un homme étranger aux mécanismes de fonctionnement du sérail, mais d'Ali Benflis, ex-secrétaire général du FLN et candidat malheureux de l'élection présidentielle du 17 avril. Dire qu'il est hostile et rejette globalement et dans le détail la démarche du président Bouteflika pour une révision constitutionnelle consensuelle est une lapalissade tant il l'a considère comme une "diversion". "Une commission Bensalah II fera-t-elle mieux que sa devancière qui a créé un précédent fâcheux en révélant le peu de sérieux du pouvoir en place ?" s'interroge Ali Benflis dans une analyse des réformes politiques proposées dans le discours d'Abdelaziz Bouteflika et dont nous détenons une copie. D'emblée, il note que la démarche du Président déclinée lors de son discours d'investiture et qui vise la révision de la loi fondamentale exclut de fait l'organisation d'une période de transition ou l'organisation d'une conférence nationale comme le réclame une partie de l'opposition. "Cette démarche contient un rejet implicite de l'organisation d'une transition sous les deux formes proposées et connues : la forme de la conférence nationale et celle du ‘mandat-transition'. Elle révèle l'attachement du régime en place à la seule formule qu'il envisage lui-même, celle d'une transition-programme focalisée exclusivement sur une révision constitutionnelle limitée dans sa portée et dans son contenu", soutient Benflis. "Par cette démarche, le pouvoir en place refuse d'aller sur le terrain de l'opposition et cherche à la ramener sur le sien ; un terrain dont il a pris le soin de baliser le pourtour et où il a fixé le jeu et les règles du jeu." Conséquences d'une telle démarche, selon Benflis : "Alors que l'opposition revendique une refonte globale d'un système politique parvenu à une impasse, le pouvoir en place nie l'existence d'une telle impasse politique et institutionnelle et limite sa réponse à une simple révision constitutionnelle. En second lieu, alors que l'opposition attribue cette impasse à une double crise, une crise de légitimité et une crise des institutions mises dans l'incapacité de s'acquitter de leurs compétences constitutionnelles, le pouvoir en place se place dans la logique d'aménagements à apporter à la séparation des pouvoirs, à la justice, au parlement, à la place de l'opposition et aux droits et libertés des citoyens. Enfin, alors que l'opposition réclame une constituante comme cadre global d'une refondation du système politique algérien, le pouvoir en place n'envisage qu'une révision constitutionnelle qu'il organiserait et contrôlerait lui-même et dont il déciderait seul du contenu final." Mauvais diagnostic, faux remède Dans son analyse, Ali Benflis relève que le pouvoir et l'opposition divergent diamétralement sur le diagnostic de la crise, la démarche à suivre pour la dépasser, les mécanismes à mettre en place pour la traiter et les objectifs à fixer et à réaliser pour la surmonter. Dès lors, la proposition de révision constitutionnelle consensuelle du pouvoir pèche par des insuffisances, au nombre de quatre, détaille Benflis, qui la rendent sans effet "sur la crise politique et institutionnelle actuelle". D'abord, elle se trompe sur la nature et les causes de la crise. "L'Algérie ne souffre pas actuellement d'une crise constitutionnelle mais bien d'une crise de légitimité et d'une crise institutionnelle. La révision constitutionnelle projetée ne changera rien en réalité à ces deux crises : une crise de légitimité des institutions du pays de la base au sommet et une crise institutionnelle née du fait qu'aucune institution de la République ne s'acquitte de ses missions de manière effective en conséquence de l'incapacité avérée d'Abdelaziz Bouteflika. Bien plus, le mal n'est pas dans les Constitutions algériennes. Il est dans ce système politique en place qui, lorsqu'il ne malmène pas la Constitution, fonctionne en dehors d'elle. La meilleure Constitution du monde ramenée en Algérie se révélerait rapidement sans effet en premier contact avec le système politique algérien", estime Ali Benflis. Ensuite, la proposition n'est pas crédible, selon lui. "Jamais un pouvoir politique dans l'histoire de notre pays n'a autant malmené et violenté la Constitution de la République que celui en place actuellement. Quinze années durant, tous ses efforts n'auront tendu que vers un seul but : constitutionnaliser le pouvoir personnel et la présidence à vie. Ce qui pouvait paraître à l'origine comme un procès d'intention excessif est devenu, aujourd'hui, une réalité qui se dévoile aux yeux de tous : le pouvoir personnel et la présidence à vie sont là. Comment dans ces conditions accorder la moindre crédibilité au pouvoir en place lorsqu'il promet, aujourd'hui, de défaire ce qu'il n'a cessé de faire pendant trois mandats ?" s'interroge-t-il. Enfin, elle n'accorde à l'opposition que le rôle de caution politique et morale. "(...) L'opposition n'a rien à dire ou à redire : le pouvoir en place a déjà décidé pour tous qu'il s'agira d'une simple révision constitutionnelle dont il a unilatéralement délimité les cinq objets. L'opposition n'est ‘conviée à s'associer' qu'à ce seul cadre. S'il ne s'agit que de cela, pourquoi le pouvoir en place éprouve-t-il le besoin d'associer l'opposition dont il connaît déjà les idées et les avis qu'elle a eu à formuler devant la commission Bensalah et qui auront donc été jetés aux oubliettes ?" s'interroge encore Benflis. "La proposition de révision constitutionnelle ne vise qu'à faire diversion. Là est son seul et véritable objectif", décrété Benflis. Concernant les thèmes de la révision projetée par le pouvoir, à savoir la recherche du consensus, la séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice, le renforcement du rôle du Parlement et la place de l'opposition, l'ex-secrétaire général du FLN égrène les travers et l'attitude du pouvoir jusque là, comme "le fait accompli et les mesures unilatérales", la concentration des pouvoirs, l'instrumentalisation de la justice, le mépris du Parlement et le combat mené contre l'opposition. "M. Bouteflika n'a jamais recherché autre chose que le pouvoir personnel et il a fini par l'avoir. Lui-même et ceux qui l'entourent n'ont jamais eu pour maxime dans l'exercice des pouvoirs que celle de ‘diviser pour régner'. L'opposition politique le sait car elle a en souffert. C'est donc un régime finissant qui découvre les vertus du consensus. Sa conversion à ce mode de prise de décision que toute sa gouvernance passée rejetait n'en est donc que plus surprenant". K K Nom Adresse email