Dans la conjoncture immédiate que vit le pays, l'avis de Abdelaziz Rahabi, ancien ministre, et coordinateur du Forum civil pour le changement (FCPC), n'est pas sans intérêt d'autant plus qu'il est le porte-parole du rassemblement de partis politiques, de personnalités et du mouvement associatif, lequel, dit-on, est favorable au dialogue avec le pouvoir «réel». Ce dialogue est même enclenché par la désignation de panel avec à sa tête Karim Younès. Présent, pour la première fois, à la cérémonie d'ouverture de l'université d'été du Front Polisario et de la Rasd qui se tient à Boumerdès, Rahabi a répondu favorablement à notre demande pour écouter son avis sur la désignation du panel qui conduira le dialogue national alors que les manifestants du 23e vendredi consécutif, ont rejeté «ce dialogue sans préalable», version Bensalah. Très rapidement, nous avons été entourés par de nombreux confrères. Notre première question se rapportait à sa réaction par rapport à la désignation du panel piloté par Karim Younès et le rejet de ce panel par les manifestants du vendredi. Il dira en substance. «On ne peut pas considérer que le dialogue est rejeté par la majorité des Algériens. Le dialogue est un processus. Il commence. A mon avis, il ne faut pas se précipiter. Il faut attendre pour savoir quelles sont les véritables prérogatives de ce panel. Le débat, à mon sens, ne porte pas autant sur la composante que sur la feuille de route de ce panel. Est-ce qu'il est souverain ? Est-ce qu'il va décider des élections ? Du suivi, du contrôle des élections, de la date des élections, la proclamation des résultats des élections, se substituer au Conseil constitutionnel qui a perdu toute crédibilité ? A mon avis, il faut laisser le temps au temps. Nous ne pouvons, a priori, porter de jugement tant que nous n'avons pas une idée sur le mandat de ce panel». Et il précise sa pensée sur le dialogue. «J'ai beaucoup travaillé pour enclencher une dynamique de dialogue. C'est parce que c'est le moyen le plus court et le moins coûteux pour sortir de la crise Nous sommes, en effet, dans une impasse politique. Il faut donc travailler sur la mise en place des conditions qui feront que les Algériens reprendront le chemin des urnes et reprendront confiance en l'Etat. Parce que s'il n'y a pas de mesures de confiance et si l'environnement ne change pas, les Algériens n'iront pas voter encore une fois. Dès lors, nous risquons d'aboutir à un troisième report des élections. Pour éviter ce troisième report des élections, il faut mettre en place des mesures de confiance et d'apaisement, élargir le dialogue à tous les Algériens et tenir compte essentiellement de la demande du Hirak qui est fondamentalement démocratique à savoir transparence, contrôle de la richesse publique, lutte contre la corruption, justice indépendante. Par ailleurs, quand je parle de mesures de confiance, je vise également les arrestations pour délit d'opinion. Elles sont inacceptables en 2019. On ne met pas en prison des Algériens pour leurs opinions politiques. C'est clair et nous l'avons dit à Aïn Benian , dans la résolution finale et je regrette que les gens ne l'aient pas noté.» Il insiste sur le fait que pour sortir de la crise, il est nécessaire de revenir à la légalité constitutionnelle. Pour lui, le retour à la légalité ne se fera que par le biais d'une élection transparente et crédible. A ceux qui disent que le processus de Aïn Benian est voué à l'échec, Rahabi répond : «Au contraire, c'est une dynamique de dialogue. Si cette dynamique est prise en charge par la Présidence, tant mieux. Le processus de dialogue avec l'Etat n'est pas né à Aïn Benian. C'est d'abord Mazafran 1 en 2014 et Mazafran 2 en 2016. C'était des propositions de dialogue pour aller ensemble vers une transition démocratique. Aujourd'hui, nous proposons des mécanismes consensuels, inclusifs pour revenir au processus électoral mais pas dans les conditions d'avant 2019.» Comment faire pour rapprocher les points de vue du Forum civil pour le changement avec les partisans de la transition démocratique ? Dans sa réponse, l'ancien ministre de la Communication laisse la porte ouverte aux partisans de la rupture radicale avec le système par le biais de la transition démocratique. «Là encore, personne ne peut faire le procès au processus de Aïn Benian. Moi-même j'étais l'invité du pôle démocratique pour exposer le projet de Aïn Benian le 26 juin dernier. J'ai invité moi-même le représentant du pôle démocratique mais je regrette qu'il ne soit pas venu exposer la démarche de ce pôle. Il reste néanmoins que le document de Aïn Benian est une plate-forme ouverte prête à toute forme d'enrichissement. Le document de Aïn Benian ne clot pas le débat entre Algériens sur le comment sortir de la crise», dira-t-il. Et de conclure. «Le panel va dialoguer avec les partis politiques et la société civile et non pas avec l'Etat.» Abachi L.