La mise sous mandat de dépôt de Louisa Hanoune a entraîné une grande vague de protestation exprimée tant par les acteurs de la vie politique et associative, que par les simples citoyens inquiets, disent-ils, de la nouvelle situation qui s'installe. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Les évènements qui ont conduit à l'incarcération de la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) ont commencé mercredi soir. A ce moment, elle est déjà en possession d'une convocation émanant du tribunal militaire de Blida. Cette dernière informe la concernée qu'elle doit être écoutée par le juge d'instruction dans le cadre du dossier Saïd Bouteflika et des généraux Toufik et Tartag arrêtés pour «complot contre l'autorité de l'Etat et de l'armée». L'étonnement est grand, et les interrogations des dirigeants du PT aussi. Celle qui dénonçait trois jours auparavant une cyberattaque douteuse, menée par des personnes qu'elle qualifie de «mouches électroniques», se trouve face à une nouvelle affaire plus grave. Jeudi matin, à 9 h, son nom est déjà cité parmi les personnes devant comparaître. Elle arrive quelque temps plus tard, accompagnée de l'un de ses proches collaborateurs. Avant même son entrée au tribunal, l'information est diffusée et tourne en boucle sur des chaînes de télévision privées. L'arrivée de Louisa Hanoune au tribunal militaire de Blida est filmée et retransmise de la même manière que le fut, cinq jours auparavant, celle de Saïd Bouteflika, le général Toufik et Tartag. Les mêmes sources affirment que sa convocation s'inscrit dans le cadre du groupe arrêté pour «atteinte à l'autorité de l'armée» et «complot contre l'autorité de l'Etat». La SG du PT gravit les marches du tribunal seule. La présence d'avocats n'est pas permise à ce stade de l'instruction. Son audition prend de longues heures. Sur Facebook, des internautes s'interrogent, condamnent, dénoncent. Le PT répond aux questions qui lui sont posées en rappelant que sa SG a été convoquée en qualité de témoin et que «rien ne lui est reproché». Nul n'est en mesure à ce moment de savoir ce qui se déroule à Blida. Le collaborateur qui l'accompagnait demande de ses nouvelles de temps à autre, mais on lui répond à chaque fois que l'audition est encore en cours. Vers 14h, l'ENTV annonce la mise sous mandat de dépôt de Louisa Hanoune. Selon son parti, cette dernière se trouve pourtant encore chez le juge d'instruction. Une heure plus tard, la même source indique qu'elle a été transférée au centre de détention civil pour femmes de Blida. «Louisa Hanoune est arrêtée pour ses positions politiques», indique quant à lui le PT dans un communiqué. Il qualifie de «dérive gravissime» la mise en détention provisoire de sa secrétaire générale. Il évoque «un acte de criminalisation de l'action politique indépendante et l'expression d'une volonté de mise au pas des militants et activistes par le pouvoir de fait. Il s'agit, là, dit-il encore, d'une mesure contre le peuple algérien et sa mobilisation révolutionnaire entamée depuis le 22 février 2019». Les réactions s'enchaînent. Sur les réseaux sociaux, des Algériens demandent la libération de Louisa Hanoune. L'inquiétude se fait ressentir, les termes «virage dangereux», «tentative de faire taire les voix libres» reviennent souvent. Ces expressions sont celles de citoyens ordinaires, mais les acteurs de la vie politique ne tardent pas à réagir. Sur sa page Facebook, le président du RCD publie un texte disant que les «caractéristiques du coup militaire apparaissent jour après jour par le contrôle militaire de la décision politique et l'exercice de la justice par des ordres (…) ils nous ont imposé une période trompeuse, avec une justice spectaculaire, sélective, de représailles (…) imposer le système des casernes dans la vie sociale mène à la tyrannie ». Le FFS a, lui aussi, «dénonce et condamne énergiquement l'arrestation » de Louisa Hanoune, car « rien ne peut justifier cet acte arbitraire et abusif . «Le FFS, solidaire avec le Parti des travailleurs, exige la libération immédiate de sa secrétaire générale.» Pour Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, cette incarcération «pose clairement la question des libertés politiques et interroge sur les véritables intentions du nouveau pouvoir. Faisant suite à une série d'arrestations d'anciens responsables du pays et d'hommes d'affaires, ce dernier acte fait peser de lourdes présomptions sur l'orientation que prend le cours des événements (…)» Ont été également enregistrées les réactions de l'association Raj et celle de la LADDH. RAJ considère que «la décision du tribunal militaire de Blida de placer Louisa Hanoune en détention provisoire de cette manière et dans le contexte actuel est un acte de défiance et révélateur de la volonté du pouvoir réel incarné par le chef d'état-major de faire passer de force son agenda consistant à maintenir le système en organisant les élections du 4 juillet malgré son rejet par le peuple algérien». La Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme estime que cette arrestation ouvrait la porte à «tous les scénarios et à toutes les dérives, une escalade qui nous inquiète à plus d'un titre». A. C.