Chakib Khelil et Abdeslam Bouchouareb jouent actuellement la course contre la montre pour éviter d'être extradés des pays où ils se trouvent pour échapper à la justice algérienne qui a programmé de les auditionner dans de lourds dossiers de corruption. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Pour ce faire, de nombreuses méthodes «bien connues» dans les milieux de la justice ont été utilisées par les deux anciens ministres. Comme annoncé dans une édition précédente du Soir d'Algérie, ces derniers ont déjà fait parvenir à la justice algérienne des certificats médicaux dont la teneur se rejoint dans le fond puisqu'ils ont été tous deux émis par des psychiatres. Le médecin traitant de Chakib Khelil atteste ainsi que son patient est dans l'incapacité de se déplacer, entendre par là voyager, et ne peut ainsi se rendre en Algérie où des juges de la Cour suprême ont programmé son audition. Au mois de juin dernier, un communiqué de cette haute instance avait, en effet, informé l'opinion qu'elle s'apprêtait à convoquer l'ancien ministre de l'Energie et des Mines dans le cadre du dossier Sonatrach II. Le concerné a réagi personnellement à cette annonce en postant un message, sur sa page Facebook, affirmant qu'il n'avait rien à se reprocher et qu'il avait foi en la justice de son pays. A ce moment, Chakib Khelil se trouvait, cependant, bien loin de l'Algérie. Comme beaucoup, il avait quitté précipitamment Alger où venait de s'ouvrir l'une des plus grandes opérations anti-corruption de l'histoire du pays. On le dit retourné chez lui, aux Etats-Unis. Quant à Abdeslam Bouchouareb, effrayé par la purge qui s'exerçait alors dans tous les milieux proches de Bouteflika, et sachant surtout que sa citation au niveau de la justice n'était plus qu'une question de jours, il prolongera son séjour à l'étranger, où il se trouve depuis plusieurs mois. Il fait, à son tour, parvenir à la justice algérienne un document médical, signé par un médecin français, dans lequel son médecin traitant atteste que son patient est suivi pour troubles psychiatriques et qu'il se trouve, donc, dans l'impossibilité de se déplacer. Les procédés utilisés par ces deux anciens ministres peuvent-ils entraver la procédure d'extradition envisagée par l'Algérie ? Contacté pour des éclairages à ce sujet, Me Miloud Brahimi explique : «En réalité, ceci ne peut en rien bloquer la procédure d'extradition, elle peut tout au plus la retarder. C'est une manière de gagner du temps, car le suivi médical a une durée dans le temps, il est provisoire.» «Dans ce genre de cas, le pays qui demande l'extradition peut aussi demander une contre-expertise, mais, encore une fois, tout cela n'est que provisoire», poursuit l'avocat. Le processus menant à l'extradition se déroule comme suit : «Il faut une demande du gouvernement, et celle-ci doit s'appuyer sur un mandat d'arrêt international. Cette demande est transmise au gouvernement du pays abritant la personne mise en cause. Il la transmet ensuite à la justice qui la transmet au procureur, puis il y a mise en état d'arrestation. Il est évident que les pays en question doivent être signataires d'une convention d'extradition avec l'Algérie.» Conscients de la fragilité de la situation dans laquelle ils se trouvent, Chakib Khelil et Abdeslam Bouchouareb se sont entourés de conseillers juridiques algériens et étrangers. Des sources dignes de foi affirment que les deux anciens ministres ont entrepris des démarches visant à obtenir un statut de réfugiés dans les pays qui les abritent. «Aux Etats-Unis, Chakib Khelil n'a pas grand-chose à craindre en réalité, nous dit-on, ce pays n'est pas signataire d'une convention d'extradition avec l'Algérie, et cet ancien ministre possède la nationalité américaine, il est, en quelque sorte, protégé. Il a, quand même, déposé un dossier pour obtenir ce statut, il est actuellement à l'étude, mais la demande doit contenir des motivations politiques. Chakib Khelil a agi rapidement, avant que le mandat d'arrêt international ne soit lancé, car ce dernier contient des faits qui n'ont aucune base politique, il est poursuivi sur la base de chefs d'inculpation sanctionnés pénalement.» D'autres informations indiquent que Abdeslam Bouchouareb a, de son côté, procédé à la même démarche d'abord en France, «mais il s'est vu lâché par ses amis hauts placés qui refusent tout faux-pas dans la conjoncture complexe que traverse l'Algérie. C'est ce qui l'a réduit à se faire suivre pour troubles psychiatriques, un moyen utilisé avant de s'envoler pour le Liban en raison de l'inexistence d'une convention d'extradition avec l'Algérie». «Rien n'est pourtant encore joué, ces dossiers sont éminemment politiques, tout le monde le sait, ici comme ailleurs.» A. C.