Indignés, les Algériens ont été nombreux à réagir à l'affaire des quatre femmes déshabillées dans le commissariat de Baraki après leur interpellation, ce samedi, à la Grande-Poste. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Tout a commencé donc samedi lorsqu'un groupe de militants d'associations activant au sein du mouvement populaire furent interpellés alors qu'ils s'apprêtaient à rejoindre un rassemblement prévu ce jour-là. L'action a été programmée la veille pour protester contre les tentatives d'interdire les manifestations pacifiques. Alors qu'il se trouve attablé à un café, l'un des membres de ce groupe, un jeune, est sommé de suivre un policier. Les jeunes femmes, membres du MDS et de RAJ, qui l'accompagnent filment la scène, mais des éléments des forces de l'ordre, très présents ce jour encore, confisquent le téléphone portable et les dirigent vers un camion de la police. La direction est connue : le commissariat de Baraki. La suite de l'affaire aussi : après avoir attendu de longues heures, les filles sont contraintes de se déshabiller totalement par une policière qui procède ensuite à une fouille corporelle poussée. Elles ne sont relâchées que vers 1 h du matin. Le scandale éclate aussitôt. Quelques moments après, un militant du PST mais aussi journaliste décide de poster (sur Facebook) une vidéo dans laquelle il porte à la connaissance du public les faits qui viennent de se dérouler. Le président de l'association RAJ s'exprime presque au même moment. La toile s'enflamme. Condamnation unanime. Les internautes dénoncent en force l'humiliation subie par des manifestantes pacifiques. Des termes très durs sont prononcés à l'égard de la policière, de sa responsable et de la hiérarchie. Les faits sont d'une gravité telle que plusieurs personnes émettent cependant des doutes et exige des preuves de ce qui vient de se dérouler. Elles sont apportées par les victimes elles-mêmes. Les filles acceptent de livrer leurs noms, répondent aux questions des journalistes qui les contactent et postent même des vidéos relatant leur terrible histoire. Les détails choquent, les mots prononcés aussi. A l'une des militantes, Hania Chaâbane, la policière lance : «Dégagez tous… enlevez tous vos vêtements» en référence au slogan scandé depuis le 22 février par des millions d'Algériens. Des condamnations se font également entendre chez les personnalités publiques et les acteurs politiques. Dans une déclaration à la presse, l'avocat et défenseur des droits de l'Homme Miloud Brahimi indique que la fouille corporelle dans la situation décrite n'est «pas normale», et «condamnable». Soufiane Djilali, responsable de Jil Jadid, réagit dès les premières heures en postant sur son compte Facebook un communiqué dans lequel il qualifie l'acte «d'abjecte vilenie» et «l'atteinte à l'honneur de nos femmes» et appelle la hiérarchie à relever la policière et ses responsables de leurs fonctions. Dans la soirée de dimanche, Mohcine Belabbas, président du RCD, intervient aussi pour exiger l'ouverture d'une enquête. Selon lui, les faits sont une «forme de torture» et «un message à travers lequel on veut humilier tout un peuple». Hier, la Laddh a publié à son tour un communiqué dénonçant un acte visant «à semer la terreur et sanctionner le mouvement populaire». «C'est une atteinte à la dignité humaine», indique également l'organisation avant de réclamer l'ouverture d'une enquête judiciaire. Hier, l'affaire continuait de focaliser l'attention des Algériens. Les victimes ont annoncé leur intention de déposer plainte. Des avocats ont été saisis dans la journée. A. C. Les explications de la Sûreté de wilaya d'Alger Les services de la Sûreté de la wilaya d'Alger ont tenu à démentir, dans un communiqué rendu public dans l'après-midi d'hier, les accusations de maltraitance contre les 4 manifestantes arrêtées samedi. Le communiqué ne dément, toutefois, pas le fait que les militantes interpellées aient été obligées de se dénuder totalement dans les locaux du commissariat. «Les quatre citoyennes, accompagnées de 6 personnes (hommes), ont été transférées dans l'un des commissariats de Baraki, dans le cadre d'une procédure sécuritaire préventive, où elles ont subi une fouille corporelle, dirigée par une lieutenant de police pour les 4 citoyennes», indique le communiqué, précisant que cette mesure consiste à ôter tout élément pouvant être utilisé par les personnes interpellées «contre elles-mêmes ou contre autrui».