Les Algériens sont descendus massivement dans les rues hier, à l'occasion du 20e vendredi de la contestation populaire contre le système politique, qui a coïncidé avec l'anniversaire de l'Indépendance du pays. Les appels relayés sur les réseaux sociaux durant toute la semaine, pour faire du 5 Juillet une journée de mobilisation historique, ont eu pour effet des marches imposantes dans plusieurs wilayas du pays, avec des mots d'ordre communs, dont les principaux sont le rejet des élections et du dialogue avec « les bandes». Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Malgré toutes les mesures sécuritaires restrictives, la mobilisation était immense à Alger. Dès la matinée, les places principales étaient occupées par les forces de l'ordre qui ont déployé un dispositif impressionnant, mobilisant des milliers d'agents, de fourgons et de véhicules de police. L'intention était clairement affichée : réduire le nombre de manifestants dans la capitale. Mais les marées humaines étaient au rendez-vous, rappelant l'ampleur de la mobilisation des vendredis du mois de mars. Toutes les couleurs se sont associées pour faire de cette journée historique un grand moment de mobilisation, de communion, de fraternité et d'engagement en faveur d'une nouvelle Algérie, en rupture totale avec celle d'avant. Le premier rassemblement a été organisé à partir de 10h 30 au niveau de la Grande-Poste, au moment où la police s'affairait, à disperser les groupes de manifestants. Après la prière hebdomadaire, des «tsunamis» humains, promettant d'emporter le système politique, ont convergé vers le centre de la capitale. Les manifestants ont exprimé, à travers leurs slogans, banderoles et pancartes, le rejet du dernier plan de sortie de crise proposé par le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, qui consiste en l'organisation d'un dialogue inclusif, auquel ne participera pas l'Etat, y compris l'armée, autour de l'élection présidentielle. Ainsi, ils rejettent tout dialogue ou élection avec «les bandes» et les symboles du système dont Bensalah et le Premier ministre, Noureddine Bedoui. Les déferlantes humaines ont ciblé, en outre, le chef d'état-major de l'ANP. Ils ont réitéré les appels incessants au départ des deux personnages (Bensalah et Bedoui), très décriés par les millions d'Algériens qui sortent dans les rues depuis le 22 février, sans discontinuer, avec la même détermination, le même engagement et la même ampleur des manifestations. Bedoui et Bensalah représentent, en effet, deux figures du régime instauré par Bouteflika, basé sur la fraude, la corruption et la dislocation des valeurs morales de la société. Les manifestants ont exprimé haut et fort leur détermination en faveur de l'instauration d'une véritable république démocratie. Ils ont réclamé l'indépendance en criant «Le peuple veut l'indépendance». Les torrents humains n'ont pas manqué de lancer des slogans contre la division, réaffirmant l'unité du peuple dans cette phase historique que traverse le pays. Des images grandioses ont été offertes par les manifestants que rien ne semble avoir entamé dans leur détermination. A travers plusieurs pancartes, on fait le lien entre le 5 Juillet 1962 et le 5 Juillet 2019. L'incarcération du moudjahid Lakhdar Bouregaâ a été fortement dénoncée par les manifestants qui ont exigé sa libération. Des slogans ont été scandés, demandant sa mise en liberté. Ils regrettent qu'un moudjahid de sa trempe passe l'anniversaire de l'Indépendance, pour laquelle il s'était engagée, dans une cellule de prison en raison de ses déclarations. Les manifestants ont également réclamé la libération des détenus d'opinion, dont ceux qui ont porté le drapeau amazigh. Hier, ce drapeau a été exhibé dans l'après-midi au niveau de la Grande-Poste. Il n'a pas été très présent mais les signes de l'amazighité ont été très visibles, y compris à travers des slogans réaffirmant l'identité millénaire du pays. Avec la mobilisation d'hier, les Algériens ont fêté à leur manière le 57e anniversaire de l'Indépendance du pays. Ils ont affiché leur volonté d'en finir avec le système politique et ses symboles et leur détermination à ne pas céder devant aucun obstacle et n'abandonner devant aucune manœuvre. Objectif suprême : libérer le peuple 57 ans après la libération du territoire. Le pire évité à la Grande-Poste La tension était à son comble hier entre 16h et 17h à la Grande-Poste. La police n'a pas trouvé mieux que de s'introduire au milieu de dizaines de milliers de manifestants pour arracher le drapeau amazigh. Les forces de l'ordre sont intervenues avec violence pour arracher très difficilement des drapeaux accrochés au sommet des lampadaires. Les manifestants ont jeté tout objet contre les policiers qui avaient trouvé toutes les difficultés pour sortir de la foule, provoquant de grandes bousculades et quelques blessés. Les agents ont utilisé le gaz lacrymogène contre les manifestants pacifiques et le pire a été évité de justesse. 48 wilayas dans une seule banderole Une banderole géante de quelques centaines de mètres a été déployée par des manifestants qui ont défilé dans les rues d'Alger. La banderole est formée de 48 drapeaux collés l'un à l'autre. Sur chaque drapeau figure le nom et l'immatriculation de la wilaya, avec cette mention sur chacune : «Par le pacifisme, nous attacherons la liberté». Karim A.