Les Algériens refusent de quitter la rue tant que les objectifs de la mobilisation nationale massive depuis le 22 février ne sont pas réalisés. Hier, au 17e vendredi de contestation, les Algériens sont sortis par millions pour réitérer les demandes de changement radical du système. Dans toutes les wilayas, les manifestants ont fait preuve d'un engagement sans faille à concrétiser les objectifs de leur révolution unique au monde. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Alger n'a pas dérogé à la règle. Des marées humaines ont envahi le centre de la capitale, réitérant le rejet de tout processus électoral et le dialogue avec les bandes, à leur tête le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah et le Premier ministre, Noureddine Bedoui. Les manifestants ont également fustigé le chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, soupçonné de manœuvrer pour avorter la révolution et maintenir le système. Ce système politique a-t-il encore une raison valable pour résister et rester en place? Jusqu'à quand il va s'entêter à ignorer les revendications populaires, malgré la mobilisation d'ampleur jamais égalée ? En effet, les Algériens poursuivent la mobilisation contre lui avec le même engagement, la même ampleur de mobilisation et la même détermination. La marche d'hier est intervenue au lendemain de la mise en prison des deux anciens Premiers ministres, Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, et Amara Benyounès. Mais cela n'a pas impacté la mobilisation. Les manifestants réclament désormais le jugement de Bouteflika qui a instauré un système basé sur la corruption. Ils ont réclamé également, à travers les slogans et pancartes, la tête de Khaled Nezzar. Beaucoup de manifestants considèrent que ces arrestations répondent au slogan : «Yethasbou gaâ» (ils vont tous rendre des comptes) mais restent sur le terrain jusqu'à la réalisation de l'autre slogan : «Yetnehaw gaâ». En effet, les évènements qui s'accélèrent donnent chaque jour une raison de plus plaidant pour un changement radical du système politique basé sur la corruption. Dans les autres pays du monde, les régimes peuvent contenir en leur sein des corrompus. En Algérie, il semble que tout le pouvoir est corrompu, à commencer par l'ancien Président déchu qui a assuré la protection et l'impunité à tous. «Vous avez construit des prisons, vous allez tous y séjourner», ont lancé les manifestants. La revanche de l'histoire Le hasard du calendrier a fait que la marche d'hier a coïncidé avec le 14 juin, date mémorable de la marche de 14 juin 2001 à Alger, réprimée dans le sang. Cette mémorable marche a été convoquée hier à Alger. Les slogans : «Pouvoir assassin» et «Ulac smah ulac» ont retenti sous le ciel clair de la capitale. Le drapeau amazigh a été très présent dans la marche. Une minute de silence a été observée à la mémoire des victimes. Des manifestants ont rendu hommage aux 127 martyrs du Printemps noir de Kabylie en 2001. Ils ont demandé le jugement des responsables de cette tragédie. Sur une large banderole accrochée sur un immeuble de Didouche-Mourad, on lit : «14 juin 2001, 126 morts et plus de 5 000 blessés. Les familles des victimes réclament toujours justice». Sur une autre banderole, on lisait : «En 2001, vous nous avez divisés. En 2019, nous sommes unis pour vous briser». Voilà une belle revanche de l'histoire. Pour rejeter toute forme de racisme, les manifestants ont lancé des slogans contre le régionalisme. Une vraie leçon de patrimoine et de maturité politique. K. A.