Me Miloud Brahimi avocat, ancien président de la Ligue algérienne des droits de l'homme, partage l'avis de Me Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH (Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme) sur le respect du principe de la présomption d'innocence de l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, objet d'un mandat d'arrêt international lancé par la justice algérienne. « J'approuve totalement les propos de Me Farouk Ksentini car le respect de la présomption d'innocence est un principe constitutionnel mais cela ne veut pas dire que la justice ne peut pas lancer de mandat d'arrêt contre quelqu'un », précisera-t-il. Selon lui, la justice peut considérer qu'elle dispose de suffisamment de charges contre une personne pour lancer un mandat d'arrêt contre elle. « Toutefois, affirme-t-il, seul le juge est en droit de décider d'une inculpation. » A ce titre, il soulignera que contrairement à ce qui se dit dans les médias, Chakib Khelil vient d'affirmer qu'il ne jouit pas de la nationalité américaine et qu'il n'a pas vendu ses biens après avoir quitté le gouvernement. « Il faut attendre que l'instruction arrive à son terme pour décider de rendre publique une inculpation directe. La poursuite et la culpabilité sont deux choses différentes. La poursuite est du domaine de la probabilité et le jugement est du domaine de la certitude. La presse présente, quotidiennement, Chakib Khelil comme coupable. Cela n'est pas correct et est anticonstitutionnel », estime Me Miloud Brahimi. L'avocat conseille d'attendre puisque Chakib Khelil affirme qu'il va rentrer au pays pour se défendre. « S'il ne vient pas, cela voudrait dire qu'il n'a pas confiance en la justice algérienne, et ce serait très négatif pour lui, surtout, qu'il s'agit d'un ancien ministre qui était à la tête d'un secteur stratégique », soulignera-t-il. Reste que pour Me Brahimi, la justice américaine a un grand rôle à jouer dans cette affaire, étant donné que l'exécution du mandat d'arrêt implique l'introduction d'une demande d'extradition. En fonction des conditions qui doivent être remplies conformément aux législations des deux pays, cette demande sera soit acceptée, soit rejetée. Il précisera que les pays anglo-saxons extradent un national, contrairement, par exemple, à la justice française qui n'adhère pas à cette disposition. « Les Américains extradent leurs ressortissants » Me Chérif Chorfi estime, quant à lui, qu'il y a un « trop grand battage médiatique » autour du mandat d'arrêt lancé contre Chakib Khelil. « Il faudra examiner cette démarche sous un angle juridique et politique », recommande-t-il. Et étant donné que ce dossier a été confié à un « excellent juge d'instruction », Me Chorfi est persuadé qu'il a dû respecter la procédure de lancement du mandat d'arrêt. « Le communiqué du procureur général indique que le mis en cause a été convoqué le mois de mai dernier, mais l'intéressé a fourni un certificat médical de deux mois justifiant son incapacité de voyager. Ce délai ayant expiré le 20 juillet, M. Khelil avait répondu qu'il fallait lui adresser un mandat d'amener. Ce mandat est envoyé lorsque la personne n'a jamais été avisée par le juge d'instruction. Or, Chakib Khelil n'était pas dans l'ignorance puisqu'il avait reconnu auparavant avoir reçu et répondu à une convocation du juge d'instruction », explique Me Chorfi. Reste que pour l'avocat, le battage médiatique qui est fait autour de cette affaire est « irréfléchi ». « Pourquoi s'étonner des poursuites judiciaires contre Chakib Khelil, qui est aussi un citoyen ordinaire ? », s'interroge-t-il en rappelant que la loi a prévu la possibilité de poursuivre en justice des ministres et même un président de la République. Mais l'avocat se dit convaincu que l'inculpation d'un « puissant » ministre n'a pu se faire qu'avec « une volonté politique ». A priori, il estime que le fait d'ouvrir ce dossier constitue « un acquis pour la justice algérienne » puisque cela peut donner lieu à d'autres situations identiques. « C'est un début et non pas une fin », signale-t-il. Au sujet de l'éventualité d'une extradition de l'ex-ministre de l'Energie, Me Chorfi rappelle que dans le droit algérien, un national ne peut être extradé. Par contre, les Américains extradent leurs ressortissants lorsqu'il s'agit d'un crime commis à l'étranger. L'avocat tient à souligner que d'autres critères peuvent intervenir dans ce sens, puisque le côté juridique est intimement lié au côté politique. Maître Souileh Boudjemaâ estime aussi qu'il faut écouter la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt avant de l'inculper. Il faudrait, selon lui, avoir des données suffisantes avant de parler d'inculpation. « Chakib Khelil est en droit de se défendre et s'il s'avère que son nom a été utilisé pour accomplir des malversations, il n'a qu'à le prouver à la justice algérienne », estime-t-il.