Enquêteurs de la Gendarmerie nationale, de la police judiciaire et magistrats croulent littéralement sous les dossiers de corruption. Les affaires avancent avec une célérité à laquelle les Algériens sont peu habitués. L'appel du chef d'état-major a visiblement trouvé rapidement écho sur le terrain. L'opération anti-corruption lancée au lendemain de la démission de l'ancien chef d'Etat bat son plein, les enquêtes se multiplient, s'intensifient et s'élargissent frappant de plein fouet tous les milieux d'affaires ou de responsables proches du clan Bouteflika. Dans un précédent discours, un mardi comme le veut désormais la tradition, Gaïd Salah lançait en effet un nouveau message à la justice «libérée des pressions qui pesaient sur elle» pour l'inviter à accélérer le traitement des dossiers de corruption. Dans la foulée, il annonce la réouverture des grandes affaires que le pays a connues ces dernières années, et même bien avant puisqu'il a évoqué y compris celle de Khalifa. Des sources proches du dossier rappellent que l'affaire a été jugée, ce qui implique qu'une nouvelle procédure doit être mise en place, et elle pourrait partir de nouveaux éléments apparus lors de l'audition des hommes entre les mains de la justice. Pour l'instant, rien n'a encore filtré, mais a contrario, Sonatrach figure bel et bien sur la table des juges instructeurs chargés d'aller plus loin que ne l'ont fait leurs collègues quelques années auparavant. Au lendemain de l'intervention de Gaïd Salah, la Cour suprême diffusait ainsi un communiqué informant l'opinion qu'une convocation avait été adressée à Chakib Khelil, ancien ministre de l'énergie et P-dg de Sonatrach. Sur sa page Facebook, celui-ci a réagi en clamant d'avance son innocence, des propos qui, pour beaucoup, trahissent sa surprise de se voir à nouveau inquiété par la justice. Les dossiers soumis à cette dernière ne traînent plus, à peine enclenchée, la procédure contre Issad Rebrab débouche déjà sur l'organisation d'une comparution programmée pour ce dimanche 5 mai. Dans le lot des hommes d'affaires réputés proches de la famille Bouteflika, ce dernier fait tache, Rebrab ayant, au contraire, continuellement dénoncé des pressions et entraves émanant de l'entourage immédiat de l'ancien Président. Il en est tout autre pour Ali Haddad. Symbole même de l'oligarchie qui s'est construite autour des Bouteflika, le premier procès de l'ancien responsable du FCE a déjà été fixé, il aura lieu le 20 mai prochain au tribunal de Bir-Mourad-Raïs. Les procès sont fixés alors que s'accélèrent les auditions d'anciens hauts responsables. Ahmed Ouyahia a été entendu durant plus de deux heures cette semaine au tribunal de Abane-Ramdane, mais il n'est pas à écarter qu'une seconde audition lui soit consacrée. Elle aurait lieu au niveau de la Cour suprême cette fois puisqu'une convocation lui a déjà été transmise. Il en serait de même pour Mohamed Loukal, actuel ministre des Finances, entendu lui aussi il y a une semaine par le juge d'instruction du tribunal de Abane-Ramdane. Les noms des deux hommes ont en effet été cités par les frères Kouninef lorsque ces derniers se trouvaient entre les mains des enquêteurs de la brigade de Bab Jedid. A ce niveau, la pression est très forte, les enquêtes multiples. Le parquet d'Alger avait annoncé l'existence d'une liste de douze hommes d'affaires frappés d'ISTN (interdiction de sortie du territoire national) et devant rester à la disposition de la justice. Certaines auditions se sont déroulées loin des médias pris dans le feu de l'actualité, et l'information n'a donc pas circulé de la même manière qu'avec les personnalités les plus en vue. Le travail de la police judiciaire s'effectue, lui, dans la discrétion mais la conjoncture actuelle favorise, cependant, les fuites. L'opinion, aux aguets, sait pertinemment que des fouilles ont et sont organisées au domicile des personnes ciblées par ces enquêtes. Parfois leur entourage et également concerné. Des arrestations ont aussi lieu, la dernière en date concerne l'ancien directeur général de Club-des-Pins. Ses deux fils, arrêtés séparément, font aussi l'objet d'une garde à vue. Pour l'instant, la justice continue à garder le silence. Son attitude, avait expliqué cette dernière, répond au souci de préserver le secret de l'instruction et la présomption d'innocence des mis en cause. La première liste publiée par le parquet d'Alger s'est, cependant, allongée depuis. D'autres noms s'y sont ajoutés et d'autres le seront encore. Le chef d'état-major a fait savoir que la célérité s'imposait afin d'éviter que les concernés prennent «la fuite». A. C.